Al-Ahram
Hebdo : La découverte du virus H5N1 en Egypte a provoqué une
panique générale. Vous avez dit qu’il existait un remède.
Lequel et comment se le procurer ?
Hatem Al-Gabali
: Nous avons conclu un contrat avec la société suisse,
la seule au monde qui produit ce remède, le Tamiflu. J’ai
rencontré le directeur de la société et le secrétaire régional
qui étaient en Egypte il y a dix jours. Ils nous ont assuré
que notre pays bénéficierait de tout ce dont il aurait besoin.
Il n’y a aucune crainte à cet égard. L’Organisation Mondiale
de la Santé (OMS) a de même affirmé sa disposition à fournir
toute quantité supplémentaire de ce médicament qui, selon
l’organisation, donne des résultats satisfaisants. Le succès
de ce traitement dépend en grande partie du fait qu’il faut
prendre le médicament dès l’apparition des symptômes. Certaines
sociétés locales ont réussi à produire un remède efficace
et ont demandé l’autorisation de produire des quantités supplémentaires.
Nous avons, en ce qui nous concerne, insisté sur une condition
essentielle. Il s’agit de tester minutieusement le produit
égyptien dans l’un des centres de recherches en Egypte et
par des chercheurs internationalement reconnus et approuvés
par les Nations-Unies. Il serait ainsi possible pour ces sociétés
de produire un remède égyptien équivalent en qualité et en
efficacité au remède suisse avec l’avantage d’une forte réduction
du coût.
— Nous avons
l’impression que les mesures de prévention ont été prises
un peu tardivement. Pourquoi ces mesures n’ont-elles pas été
prises avant l’apparition du virus ?
— Je peux vous
dire que nous avons commencé à agir dès 2003. Mais l’apparition
du virus nécessitait naturellement des mesures supplémentaires.
Un comité national présidé par moi-même a été formé, auquel
collaborent tous les ministères concernés. Il y a des représentants
des ministères de l’Agriculture, de l’Environnement, des Finances
et de l’Information, de même que des représentants de l’OMS
et de la FAO. Un comité exécutif a été également formé et
chargé d’agir dans tous les gouvernorats pour fournir des
masques, des gants, des médicaments, etc.
— Quelles
sont les mesures de prévention que les citoyens et les éleveurs
doivent prendre ?
— Premièrement,
la propreté individuelle. Les volailles doivent être placées
dans l’eau bouillante avec leurs plumes. Lors du déplumage
ou du nettoyage des volailles, il est préférable de porter
des gants en plastique. Puis, il faut faire cuire ces volailles
à une haute température et s’assurer qu’elles sont bien cuites
avant de les consommer. Deuxièmement, il ne faut pas s’exposer
directement aux volailles vivantes, surtout les enfants, car
leur immunité est plus faible que celle des adultes. Je demande
aux citoyens qui élèvent des volailles chez eux de s’en débarrasser
immédiatement en les égorgeant et en les mettant dans les
réfrigérateurs, car il n’y a aucun danger à manger des volailles
bien cuites.
— Malgré les
mesures de prévention, le virus est apparu dans plusieurs
gouvernorats. Pourquoi ?
— La maladie
se propage très vite parmi les volailles. Les cas positifs
ont été enregistrés dans plusieurs gouvernorats jusqu’à maintenant
: Le Caire, Guiza, Minya, Qéna, Sohag, Ménoufiya et Béni-Souef.
Les foyers atteints sont entièrement sous contrôle. Les volailles
atteintes ont été abattues et enterrées dans des fosses de
3 mètres de profondeur spécialement conçues à cette fin par
des responsables des ministères de l’Agriculture et de l’Environnement.
Je rappelle que
la maladie ne se transmet pas entre les hommes, mais à travers
le contact direct entre l’homme et les volailles infectées.
Le virus se transmet à travers la respiration. L’appareil
respiratoire est atteint le premier surtout chez les enfants
à cause de leur faible immunité. Il faut rappeler aussi qu’il
n’existe pas de vaccin contre la grippe aviaire. Une compagnie
australienne a déclaré qu’elle préparait un vaccin, mais celui-ci
fait encore l’objet d’études.
— Est-ce que
le Tamiflu peut être employé pour prévenir la maladie ?
— Le Tamiflu
ne peut être employé qu’en cas d’atteinte par le virus de
la grippe aviaire. Il faut faire attention car l’OMS a déclaré
que l’usage abusif de ce médicament peut mener à la mutation
de ce virus et par conséquent il peut devenir transmissible
d’homme à homme.
— Comment
peut-on reconnaître les volailles atteintes ?
— Il y a des
symptômes évidents. La tête de la volaille devient bleuâtre
en plus de diarrhée, de vomissements et de faiblesse générale.
Par conséquent, il est facile de reconnaître une volaille
atteinte d’une volaille saine.
— Outre la
grippe aviaire parlons d’autres sujets. Vous venez d’être
nommé ministre. Quel est votre plan d’action ?
— Ce plan est
basé sur 5 piliers. Premièrement, l’amélioration du niveau
des soins médicaux élémentaires dans les hôpitaux du ministère
de la Santé, surtout dans les gouvernorats. Deuxièmement,
l’amendement de la loi sur l’assurance médicale afin de créer
un système d’assurance médicale globale pour tous les Egyptiens
en 2010. Troisièmement, réglementer les soins aux frais de
l’Etat pour pallier les nombreuses irrégularités de ce système.
