Palestine .
En dépit d’un accord de cessation des hostilités, la situation
reste très tendue entre le Fatah et le Hamas. Le principal
point de divergence demeure : la tenue d’élections
présidentielles et législatives anticipées.
Calme précaire
Un
fragile cessez-le-feu régnait lundi à Gaza, en dépit de
quelques escarmouches, suite à un accord entre le Fatah et le
Hamas conclu dimanche soir après une journée de violences
entre groupes palestiniens ayant fait trois tués.
Même si le Hamas a boycotté l’annonce officielle du
cessez-le-feu pour protester contre les violations, il a
toutefois apporté son soutien à l’accord de cessation des
hostilités. Ce dernier prévoit notamment un « cessez-le-feu
immédiat », « un retrait des hommes armés des rues et un
retour des services de sécurité dans leurs bases », « un arrêt
des manifestations et des protestations » de rue ainsi que «
la libération des personnes prises en otage par les deux
parties ». « Le gouvernement soutient tout accord susceptible
d’empêcher l’effusion de sang palestinien et de mettre fin à
la tension », a souligné le premier ministre palestinien,
Ismaïl Haniyeh. « Le gouvernement palestinien appelle chacun à
faire preuve de retenue et à faire baisser les tensions »,
a-t-il ajouté.
Après l’annonce de l’accord, les hommes armés des deux camps
ont sensiblement réduit leur présence dans les rues, la garde
présidentielle de Mahmoud Abbass maintenant toutefois des
barrages sur les axes menant aux bureaux de la présidence.
Ceci n’a rien enlevé à la tension ambiante : un membre de la
Force exécutive dépendant du Hamas a été tué et 13 autres
personnes, dont cinq adolescents qui rentraient de l’école,
ont été blessées dans des affrontements armés mardi matin avec
les services de sécurité fidèles au président palestinien
Mahmoud Abbass, dans le centre de Gaza. Six Palestiniens ont
été ainsi tués alors que quatorze membres du Fatah et du Hamas
ont été enlevés puis libérés dans la bande de Gaza, depuis
l’annonce samedi par M. Abbass de la tenue d’élections
anticipées, rejetées par le Hamas.
La scène politique palestinienne a connu cette semaine le pire
des scénarios. Les deux principales factions palestiniennes,
le Fatah et le Hamas, s’étaient engagées dans un conflit sans
précédent. Chacune accuse l’autre d’avoir tort. En effet, si
une tension interpalestinienne couvait depuis janvier dernier,
date à laquelle le Hamas a remporté les élections législatives
et a écarté le Fatah, le déchirement palestinien n’a jamais
été aussi évident que samedi et dimanche derniers. Les heurts
se sont multipliés dimanche dans la bande de Gaza entre
partisans du président palestinien
Mahmoud Abbass et ceux du gouvernement du Hamas. La garde
présidentielle, appuyée par des membres des Brigades des
martyrs d’Al-Aqsa, groupe armé proche du Fatah, a pris en
milieu de journée le contrôle des ministères de l’Agriculture
et des Transports ainsi que d’un vaste secteur du centre de
Gaza. Des partisans du Hamas ont échangé ensuite des tirs avec
des gardes présidentielles postées sur les toits. Pour le
Hamas, cette prise de contrôle des deux ministères équivaut à
un « coup d’Etat militaire ». Auparavant, le convoi
transportant le ministre des Affaires étrangères avait été
attaqué, déclenchant une fusillade entre ses gardes du corps
et les assaillants.
Le discours prononcé samedi dernier par le président Mahmoud
Abbass a été partiellement responsable de la détérioration de
la situation. Bien qu’escomptée, l’annonce des élections
anticipées a eu l’effet d’une bombe et a creusé le fossé entre
les deux camps. M. Abbass a souhaité que des élections soient
organisées au plus tôt afin d’obtenir la levée des sanctions
imposées par les pays occidentaux après l’arrivée au pouvoir
du mouvement radical islamiste, en mars dernier. Pour le
moment, le président Abbass semble déterminé à aller de
l’avant dans l’organisation d’élections anticipées. Il a
rencontré dimanche à Ramallah des responsables de la
Commission électorale centrale pour mettre le futur scrutin
sur les rails. Mais selon un conseiller de Abbass,
techniquement, ces élections ne pourront pas se tenir avant le
milieu de l’année prochaine, offrant un délai qui pourrait
permettre de parvenir à un accord entre le Hamas et le Fatah
sur un gouvernement d’union nationale.
La Loi fondamentale palestinienne, qui fait office de
Constitution, ne contient aucune disposition au sujet de la
tenue d’élections anticipées. Selon des responsables du Fatah,
Abbass a la faculté de convoquer des élections par décret
présidentiel. Le Hamas affirme que ce serait illégal. Le
premier ministre Ismaïl Haniyeh a aussi estimé qu’un tel
scrutin risquait d’aggraver la situation dans les territoires.
Le discours du président de samedi était « incendiaire » et «
insultant pour les sacrifices et la douleur des Palestiniens
», a-t-il dit. La veille, le mouvement islamiste avait dénoncé
un « coup de force » contre son gouvernement démocratiquement
élu. Outre le Hamas, le Djihad islamique et d’autres petits
groupes d’activistes ont rejeté l’organisation d’élections.
Seule la communauté internationale, avec en tête les
Etats-Unis et la Grande-Bretagne, qui boycotte le gouvernement
du Hamas, a apporté son plein soutien à M. Abbass.
Dénouement incertain
Dans un tel contexte, d’aucuns ne croient que les élections
anticipées pourront mettre fin à la souffrance des
Palestiniens. Les observateurs estiment que le président
palestinien n’a mis que de l’huile sur le feu. M. Abbass a
pris un risque non négligeable. « Je pense que Abbass a
produit l’étincelle de la guerre civile. Les affrontements
auxquels nous assistons à présent pourraient marquer le début
de confrontations violentes à grande échelle », estime
Moustapha Assaouaf, un politologue palestinien de Gaza,
favorable au Hamas.
Or, rien ne garantit que le Fatah va l’emporter. Depuis que le
Hamas a remporté 74 sièges au Parlement, qui en compte 120, en
janvier 2006, le Fatah, qui en avait pris 45, ne semble pas
avoir fait peau neuve. En outre, M. Abbass, qui a déclaré ne
pas vouloir briguer un nouveau mandat, pourrait ne pas se
présenter à la présidentielle.
Une victoire du Hamas, au cas où le mouvement se présenterait,
ne ferait que replacer l’affaire à la case départ. Tous les
scénarios sont possibles et personne n’est capable de prédire
jusqu’où iront les Palestiniens. Hamas a accusé vendredi un
baron du Fatah, Mohamad Dahlane, d’être derrière une «
tentative d’assassinat » du premier ministre islamiste Ismaïl
Haniyeh, lors de son passage mouvementé au terminal de Rafah,
venant d’Egypte. M. Dahlane a démenti cette accusation, qui a
été dénoncée par des responsables de l’Autorité palestinienne.
La semaine passée, les 3 jeunes fils d’un agent des
renseignements, fidèle à Abbass, ont été abattus devant leur
école à Gaza. Dans le discours qu’il a prononcé samedi, Abbass
a déclaré que 320 Palestiniens avaient péri cette année dans
des violences interpalestiniennes.
Rania
Adel