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 Semaine du 27 décembre 2006 au 2 janvier 2007, numéro 642

 

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Pèlerinage. Plus de 68 000 Egyptiens se rendent cette année à La Mecque, pour obéir au cinquième pilier de l’islam. Récit d’une ferveur populaire conjuguant mysticisme et festivités.

Dans la force du hag

Le village d’Abou-Diab, situé dans le gouvernorat de Qéna, a revêtu un air de fête. Des lampes multicolores illuminent le ciel. Les youyous qui fusent et les coups de feu indiquent le début des festivités. Ahmad, qui habite ce village, s’apprête à partir à La Mecque. Un moment très attendu par ce modeste paysan de 70 ans qui a tant rêvé de faire ce pèlerinage. Les murs du village semblent d’ailleurs être des fresques vivantes qui racontent l’histoire du pèlerinage. Sur la façade d’une maison mitoyenne, un peintre est occupé à dessiner la Kaaba, alors que sur celle d’en face, c’est la tombe du prophète. Cela donne l’impression de participer à une exposition à ciel ouvert. C’est aussi la saison prospère pour les artistes amateurs en Haute-Egypte qui en profitent pour se faire de l’argent. La maison du futur « Hag Ahmad » grouille de monde. C’est le va-et-vient incessant d’amis et de voisins venus le saluer avant le départ. Et dans cette ambiance de fête, les femmes aussi participent en fredonnant des chansons qui racontent le périple du voyage vers La Mecque ou font l’éloge de la famille du prophète. « Tu vas être bientôt Hag chez le prophète, on souhaiterait être avec toi », répète la foule alors qu’un deuxième chœur répète sur un autre air : « Ya Fatma, fille du prophète, ouvre ta porte, car ton père nous invite à lui rendre visite », répètent-elles en préparant le menu de ce voyage : qoras (galettes), mich (fromage salé), doqqa (mélange d’épices et de sésame), etc.

 

Art mural menacé

Une particularité égyptienne cette effervescence, cette joie, cette passion. Bien que le pèlerinage soit le cinquième pilier de l’islam, l’art de représenter les moments importants de l’individu remonte à l’époque pharaonique. Selon des études effectuées par le Centre de documentation du patrimoine culturel et urbain, les murs des temples témoignent, par exemple, des grandes batailles que l’Egypte a connues et aussi des pèlerinages depuis la nuit des temps. Les inscriptions murales d’un style que l’on dirait spontané et célébrant le pèlerinage à La Mecque font partie d’un patrimoine bien ancré. Mais c’est un art qui risque de disparaître de la capitale alors qu’on l’observe toujours dans la campagne égyptienne. D’après la même source, c’est un moyen d’annoncer le départ des pèlerins pour que les habitants du village n’oublient pas de leur collecter la noqta (cadeau collectif du pèlerinage). Versets coraniques dessinés en calligraphie ou bien des fresques narrant le voyage, l’on n’est pas loin de cette iconographie pharaonique. Ces représentations, d’après les études, prennent souvent plusieurs thèmes : l’hégire du prophète, la Kaaba, la tombe du prophète, le sacrifice, ou bien la cérémonie du Mahmal (le cortège qui suivait le revêtement de la Kaaba à partir de l’Egypte, une cérémonie d’une importance majeure. D’autres fresques sont plus symboliques, comme les arbres verts ou bien les branches de l’olivier (synonyme de piété inspiré de la culture copte).

Le pèlerinage est une obligation imposée dans la religion musulmane. Pourtant, ces festivités ont toujours été influencées par les diverses cultures qui ont forgé l’identité égyptienne (pharaonique, copte, fatimide). Ceci a donné à cette cérémonie de l’originalité en Egypte et a tissé autour d’elle une culture singulière.

Par exemple, selon les traditions égyptiennes, les familles des pèlerins repeignent les maisons avant leur retour du voyage. « Une chose qui n’existe pas en islam, mais puisque la culture musulmane promet à ce dernier de revenir comme un nouveau-né, l’Egyptien tient à marquer son empreinte. Changer la couleur de sa maison est un symbole de commencement d’une nouvelle vie », analyse Nadia Radwane, sociologue.