Quatrièmement, améliorer les revenus des médecins et du corps
infirmier dans les hôpitaux et organiser des stages pour les
jeunes médecins. Le cinquième et dernier pilier porte sur
la question des médicaments en Egypte car elle revêt une dimension
sociale importante. La mission du ministère est claire et
déterminée : fournir tous les médicaments au citoyen égyptien
au revenu limité à des prix appropriés et en même temps encourager
l’investissement local et étranger dans ce domaine.
— Des rumeurs
circulent selon lesquelles l’Etat cherche à fixer pour chaque
citoyen un plafond pour les soins aux frais de l’Etat. Est-ce
vrai ?
— Nous ne pensons
à aucun changement en ce qui concerne les soins aux frais
de l’Etat parce que nous savons tout simplement que la personne
qui présente une demande pour être soignée aux frais de l’Etat
n’a aucune autre issue. C’est un simple citoyen aux moyens
limités et qui n’a pas d’assurance médicale, l’Etat ne peut
pas l’abandonner. La preuve en est que l’Etat a versé durant
l’année dernière seulement un milliard et 800 millions de
livres égyptiennes pour ce genre de soins. Au cours de 2005,
plus d’un million de citoyens ont été soignés aux frais de
l’Etat dans toutes les spécialités médicales. Actuellement,
6 000 à 7 000 décisions sont prises chaque jour pour le traitement
des malades aux frais de l’Etat.
— Est-il vrai
qu’il existe actuellement une tendance à privatiser le secteur
de la santé en Egypte ?
— Il n’y a aucune
tendance à privatiser le secteur de la santé, car la nature
du travail dans ce secteur ne le permet pas. Le malade aisé
peut trouver des services médicaux 5 étoiles dans des centres
médicaux privés, mais le malade démuni est notre premier et
dernier souci.
— Comment
faire face aux erreurs médicales. L’actrice Soad Nasr est
entrée dans le coma des suites d’une telle erreur ?
— Les erreurs
des médecins, on en trouve partout même aux Etats-Unis. Mais,
nous en Egypte, nous ne voyons que les aspects négatifs. Aux
Etats-Unis, 298 erreurs médicales ont été recensées et ont
été soumises à la justice. En Egypte, les médecins fautifs
sont soumis à un comité de sanction au Syndicat des médecins
pour déterminer la nature de l’erreur et imposer des sanctions.
Ces sanctions peuvent aller jusqu’à retirer le permis d’exercice
de la profession pour une période de 3 à 12 mois ou même pour
toujours. Sans oublier les sanctions imposées par la justice.
— Comment
faire face aux prix exorbitants imposés par certains hôpitaux
privés qui exploitent les malades ?
— Nous faisons
face à ce problème à travers une coopération entre le ministère
de la Santé et le Syndicat général des médecins. Nous publions
régulièrement la liste de tarifs consultatifs des services
médicaux et nous enquêtons sur des plaintes qui noparviennent
des malades à ce propos.
— Comment
améliorer le niveau des services dans les hôpitaux gouvernementaux
?
— L’amélioration
du niveau de ces services dépend en premier lieu de l’amélioration
des revenus des médecins, de l’organisation de stages pour
les médecins et le corps infirmier, de la diminution du nombre
de patients que consulte chaque médecin.
— Les prix
des médicaments ont augmenté, ce qui alourdit le fardeau des
personnes les plus défavorisées. Pourquoi ?
— Comme nous
l’avons déjà dit, le médicament est un produit extrêmement
sensible. En Egypte, le médicament a une dimension sociale
et économique importante. La mission du ministère de la Santé
est de s’assurer de la capacité du patient à acquérir les
médicaments dont il a besoin. La fixation des prix des médicaments
est actuellement effectuée selon des systèmes précis. Un comité
spécialisé est chargé de cette mission. Mais il est essentiel
de réaliser un équilibre entre la qualité du médicament du
point de vue efficacité et sûreté et son coût. Dans ce contexte,
j’aimerais souligner que la réputation des médicaments égyptiens
est excellente. Mais il nous manque aujourd’hui des centres
de recherches développés pour effectuer nos travaux en coopération
avec les centres internationaux et régionaux ainsi que les
universités égyptiennes.
— Comment
faire face à la faiblesse du niveau des nouveaux diplômés
des facultés de médecine ?
— Ceci revient
en premier lieu au grand nombre d’étudiants dans les facultés
de médecine ainsi qu’à la faiblesse de leurs moyens. Mais
le ministère de la Santé, à travers les stages de formation,
pallie cette déficience, convaincu de l’importance de l’apprentissage
médical permanent fourni aux médecins. C’est pourquoi nous
avons permis aux médecins, surtout ceux qui travaillent dans
les gouvernorats, de s’inscrire aux diplômes et magistères
pour ceux qui ont servi dans le secteur provincial de 2 à
3 ans afin d’améliorer leurs compétences.
— En Egypte,
on attaque généralement les responsables quelque temps après
leur nomination à leur poste. La situation est différente
pour vous, vous avez été attaqué deux mois seulement après
avoir accédé au poste de ministre de la Santé.
— J’ai déjà déclaré
qu’il fallait me donner un délai de 100 jours pour connaître
la nature des problèmes du secteur de la santé en Egypte et
déterminer les déficiences sur le champ et non à travers des
rapports écrits. Aujourd’hui, je peux dire qu’on ne peut demander
des comptes à un ministre qu’après une période de suivi de
ses travaux et non quelques semaines seulement après son accession
au poste.