«
Escalader l’Everest est un rêve qui m’habite depuis toujours.
Je ne peux imaginer que la réalisation d’une aventure
si dangereuse puisse être impossible. Elle coûte très
cher, et presque 5 % de ceux qui ont tenté leur chance
ont perdu la vie ». Omar Samra ferait tout pour regarder
le monde du haut de l’Himalaya, et les appréhensions de
son entourage ne le freinent pas. « A 8 800 mètres de
hauteur, on est sur le toit du monde », renchérit Omar
Samra, banquier de 28 ans.
Ce premier
Egyptien qui s’apprête à grimper le mont Everest, et qui
a déjà fait le tour du monde à vélo, est du genre à aplanir
les difficultés. Son regard déterminé traduit une volonté
à toute épreuve. Malgré son jeune âge, il a construit
une philosophie de vie bien à lui, grâce à ses voyages,
ses lectures et les moments difficiles qu’il a endurés.
« Omar est
mon premier enfant normal. Avant lui, j’ai eu deux filles
handicapées. Il a toujours pris soin de ses deux sœurs
et pris part à des activités caritatives », indique sa
mère Nani Saleh, fondatrice de l’Association Al-Haq fil
hayat (Le Droit à la vie). Elle a appris à son fils à
ne jamais céder et à ne pas se laisser abattre par le
chagrin ou le désespoir. « Ma mère me fascine. C’est une
femme qui a une capacité à donner sans limites. Une personne
qui voue une grande fidélité à tout ce qui l’entoure ».
Ce sens de l’abnégation anime également le fils qui, durant
son tour du monde, a consacré deux mois à des activités
bénévoles. Car ses aventures ne sont pas motivées par
le simple désir d’accéder à la célébrité. Au contraire,
il s’étale peu sur ses exploits et accorde peu d’intérêt
aux critiques le taxant d’aventurier badaud cherchant
à attirer l’attention. « Si je ne donnais pas, je sentirais
que quelque chose me manquerait. Je me sentirais coupable
à l’égard de moi-même ». Une fois, dans un petit village
du Nicaragua où 50 habitants étaient démunis d’électricité
et d’eau, Omar Samra s’est porté à leur aide. Avec des
associations caritatives, il les a aidés à construire
des maisons. Et au Costa Rica, il a collaboré avec une
autre association, œuvrant à la protection de l’environnement.
« Notre mission consistait à dresser l’inventaire des
espèces animales des lieux, afin d’obliger le gouvernement
à déclarer cet endroit réserve naturelle ».
Son tour
autour du monde, commencé en 2002, a duré 370 jours. Il
avait 24 ans. Pour préparer son voyage, Samra a dû lire
sur la géographie, l’Histoire, les traditions et la météorologie
des régions à visiter. Il a également commencé à apprendre
l’espagnol pour son passage en Amérique Latine et le chinois,
qu’il estime être la langue de l’avenir. Pendant son périple,
sa vie a été menacée deux fois. La première, lorsqu’un
scorpion l’a piqué dans un bourg primitif du Nicaragua.
« C’était la nuit, tous les habitants étaient endormis.
Un scorpion m’a piqué et en hurlant de douleur j’ai reposé
la main sur le même scorpion, qui m’a encore piqué. Je
tremblais, mon corps chavirait et je me suis rendu compte
que j’allais peut-être mourir. Mais un miracle s’est produit,
grâce à Dieu, mon corps s’est soigné tout seul ». La seconde
fois où il a failli périr, c’est lorsque la neige l’a
recouvert sur une île isolée à quelques kilomètres du
pôle Sud. « Mes doigts noircis étaient engourdis de froid.
Avec l’épaisseur de la neige, j’éprouvais une grande difficulté
à respirer. Mais je n’ai pas cédé au désespoir et j’ai
résisté jusqu’à ce que par chance on vienne me secourir
», raconte Omar Samra. Il a aussi grimpé la montagne de
Chopi, dans le nord du Pérou, à quelque 6 400 mètres d’altitude.
Au sommet, Omar Samra a planté le drapeau égyptien. Il
en a une photo. D’ailleurs, son vrai trésor, c’est son
album regroupant plus de 3 000 clichés photos qui abondent
en paysages pittoresques. L’aventurier les expose sur
son site Internet (www.omarsamra.com).
Omar Samra
se délecte des moments de solitude et des séances de méditation.
Il peut passer des heures, penché sur un livre d’Oscar
Wilde, de Dostoïevski, de Naguib Mahfouz ou d’Anis Mansour.
« En Egypte, les gens comptent sur les autres pour passer
leur temps. Moi, je m’entraîne à ne compter que sur moi-même,
à exploiter toutes mes capacités intérieures ». Cette
nature romantique et méditative n’a pas été altérée par
ses études et son activité professionnelle qui l’ont plongé
dans les chiffres. Car Samra avoue rester un grand rêveur
solitaire, qui se plaît aussi à composer quelques vers.
Pour lui, l’écriture est une sorte de fuite vers un monde
très spécial. Il y cherche refuge en préparant un livre
très subjectif sur sa tournée autour du monde.
L’aventurier
est en perpétuelle recherche d’un ailleurs pour vaincre
ses deux grands ennemis : la routine et le désespoir.
« Les gens se perdent parfois dans le labyrinthe du quotidien.
Ils se réveillent subitement un jour pour découvrir que
la routine a dérobé leurs vies, qui se réduisent en fin
de compte à des copies conformes d’autres expériences
humaines. Il faut donc apprendre à mener sa vie, de manière
créative, en partant à la découverte d’autres horizons
», ajoute Samra. Pour lui, dans la vie, rien n’est acquis.
« Tant que nous sommes en vie, il faut explorer, s’interroger.
Lorsque j’ai dû partir en Angleterre, j’ai commencé à
réfléchir profondément à la religion. Je suis de confession
musulmane. Cependant, plusieurs questions me préoccupent
comme celle de l’existence de Dieu ». Et de poursuivre
: « En effectuant le tour du monde, cela m’a beaucoup
aidé à trouver une réponse convaincante. Je me suis rendu
compte qu’il existe sans doute une force supérieure qui
gère tout ce qui nous entoure, jusqu’aux humbles créatures.
Dans la montagne, je me suis senti très proche de cette
force majestueuse ».
Pour se préparer
à gravir l’Everest, il a dû d’abord se joindre au Club
des Mountaineers, à l’Université de Londres (où il prépare
un magistère), qui rassemble les amateurs d’alpinisme.
Ce joueur de basket-ball et de squash doit aussi et de
façon permanente faire de la musculation pour se maintenir
en forme. « Grimper une montagne exige une grande précision
et une parfaite maîtrise de ses muscles. La moindre erreur
peut être mortelle. Il faut avoir une volonté d’acier,
supporter le manque d’oxygène et des températures de -50
degrés ».
Omar Samra
parle avec la confiance de quelqu’un qui s’apprête à toucher
les nuages. Mais il n’a pas encore atteint l’amour. Fouler
le pôle Sud serait-il plus facile que de trouver sa moitié
?
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