Pourtant, cet esprit festif était très présent avant la Révolution de 1952 et le changement des conditions économiques de l’Egypte. Puisque la confection du revêtement de la Kaaba se faisait à Dar Al-Késwa al-charifa au Caire, le cortège qui transportait le tissu à dos de chameau vers l’Arabie saoudite faisait l’objet d’une cérémonie haut en couleurs. Une tradition qui n’existe plus depuis 1962, suite à un différend politique entre les leaders des deux pays. Aujourd’hui, étant donné le changement socioéconomique, il y a un contexte nouveau. C’est l’épargne en particulier. Nadia Radwane indique qu’un Egyptien peut faire des économies toute sa vie pour avoir accès à cet honneur. Son maigre revenu (400 L.E., environ 66 dollars par mois) selon les chiffres officiels face aux coûts du voyage (15 000 L.E., l’équivalent de 2 500 dollars minimum) donne bien sûr à cette cérémonie un goût spécial, car beaucoup de personnes modestes n’aspirent pas à faire qu’une seule fois le pèlerinage. A noter aussi que les visas sont délivrés au compte-gouttes face au nombre important d’Egyptiens qui désirent accomplir le pèlerinage.

A l’aéroport du Caire, la famille de Hag Saleh s’est déplacée spécialement pour lui dire au revoir. Un cortège formé de quatre microbus qui ont fait 2 heures de route pour accompagner le Hag et sa femme de leur village natal du Fayoum vers l’aéroport. Des drapeaux blancs s’agitent des fenêtres annonçant l’arrivée des deux pèlerins vêtus de blanc et ressemblant à deux mariés.

Le sourire aux lèvres, Hag Saleh, âgé de 65 ans, a dû faire un gros sacrifice, vendre ce qu’il avait de plus cher, sa terre. Car tout l’argent qu’il a économisé pendant plus de 8 ans n’a pas suffi pour ce voyage.

Mais l’émotion du départ est bien plus intense. « Mon nom est sorti dans le tirage au sort et l’argent que j’ai économisé ne suffisait pas pour couvrir les frais de mon voyage ni celui de ma femme. J’ai alors vendu les 2 feddans que ma mère m’a légués », lance-t-il. Ses 5 enfants ont tout fait pour le dissuader, mais l’appel de Dieu était plus fort. « Je ne pouvais pas rater la chance de ma vie », dit-il.

 

Prestige social

Le côté social reste tout aussi remarquable dans cet héritage culturel où rite islamique et coutumes égyptiennes s’unissent. Des traditions qui varient d’une région à l’autre en Egypte, mais qui font toujours rejaillir l’identité égyptienne, riche de cultures. En effet, le statut de Hag est un prestige social. « Celui qui visite les lieux saints est supposé être un homme pieux et respectable et doit éviter tous les vices à son retour », c’est ainsi que résume Fawzi, portier de 56 ans, la vision de la société. Un prestige social qui classe les pèlerins dans les rangs des saints, vu qu’ils vont laver tous leurs péchés et revenir tout blancs. Ce qui explique pourquoi l’Egyptien tient à porter la tenue blanche bien que ce ne soit pas un devoir religieux. D’ailleurs, ils ont hérité beaucoup de traditions qui tournent autour de cette idée.

C’est dans un village d’Abou-Ghéneima, situé à Minya, que les habitants se regroupent pour aller se baigner dans le lac d’un saint. Ils croient que par cette eau bénite, ils vont partir au pèlerinage tout purs.

Autre image. C’est dans le village de Paris, à Al-Wadi Al-Guédid, que le pèlerin doit frapper à toutes les portes pour s’assurer que ses voisins ne sont pas fâchés contre lui et garantir le pardon de tout le monde avant son départ. Et sur les bords de la mer Rouge, des fidèles des quatre coins de l’Egypte (environ 4 000 véhicules) ne peuvent prendre la route vers La Mecque sans escalader la montagne de Homayssara, habitée par le soufi Sidi Aboul-Hassan Al-Chazli. Un festival annuel où chants religieux, rythme des tambours et sons de flûtes sont au rendez-vous pour briser le silence du vaste désert de Izzab, situé sur la mer Rouge.

Les traditions changent, mais le cadeau du pèlerinage reste un devoir qui s’impose toutes catégories sociales confondues. La liste est longue : jerricans remplis d’eau du puits de Zamzam, chapelet, tapis de prière, etc.

« Et pourquoi pas une prière pour aller accomplir ce pilier comme lui l’année prochaine ? C’est la chose la plus importante », lance Mahmoud, un parmi les cinquante personnes venues accompagner Hag Saleh à l’aéroport.

Prestige du futur Hag exige ! .

Dina Darwich

 




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