Bilan 2006
Palestine, Iraq, Liban, crises en tous genres en Egypte. En
cette fin d’année, l’heure est aux comptes, plutôt sombres,
dans la presse de cette semaine.
Instabilité, guerre et violence
2006 a été marquée par une série de crises en Egypte, autant
sur le plan politique, économique que social, et les titres de
la presse le confirment avec force : « 2006, année des tueries
», « Les malheurs arabes de 2006 », « Le mouvement interdit
des Frères musulmans se sert des crises sociales et crée une
situation de haine et d’anarchie », « Les Frères savent qu’à
chaque fois qu’une crise est résolue, ils perdent une partie
de leur crédibilité », « Où sont les associations des droits
de l’homme et de la société civile ? », « La réforme
économique doit aller de pair avec la réforme sociale », «
2006 année des dossiers restant en suspens et des rêves
condamnés », « La crise entre les Frères et le gouvernement se
poursuivra en 2007 », « La pauvreté, le chômage, et la hausse
des prix, des maux chroniques », « 2006, année des
catastrophes de transports », « Les prix continuent leur
guerre en 2007 ».
Dans un dossier d’une dizaine de pages, le quotidien
indépendant Nahdet Misr s’interroge : « Les problèmes non
résolus de 2006 trouveront-ils une solution en 2007 ? ».
L’amendement constitutionnel reste un des principaux dossiers
de la vie politique égyptienne. « Le scénario probable pour la
Constitution de 2007 est que l’Assemblée du peuple approuvera
seulement les modifications du président », affirme Hussein
Abdel-Razeq dans le journal Nahdet Misr. Et le juriste Sarwat
Badawi d’ajouter que « les modifications en question ne sont
pas suffisantes pour une réforme constitutionnelle, toute la
Constitution doit être modifiée, sinon il ne s’agira que d’une
pure comédie ».
Pour Abdel-Mottaleb Abdel-Hamid, expert en gestion, dans
Nahdet Misr, qu’il s’agisse d’économie, de social, ou de
politique : tout est lié. « Il n’existe plus de contrôle
gouvernemental, alors les citoyens ne croient plus que le
gouvernement exécute ses promesses : diminuer le chômage,
baisser les prix ... la réalité est que l’Etat s’est concentré
sur le secteur privé », explique Abdel-Hamid.
Que s’est-il passé ? « Les mœurs des Egyptiens ont-elles
changé, devenant plus cruelles et moins indulgentes ? Où sont
passées, par exemple, les familles des enfants des rues qui
ont été d’abord enlevées, et ensuite tuées sous les roues des
trains roulant à grande vitesse ? », s’interroge Karam Gabr
dans son éditorial du magazine hebdomadaire Rose Al-Youssef. «
2006 a été une année triste, étrange et déprimante, et face à
cela, la société était en quelque sorte froide, ignorant tous
les crimes et catastrophes que nous avons connus : corruption,
affaire Turbini, viols, catastrophes ferroviaires, naufrage du
ferry Al-Salam 98, et la liste serait trop longue (...) Je
pense que mieux vaux prévenir que guérir », conclut
l’éditorialiste Karam Gabr.
« La réforme judiciaire est l’événement le plus important en
2006, et reste la prochaine bataille de 2007 », estime
l’éditorialiste Waël Al-Ebrachi dans Nahdet Misr. Minimisant
les événements de cette année, l’écrivain Adel Hammouda
souligne qu’en « 2006, toute la société s’est préoccupée de
problèmes secondaires, tels que le voile, les milices des
étudiants à l’Université d’Al-Azhar ... Si nous devions
choisir un seul dossier de cette année, il s’agit des tortures
en Egypte ». Certains éditorialistes estiment que 2006 a été
marquée par un rôle régional « regretté » de l’Egypte.
« 2006 : l’Egypte reste immobile, à l’heure où la région
change », titre le quotidien d’opposition Al-Wafd son dossier
principal. « L’Egypte doit retrouver son rôle perdu dans la
région, et en même temps réaliser les intérêts de la nation
(...) L’influence d’un Etat augmente ou diminue en fonction de
son poids dans la région qui est différent d’un lieu à un
autre ; ce changement est l’un des traits de l’évolution de
l’Histoire », souligne Mahmoud Abaza, écrivain et président du
parti du Wafd. Pour sa part, le stratège Qadri Saïd souligne
que sur le plan intérieur, « la principale problématique
sécuritaire en Egypte n’est pas seulement Israël, mais aussi
tout danger menaçant l’économie du pays. Ce pourquoi il faut
marcher avec l’actuelle vague de mondialisation, tout en
prenant en considération que l’Iran s’y oppose. Mais nous
devons conserver nos relations avec l’Iran, sans aller à
contre-courant ».
Morcellement régional
« Le monde arabe a besoin d’un miracle en 2007 », « Le fantôme
de la guerre civile en Iraq, au Liban, en Palestine, et au
Soudan ! », « Le Golan sera-t-il libéré en 2007 ? », « Le
terrorisme et la corruption sont de véritables dangers en 2007
», titre la presse.
Nombreux sont les éditorialistes qui, en faisant le bilan
2006, notent que sans nul doute l’année 2006 a aussi été
singulièrement meurtrière pour toute la région : conflit armé
interpalestinien, violences en Iraq et risques d’une guerre
civile au Liban.
Le chroniqueur Mahmoud Al-Touhami explique, dans le quotidien
Rose Al-Youssef, qu’une « vague d’anarchie a entouré nos
voisins, à Gaza et en Cisjordanie, où survole le fantôme de la
guerre civile, au Liban, la société libanaise est au bord de
l’explosion ; et en Iraq, c’est le carnage quotidien ». « En
Egypte, nous voulons que notre expérience démocratique se
développe avec le moins de pertes possibles. Nous ne voulons
pas le modèle du Hamas chez nous, ni celui du Hezbollah, ni
même le modèle des partis totalitaires, ni les milices
militaires », ajoute Al-Touhami. Sur un ton grave,
l’éditorialiste Farouq Goweida écrit, dans Al-Alam Al-Yom,
que, « bien que les Arabes possèdent la plus grande des
richesses économiques qu’a connues l’Histoire, à savoir le
pétrole, une série de guerres civiles s’enfonce dans la région
».
Quant aux prévisions 2007 pour la région, l’écrivain Sélim
Nassar affirme que le monde entame l’année 2007 avec une série
de défis très graves. « Une des plus graves de ces crises est
celle d’une guerre probable entre les Etats-Unis et l’Iran.
D’ailleurs, il est bon de croire qu’à travers la religion et
l’argent propre, l’Iran a su lier toutes les crises de la
région sous les ailes de la République islamique, ce qui place
le pays en position de force régionale soit pour frapper, soit
pour négocier ».
Espérons que 2007 sera la moins mauvaise possible, avec moins
de dégâts, et plus de réformes.
Hoda Ghali