Al-Ahram
Hebdo : Il y a deux ans que les prix sont élevés. Est-ce un
phénomène inquiétant ?
Hussein Abdallah
: Les cours du pétrole
évoluent d’habitude en sauts de grenouille. C’est-à-dire que
le prix peut demeurer à des niveaux bas pendant quelque temps.
Ensuite, soudainement, il fait un grand saut. Entre 1986 et
2003, les prix ont baissé, entraînant une baisse de l’investissement
dans le secteur. Ce qui a limité l’expansion de la production.
Et donc l’offre n’a pas pu satisfaire une hausse imprévue de
la demande, initiée par la Chine et les Etats-Unis en 2003.
Et ce malgré la disponibilité des réserves. Cependant, à cause
d’un manque au niveau des capacités de raffinage et de production
des dérivés, sur le plan mondial, les prix ont sauté. C’est
là où commence un nouveau cycle : les cours élevés incitent
à la hausse de l’offre. Car si l’on prévoit une hausse durable
des cours, cela encourage l’exploration, le développement des
gisements déjà découverts, notamment ce qu’on appelle les unités
de « production d’urgence », des unités indispensables dans
les moments de hausse de la demande de manière imprévue. Il
encourage en outre l’investissement dans la construction des
unités de raffinage et de production des dérivés.
— Pourquoi les cours sont-ils restés à un bas
niveau pendant presque vingt ans ?
— Les pays industriels, qui importent plus
de la moitié de leurs besoins en brut, ont souvent exercé des
pressions pour maintenir les prix à un bas niveau. Les prix
bas signifient une facture d’importation moins lourde. Dans
le cas des Etats-Unis, la facture est passée de 66 milliards
de dollars en 1997 à 42 milliards en 1998, en raison de la chute
des prix à leur niveau le plus bas. Soit une réduction de 24
milliards. Les pays producteurs, eux, ont en revanche assumé
des pertes à hauteur de 120 milliards de dollars. L’Organisation
des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), à elle seule, en a
assumé la moitié. Mais le fait de maintenir les prix à bas niveau
a fini par impliquer les pays importateurs du brut.
— Comment ?
— Malheureusement, cela déclenche un cycle
dans le sens inverse. Durant la période 1986-2003, les prix
réels se situaient aux alentours du prix de 1973, soit de 5
dollars. Cela n’a pas permis aux pays producteurs de remplir
leurs engagements d’investir pour compenser les gisements puisés,
voire pour construire de nouvelles raffineries et des unités
de production. Conséquence : la capacité de « production d’urgence
» a rétréci à un niveau critique. Seul un nombre limité de pays,
avec en tête l’Arabie saoudite, ont pu produire sous ces prix.
Ce qui n’est pas un phénomène sain, ni pour les pays producteurs
ni importateurs. Et donc, en 2003 (face à la hausse de la demande,
l’offre n’a pu réagir) les prix ont grimpé, sucrant la facture
des Etats-Unis à 157 milliards de dollars en 2004. Il eût été
préférable de laisser les prix glisser selon les lois du marché,
loin des pressions des pays industriels. La hausse serait ainsi
graduelle et sans à-coups.
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