Grippe Aviaire
. L'entrée du
virus H5N1 en Egypte suscite les craintes. Le gouvernement
veut rassurer, mais l'importance des élevages de volailles
multiplie les risques.
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Alerte
maximum |
Depuis
l'annonce de la découverte du virus pathogène de la grippe
aviaire sur des volailles en Egypte, la maladie ne cesse
de gagner du terrain. Tout a commencé vendredi dernier,
lorsque le gouvernement annonce la découverte de sept
cas testés positifs à la souche pathogène H5N1, des volailles
retrouvées dans plusieurs régions. Quatre cas ont été
détectés au Caire, deux à Guiza et un autre à Minya, à
350 km au sud de la capitale. Aujourd'hui, au moins une
dizaine de gouvernorats sont touchés par la maladie.
Le premier
ministre, Ahmad Nazif, a aussitôt appelé la population
à ne pas céder à la panique et annoncé des mesures pour
éviter une pandémie. « Nous suivons de près ce problème
et les autorités concernées sont à pied d'œuvre pour éviter
toute pandémie », a-t-il déclaré. Le ministère de la Santé
a procédé à des analyses sur des personnes vivant à proximité
de ces volailles, mais aucun cas humain de grippe aviaire
n'a été décelé dans le pays.
Pour l'éviter,
l'état d'alerte a été déclaré dans tous les gouvernorats
d'Egypte. Les autorités ont décidé d'abattre toutes les
volailles se trouvant à proximité des zones où ont été
trouvés les échantillons testés positifs. De plus, à Alexandrie,
la direction de la médecine vétérinaire a entamé, avec
le concours de la police, une campagne pour pousser ceux
qui élèvent des volailles autour ou dans leurs maisons
à s'en débarrasser. En effet, les sept volailles infectées
ont été retrouvées dans des habitations et non dans des
fermes avicoles.
Par ailleurs,
le ministre de la Santé, Hatem Al-Gabali, a annoncé la
fermeture du zoo du Caire, situé dans le quartier de Guiza.
« La décision de fermeture a été prise après la mort de
plusieurs oiseaux due à la grippe aviaire à l'intérieur
du zoo ».
L'Egypte
est le deuxième pays d'Afrique, après le Nigeria, où le
virus H5N1 de la grippe aviaire est décelé. Fin octobre
dernier, le gouvernement égyptien avait interdit l'importation
de volailles vivantes. La chasse aux oiseaux migrateurs
se posant en Egypte, notamment dans la région du lac Manzala,
avait été interdite.
Ces précautions,
ainsi que les déclarations officielles qui se veulent
rassurantes, n'ont toutefois pas réussi à endiguer la
psychose qui menace le pays depuis l'annonce de la mauvaise
nouvelle. Désormais, chaque toux suscite des inquiétudes.
Des personnes atteintes d'une simple grippe appellent
le numéro d'urgence pour se rassurer, empêchant parfois
le service d'effectuer son travail auprès de ceux qui
en ont besoin. D'autres ne se contentent pas seulement
d'appeler, et se rendent directement à l'hôpital le plus
proche pour se faire diagnostiquer.
Ce qui souligne
la crise de confiance qui existe entre les citoyens et
les officiels. Ces derniers n'ont eu de cesse d'affirmer
« la transparence » adoptée dans le traitement de ce dossier
sensible. En vain. Pris de panique, certains citoyens
s'empressent de se débarrasser des poulets qu'ils élevaient
sur le toit ou dans la cour de leur maison. Souvent, ces
poulets sont abattues et jetées « plus loin », au coin
d'une rue, ou entassées dans un endroit désert au mépris
de toutes règles d'hygiène.
Au-delà de
ce vent d'inquiétude et de panique qui sévit dans le pays,
l'apparition du virus H5N1 alimente de nombreuses interrogations
légitimes. Y a-t-il un risque de transmission de la maladie
à plus grande échelle ? L'Etat possède-t-il les moyens
de faire face à une éventuelle épidémie ? Quelles sont
les conséquences en cas de propagation de la maladie ?
L'hospitalisation de plusieurs personnes au Caire et à
Minya pouvant être atteintes de la maladie est un phénomène
inquiétant même si les tests qu'elles ont subis se sont
avérés tous négatifs
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L'élevage des volailles en question
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« Plusieurs
facteurs nous incitent à être vigilants, car, sans vouloir
dramatiser, les risques d'une transmission de la maladie
aux citoyens ne sont pas à exclure », affirme Mohamad
Awad, du département vétérinaire du ministère de l'Agriculture.
Il fait remarquer que les cas détectés concernent les
villes, et non pas la campagne ni les zones de stationnement
des oiseaux migrateurs comme le Fayoum ou Charm Al-Cheikh.
