Ces propos manquent de précision.
Nous n’avons reçu à ce sujet aucun commentaire négatif de la
part du gouvernement. Il s’agit plutôt de points de vue,
d’opinions qui ont été publiés dans les journaux. Certains ont
approuvé notre vision des choses, alors que d’autres l’ont
critiquée. Ceci a probablement été le cas à cause de
l’importance du sujet qui intéresse tout le pays, et il est
normal dans pareils cas d’avoir une diversité d’opinions.
Quant à notre décision de participer aux
débats sur la réforme constitutionnelle et d’y apporter une
contribution, il me semble que c’est une décision tout à fait
logique, d’autant plus que le conseil s’est basé sur ce que le
président de la République a proposé dans son programme
électoral. C’était donc normal pour un conseil concerné par les
droits des citoyens de procéder à l’examen de certains articles
de la Constitution, étant donné l’impossibilité de séparer les
droits civiques et politiques des droits sociaux et économiques.
C’est à cette fin que le conseil a formé un comité, auquel ont
participé d’éminents professeurs de droit constitutionnel, pour
se pencher sur ce dossier. Après dix mois d’études et de débats,
les idées de ce comité ont été discutées au sein du conseil
pendant six séances, après quoi des propositions d’amendements
constitutionnels ont été communiquées aux instances concernées.
Globalement, les articles dont on a proposé l’amendement sont
ceux relatifs aux libertés civiles et politiques. C’est pour
cela qu’en parlant de réaction officielle, je refuse donc les
termes « indignation du gouvernement », surtout que même dans
les cercles officiels la réforme constitutionnelle fait l’objet
de débats.
— A quel point, selon vous, le Conseil
national des droits de l’homme est-il indépendant ?
— Le conseil a adhéré cette année à la
commission de coordination du Conseil international des droits
de l’homme dépendant des Nations-Unies. Cela signifie que le
Conseil égyptien remplit toutes les conditions et obéit à tous
les critères requis pour l’adhésion des conseils nationaux
homologues. Cette adhésion n’est acceptée qu’après une étude
minutieuse de la loi constitutive du conseil, de sa charte
intérieure, de ses activités et de son indépendance vis-à-vis du
gouvernement.
— Comment peut-on considérer que le conseil
est indépendant, alors que beaucoup de ses membres sont proches
du gouvernement ?
— Ceci n’est qu’une allégation. L’examen de
la composition du conseil démontre que ses membres sont
largement indépendants du gouvernement. Chacun des membres a une
histoire honorable dans la défense des libertés, une histoire
qui leur garantit un comportement en harmonie avec leurs
principes.
— Certains estiment que depuis sa création,
le conseil n’a pas encore eu un effet palpable quant à
l’avancement de la situation des droits de l’homme en Egypte ...
— Le conseil a tenu sa première réunion en
février 2004 et sa structure n’a pris sa forme définitive que
six mois plus tard. Ce qui revient à dire que son existence ne
remonte qu’à 28 mois. Si l’on considère que pour obtenir un
certificat d’études primaires, un élève a besoin d’accomplir 66
mois d’études, on ne peut qu’admirer le travail qu’il a accompli
jusqu’ici. Le conseil a vécu un début très fort, en s’attaquant
à des questions importantes comme la suppression de la loi
d’urgence et la réforme du droit pénal, et en exerçant son droit
de contrôler des élections présidentielles et législatives et de
participer à la réforme constitutionnelle attendue. Tout cela a
été mené en parallèle avec un important travail de terrain,
comme la visite des prisons et des lieux de détention et le
suivi des événements importants sur la scène locale comme le
mécontentement des réfugiés soudanais, les accidents de
transports (trains, ferry ...). D’autre part, le conseil a
accordé une importance spéciale à la réforme des programmes
scolaires pour qu’ils soient plus adaptés aux principes des
droits de l’homme.
— De manière générale quelle est votre
évaluation des conditions des droits de l’homme en Egypte ?
— Au même titre que la démocratie, les droits
de l’homme représentent un processus continu qui demande
beaucoup de temps. Aussi, pour faire avancer les choses, faut-il
se baser sur une atmosphère saine qui aide à promouvoir une
culture favorable aux droits de l’homme. Parce que le respect de
ces derniers ne peut se réaliser pleinement à travers les lois,
c’est toute une culture. Comme je viens de le dire, le conseil
s’intéresse à éliminer des programmes scolaires tout ce qui est
contraire à la culture des droits de l’homme, aussi existe-t-il
une coopération avec les médias, notamment la radio et la
télévision pour diffuser cette culture. Le conseil entend
également fournir une formation aux maires des petits villages
pour qu’ils nous aident dans notre mission.
— Comment répondez-vous à ceux qui nient au
conseil le droit de se mêler à des questions d’ordre politique ?
— D’après sa loi constitutive, le Conseil
national des droits de l’homme, comme son nom l’indique, est
concerné par la promotion et la protection des droits de l’homme,
ainsi que par la sensibilisation des citoyens à l’exercice de
ces droits. Ces dispositions claires affirment sans ambages le
droit du conseil de participer à ce genre de questions, un droit
qui d’ailleurs est garanti à chaque citoyen. La Constitution
donne le droit à chaque citoyen d’exprimer son avis, et nous
respectons tous les points de vue dans le cadre de notre respect
de « l’autre ».
— Les droits de l’homme en Egypte souffrent
de plusieurs violations, notamment en ce qui concerne les
conditions de détention, l’agression physique des prisonniers et
la pratique de la torture ... Ne pensez-vous pas que c’est un
indice que le Conseil des droits de l’homme n’assume pas ses
responsabilités ?
— Comme je viens de le dire, le conseil n’est
qu’à ses débuts, le problème réside en partie dans l’absence de
la culture des droits de l’homme, il nous faut unir nos efforts
aux niveaux de la culture, de l’enseignement et de la
législation tout en réalisant qu’il faut donner du temps au
temps. Ceci dit, le conseil a organisé depuis sa création
d’ateliers de travail avec les responsables des ministères de
l’Intérieur et de la Justice pour discuter des conditions de
détention et du traitement des prisonniers. Des violations
existent certes, mais les témoignages mêmes des prisonniers,
collectés par le conseil, indiquent une amélioration relative de
leurs conditions et de leur traitement par les policiers. Nous
entendons accorder plus d’efforts dans l’avenir à ces questions.
— Quelles sont les plaintes adressées le plus
fréquemment au conseil de la part des citoyens ?
— Ce sont les plaintes relatives à la vie
quotidienne, sans exclure les problèmes conjugaux ou de
voisinage. Il y a aussi les plaintes relatives à la torture et
au mauvais traitement des prisonniers. Enfin, certaines plaintes
concernent le licenciement sans cause ou encore le manque de
services médicaux. Le conseil prend toutes les plaintes au
sérieux. Quant à celles qui dépassent ses compétences, elles
sont renvoyées aux instances concernées.
— Qu’est-ce que vous pensez du récent
amendement de la loi sur la détention préventive ?
— Un comité législatif formé par le conseil a
étudié minutieusement l’ancienne loi avant de proposer un
nouveau texte. Nous avons été ravis de constater que la nouvelle
loi adoptée comprend 80 % des réformes proposées par le conseil.
A mon avis, la nouvelle loi représente un pas en avant sur le
chemin des amendements législatifs nécessaires pour renforcer
les droits civils et politiques.
Magda Barsoum