Depuis
la large victoire du Hamas aux législatives,
les interrogations et les défis n’ont cessé
de se multiplier devant les leaders du mouvement
sur la capacité de ce dernier à adapter sa politique
et ses engagements à la nouvelle donne.
C’est
une impasse dans laquelle non seulement le Hamas
se trouve coincé, mais également toutes les
parties concernées par la stabilité et la réactivation
du processus de paix sur toute l’étendue régionale.
Les solutions proposées partent dans trois directions
majeures. La première est celle d’un refus catégorique
de traiter avec le mouvement s’il ne change
pas complètement de peau. La seconde estime
que le dialogue politique avec le mouvement
est bénéfique à plusieurs niveaux. Ceci aiderait
le mouvement à s’adapter aux données de la nouvelle
situation en évitant le plus possible les tensions
palestiniennes et israéliennes. Quant à la troisième
tendance, elle voit que la solution réside dans
l’insistance du mouvement à refuser les pressions
extérieures et en contrepartie, ceci engendrera
une escalade israélienne et américaine de l’embargo
qui encercle le Hamas.
En
réalité, l’adoption du principe du dialogue
politique avec les leaders du mouvement pour
parvenir à une évaluation correcte de la situation
interne et externe serait considérée comme une
sorte de réalisme politique et un respect du
choix du peuple palestinien. Outre cela, ce
serait en quelque sorte tendre la main au mouvement
pour l’aider à assumer la responsabilité et
la destinée de tout un peuple. Cette orientation
se limite à quelques pays seulement, dont l’Egypte,
la Jordanie et la Russie. Alors qu’il semble
que la France reste incapable de se démarquer
de la position européenne exerçant une pression
sur le Hamas et l’appelant à se plier totalement
aux conditions israéliennes. Paris, de son côté,
semble avoir compris la portée de l’appel russe
aux leaders du Hamas et, auparavant, les réunions
du mouvement dans un nombre de pays arabes.
D’autant plus que le président russe a qualifié
cet appel de tentative d’aider le Hamas à améliorer
ses relations avec la communauté internationale
et à renoncer à sa position refusant de reconnaître
Israël. La France a considéré que cette manière
d’agir était au profit de la position européenne,
même si la méthode utilisée était différente.
Le
mouvement, de son côté, n’a pas cessé, par l’intermédiaire
de beaucoup de ses leaders, de répéter qu’il
était totalement conscient de ce que signifiait
sa nouvelle position. Il est vrai qu’il ne renoncera
pas au principe de la résistance et ne déposera
pas ses armes facilement, mais il a laissé entendre
qu’il regardait avec réalisme les conjonctures
qui l’entourent. Cependant, le Hamas aura le
droit de revendiquer l’amélioration des traités
de manière à les adapter aux droits légitimes
du peuple palestinien à l’indépendance et à
la liberté. Conformément à Moussa Abou-Marzouq,
vice-président de l’aile politique du mouvement,
le fait de considérer Israël comme un fait accompli
est chose possible, mais il est nécessaire et
vital de considérer l’occupation comme un fait
accompli sans lui conférer une quelconque légitimité,
pour reprendre les propos d’Ismaïl Haniyeh,
candidat au poste de premier ministre.
Dans
ce même esprit de flexibilité, les déclarations
s’attaquent à la nécessité de réactiver les
clauses de l’accord du Caire signé en mars 2005,
entre autres celle de membership du Hamas à
l’OLP qui reconnaît Israël et qui détient toujours
le droit de négocier avec lui. Ce qui pourrait
résoudre la problématique du mouvement au niveau
de la reconnaissance directe d’Israël.
Il
est alors évident que toutes les déclarations
claires faites par les dirigeants du Hamas laissent
prévoir une sorte de flexibilité politique et
de disposition à s’adapter à certaines données.
A condition que ceci se répercute concrètement
sur les droits du peuple palestinien et son
aspiration à se libérer et à créer son Etat
indépendant.
En
contrepartie de cette flexibilité qui s’accroît
de toute évidence vient la position israélienne
refusant avec force tout ce qui est lié au Hamas
et à son droit à former le gouvernement, comme
le dictent les principes démocratiques. Israël
va encore plus loin et établit des plans pour
encercler le peuple palestinien davantage financièrement,
économiquement et humainement. Un rejet qui
trouve ses racines dans les calculs des élections
législatives de mars prochain qui reposent fondamentalement
sur des surenchères sur celui qui pourra asséner
davantage de coups, d’humiliation et d’injures
aux Palestiniens et ce, que le Hamas forme le
gouvernement ou non. D’ailleurs, cette force
israélienne émane de l’appui inconditionné de
Washington, surtout que le Congrès a ratifié
une législation interdisant tout financement
direct à l’Autorité palestinienne au cas où
le Hamas forme le nouveau gouvernement.
Dans
ce contexte de pressions croissantes sur le
Hamas et l’Autorité palestinienne, les tentatives
visant à aider le Hamas à s’adapter à la nouvelle
situation tournent autour de deux piliers essentiels.
Premièrement, le Hamas est arrivé au pouvoir
en vertu d’un appui et d’une délégation populaires
que l’on ne peut guère suspecter, et donc le
traitement avec le mouvement est un résultat
logique pour toute personne respectant la volonté
du peuple palestinien. Deuxièmement, le fait
de se tenir aux côtés du Hamas dans sa nouvelle
situation ne signifie pas nécessairement accepter
toute sa vision vis-à-vis du conflit avec Israël.
Mais voudrait plutôt dire le sensibiliser aux
nouvelles données en changeant certaines convictions
qui ne peuvent en aucun cas émaner d’une partie
chargée de gérer et de défendre les affaires
de tout un peuple qui vit des circonstances
extrêmement complexes.
Ajoutons
que la sagesse politique et la crainte des retombées
négatives que peut engendrer le boycott du Hamas
imposent aux différentes parties d’attirer ce
dernier vers l’action politique et de le démarquer
le plus possible de l’action militaire.
Tout
ceci prouve que le Hamas dans sa nouvelle position
ne sera jamais cet ancien pôle d’opposition
qui rafle une popularité énorme en tirant profit
des erreurs de l’autre ou en s’attachant à la
résistance de l’autre côté, à l’honnêteté et
à l’intégrité sans oublier la préservation des
droits du peuple palestinien pauvre. C’est à
partir de cette conviction que l’appel du président
Moubarak et celui du président Poutine insistent
sur la nécessité de donner au Hamas une chance
propice pour qu’il puisse réarranger ses cartes
conformément à la nouvelle situation politique.
Tout en écartant tout ce qui tombe dans le cercle
vicieux de la punition collective du peuple
palestinien ou qui envoie de faux messages aux
peuples arabes et islamiques à un moment où
les sentiments de colère sont attirés plus que
jamais contre des comportements bizarres. Le
Hamas s’est engagé dans les élections palestiniennes
en étant convaincu que toute époque a une démarche
appropriée. Tel-Aviv et Washington doivent saisir
cette opportunité historique s’ils sont attachés
à la paix et à la stabilité au Proche-Orient.