« Le fait que la plupart des Egyptiens pratiquent l'élevage
des volailles que ce soit dans les villes ou à la campagne
constitue un facteur de risque », assure Mohamad Awad.
Sans oublier que certaines zones situées à la périphérie
du Caire sont fréquentées par des oiseaux migrateurs.
Et c'est probablement à travers ces oiseaux que la maladie
a été transmise.
Conscient
des dangers, le gouvernement a demandé à la population
de cesser l'élevage des volailles sur les toits des maisons.
« Ce genre d'élevage est théoriquement interdit. Il a
été admis depuis longtemps mais nous allons déployer des
efforts pour appliquer la loi », assure un responsable
au ministère de l'Agriculture. Mais si une telle mesure
peut être prise dans les villes, elle reste difficilement
applicable à la campagne. C'est ce qu'affirme Mona Mehrez,
directrice des laboratoires au Centre de recherches vétérinaires.
« Il est pratiquement impossible de demander aux paysans
de cesser l'élevage des volailles. Cependant, pour diminuer
les risques, une autre mesure plus pratique peut être
prise. Elle consiste à garder les volailles dans des endroits
clos afin d'éviter toute contagion », préconise-t-elle.
Selon elle, les risques à la campagne sont moins importants
que dans les zones urbaines étant donné que les maisons
sont plus espacées.
Se préparant
au pire, le gouvernement a commandé l'importation de 73
000 boîtes d'antibiotiques. « Bien qu'il n'existe jusqu'à
présent aucun vaccin contre cette maladie, la prise de
médicaments s'est avérée efficace dans certains cas »,
a affirmé Zeinab Ebeid, chef du département de pharmacologie
au ministère de la Santé.
Etant donné
que la transmission de cette maladie à l'homme a lieu
principalement à travers le contact direct avec les volailles
atteintes, certains spécialistes estiment que le comportement
des citoyens est à cet égard décisif. « Si les citoyens
respectent les mesures et les règles d'hygiène préconisées
par l'Etat, la propagation de cette maladie pourra être
évitée, comme ce fut le cas en Allemagne et en Bulgarie
», assure le vétérinaire Mohamad Awad. Selon lui, la sortie
de cette crise dépend en premier lieu de l'attitude des
citoyens eux-mêmes. |
Ola
Hamdi |
Voir
aussi l'invité |
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Mohamad
Al-Chaféï, vice-président
de l'Union des aviculteurs d'Egypte, craint le pire pour
l'avenir proche de cette activité économique. |
«
Le marché des volailles s'est arrêté net » |
Al-Ahram
Hebdo : Selon vos estimations, quel fut l'impact de
l'annonce de la découverte de la maladie sur l'industrie
avicole en Egypte ?
Mohamad
Al-Chaféï : Les dégâts se sont fait sentir bien
avant l'arrivée du virus en Egypte. En fait, il y a
plus de 4 mois que l'industrie avicole souffre. Les
déclarations se rapportant à cette maladie ont poussé
les gens à supprimer les volailles de leur menu. Pour
les poulets par exemple, le prix du kilo est passé de
7 à 3 L.E. Pour le marché des volailles, cela se traduit
par une perte quotidienne de plusieurs millions de livres.
Quant au marché des volailles, qui atteint en temps
normal 2 millions de poulets par jour, il s'est arrêté
net avec l'annonce de la découverte du virus.
— En
prévention, le gouvernement a interdit le transport
des volailles d'un gouvernorat à l'autre et a mis des
restrictions au commerce des poulets. Comment, selon
vous, ces mesures pourraient-elles affecter votre secteur
?
— Il y
a longtemps que nous demandions au gouvernement de régulariser
ce commerce en favorisant la vente des volailles surgelées.
C'est la décision que les autorités ont prise aujourd'hui
face au risque de la maladie. Mais malheureusement sans
préparation suffisante, ce qui menace le gagne-pain
de milliers de commerçants qui étaient jusqu'ici autorisés
à égorger eux-mêmes les poulets. Par ailleurs, la décision
d'interdire le transport des volailles entre les gouvernorats
représente une autre menace pour l'industrie avicole
dans la mesure où elle priverait les commerçants de
certains marchés. Le Caire, pour ne citer qu'un exemple,
est un grand marché pour les volailles provenant de
Qalioubiya.
— Croyez-vous
aux promesses du gouvernement selon lesquelles il indemnisera
les commerçants lésés par ces mesures préventives ?
— Ce ne
sont que des promesses. Jusque-là, personne ne nous
a rien donné. Je viens d'assister à une séance au Parlement
avec le président de notre union, Ahmad Al-Khayat. Plusieurs
ministres assistaient à cette séance, mais le président
du Parlement a refusé de nous donner la parole sous
prétexte que nous ne sommes pas députés.
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Propos
recueillis par
O. H.
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