Inégal
ici, fastidieux là, tel se présente le film Zarf Tareq
(Imprévu) de Waël Ihsane, qui accompagne son héros Tareq
(Ahmad Helmi) dans l'aventure amoureuse où il tente
de se dessiner un rôle attachant. Le film ne raconte
rien que l'histoire de Tareq, jeune homme timide et
désemparé, qui tente de conquérir le cœur d'une jeune
fille, Sarah (Nour). Il l'entend pour la première fois,
dans une émission radio, où elle définit les qualités
de l'amant dont elle rêve. Réduit d'abord au rang de
silhouette, de personnage effacé, Tareq émerge du royaume
lui appartenant en propre pour prendre de la consistance.
Un client de la société privée de télécommunications,
où il travaille, lui demande d'intercepter la ligne
privée de Sarah, abonnée à la société, pour connaître
son adresse et la lui communiquer, prétendant qu'elle
lui a ravi un bijou de grande valeur. Il se montre synchrone
avec cette mission, s'ouvrant à un territoire neuf.
Se contentera-t-il d'espionner Sarah pour le compte
du client ? Ou bien marquera-t-il un pas supplémentaire
en s'éprenant d'elle ? Telles sont les questions centrales
qui structurent le récit. Le moment de trancher est
venu. Tareq décide de se détacher de sa naïveté et de
progresser à tâtons. Il découvre le monde serein et
paisible de l'artiste-peintre Sarah. Mais, il la sauve,
cependant, d'un accident d'intoxication. Sur son lit
d'hôpital, Sarah lui adresse un regard d'épuisement,
qu'il semble recevoir comme un apaisement : peut-être
comprend-il qu'il s'est contenté jusqu'ici de jouer
au bouffon et que maintenant il est destiné à prendre
le rôle de l'amoureux ?
Il
s'en va voir amis et connaissances, intercale quelques
petites mises en scène de lui-même, de son propre corps
habillé ou nu, interrogeant sa propre place physique
autant que sensible sur l'horizon explicite qu'il s'est
construit pour faire tomber Sarah dans ses filets. Singulier
projet, visant à utiliser toutes les ressources du comédien
(présence visible, montage de saccades et de crépitements,
enchaînements de gags, mobilité)). Mais il n'arrive
à aucune réflexion de quelque consistance que ce soit.
Il suscite si peu de pensées chez le téléspectateur,
malgré l'ampleur des dispositifs comiques mobilisés.
Ce qui manque ? C'est ce qu'on appelle, faute de mieux,
l'art. Tout ce dispositif du film, mais si peu de grâce,
font un jeu à multiples entrées mais à somme quasi nulle.
Quant
au film Haha wa Teffaha d'Akram Farid, il ne réussit
pas mieux son entreprise comique. Le film démarre sur
Haha (Talaat Zakariya) qui anime une cérémonie de mariage.
Il s'agite, trépigne, se frétille, portant au cœur du
film un déploiement enfantin. Puis, quelques minutes
plus tard, on découvre sa sœur Teffaha (Yasmine Abdel-Aziz),
une infirmière qui administre des piqûres à une masse
de clients réunie dans sa maison. Elle débite des insultes,
lance sa diatribe contre son frère qui veut la marier
au premier venu, pour s'accaparer du domicile familial
et épouser sa cousine Samia (Leqaa Al-Khamissi). L'essentiel
du film est constitué de séquences tournant autour de
ce conflit enfantin, opposant le frère et la sœur. Mais
Teffaha aime secrètement Fawzi (Rico), l'agent de distribution
de bonbonnes de gaz. Unique acte qui tranche au milieu
de l'indécision de son entourage. Cela laisse supposer
un renouvellement : plans matinaux, présence sensible
de Fawzi, un chanteur doué, ambiance de film joyeux.
Mais Haha casse le jeu subtil entre ces deux personnages,
opérant un retour au pauvre bercail, renvoyant Fawzi
à la carence de ses ressources. Ainsi, l'ébauche de
relations, d'espoirs entre le couple Haha et Fawzi,
se trouve ainsi avortée en raison d'une situation matérielle
précaire.
Teffaha
plonge dans le désespoir. Haha feint une scène de mariage
avec une danseuse dépravée pour brouiller la vue, les
gestes et contraindre Teffaha à déguerpir. Ainsi, tous
les plans sont conçus selon le même principe : beuveries
et bagarres de frère et sœur autour d'un espace commun
de vie. Dans Haha wa Teffaha, se retrouve surtout ce
chic à faire du film un minisystème, les premières minutes
valant un rituel décliné ensuite à répétition. Le film
se fait avaler par le surplace.
Et
c'est au risque d'attrister qu'on l'avoue : les deux
films ne tiennent pas toutes leurs promesses. Aucune
logique, ni cohérence. S'ils chantent que l'amour est
plus fort que tout, il leur faut structurer un peu de
lien, de petites choses essentielles, sans quoi les
gestes ajustés, ritualisés forment les contours d'un
vide profond. Leur percée au box-office n'est que trompeuse,
elle ne témoigne que d'un goût affiché des jeunes pour
les gags trop faciles en période de vacances scolaires.