Déçus
par une communauté internationale qui les a délaissés, les
mouvements palestiniens du Fatah et du Hamas ont décidé de
prendre les choses en main et d’entamer à Gaza des discussions,
qui devraient durer plusieurs jours, sur la composition du futur
cabinet d’union. Les deux factions semblent, cette fois-ci, être
déterminées à faire aboutir leurs pourparlers. Et pour preuve,
ils ont pu se mettre d’accord sur un premier ministre pour
diriger le cabinet d’union nationale qui devrait voir le jour
vers la fin du mois. Il s’agit de Mohamad Chbeir, comme l’ont
affirmé des responsables des deux mouvements. Chbeir est
l’ancien président de l’Université islamique de Gaza. Selon des
responsables qui ont requis l’anonymat, c’est le Hamas au
pouvoir qui a proposé M. Chbeir à ce poste et M. Abbass l’a
approuvé. Mohamad Chbeir, né en 1946, a suivi des études de
pharmacologie à l’Université d’Alexandrie en Egypte, puis aux
Etats-Unis, où il a obtenu un doctorat en microbiologie à
l’Université de Virginie. Il est considéré comme un sympathisant
du mouvement islamiste Hamas, mais n’a jamais appartenu à
l’organisation. Le choix de ce premier ministre intervient suite
à un accord entre le président Mahmoud Abbass et le premier
ministre Ismaïl Haniyeh sur le programme politique du
gouvernement, dont aucun détail n’a été dévoilé.
Les discussions interpalestiniennes doivent
porter « sur la structure et la forme du gouvernement d’union,
le nombre de ministères et les portefeuilles qui seront
distribués aux mouvements », avait précisé le chef du bloc Hamas
au Parlement, Khalil Al-Hayya. Un responsable politique a
indiqué sous couvert de l’anonymat que le prochain cabinet
comprendrait 24 ministères, tout comme l’actuel. Il a précisé
que le Hamas souhaitait huit portefeuilles, les autres
ministères se répartissant entre les petites factions (8), le
Fatah (4) et des indépendants (4). Mais le même responsable a
souligné que le Fatah souhaitait six ministères.
Ahmad Qoreï, ancien premier ministre et
membre de la délégation du Fatah, a dit pour sa part qu’il
espérait que le nouveau gouvernement « gagnerait la confiance du
peuple palestinien et la confiance du monde ».
En effet, les dirigeants palestiniens tentent,
depuis des mois, de négocier la formation d’un gouvernement
élargi qui pourrait aboutir à la levée des sanctions décidées
par les Occidentaux après l’investiture du gouvernement Hamas,
en mars dernier. Mais ces négociations ont régulièrement échoué
tandis que les territoires connaissaient des accès de violences
interpalestiniennes. A Washington, des responsables de
l’Administration Bush soulignent toutefois que la nouvelle
équipe au pouvoir devra, avant toute levée de sanctions, remplir
les trois conditions énoncées par le Quartette des médiateurs
internationaux pour le Proche-Orient : reconnaissance d’Israël,
abandon de la violence et reconnaissance des accords
intérimaires de paix conclus avec l’Etat hébreu.
Selon les politologues, les Palestiniens
feront, certes, des concessions et parviendront probablement
très prochainement à annoncer la constitution de ce gouvernement,
le retrait même du premier ministre actuel, Ismaïl Haniyeh étant
un signe que les responsables ont commencé à faire prévaloir
l’intérêt du peuple sur leurs différences idéologiques.
Solidarité arabe
L’annonce du choix du nouveau premier
ministre vient redonner l’espoir d’une amélioration de la
situation dans les territoires occupés. Elle était doublée d’une
autre pas moins importante, à savoir la décision des pays arabes
de se désolidariser du blocus financier international imposé aux
Palestiniens. « Nous ne nous soumettrons pas à la moindre
restriction imposée (...). Les banques arabes doivent transférer
l’argent (aux Palestiniens) », a déclaré Amr Moussa, secrétaire
général de la Ligue arabe. Telle était la réponse arabe au veto
américain à un projet de résolution arabe condamnant les
opérations militaires d’Israël dans la bande de Gaza, ainsi que
les tirs de roquettes palestiniens sur Israël. Dimanche, le
secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, a regretté cet
« incompréhensible » veto, perçu comme un message aux Arabes
proclamant la fin du processus de paix.
L’ambassadeur américain, John Bolton, a
justifié ce veto en affirmant que le projet comportait de
nombreux passages « biaisés contre Israël et inspirés par des
motifs politiques ». Le texte, a-t-il dit, « ne rendait pas
compte de manière équitable des récents événements à Gaza et ne
faisait pas avancer la cause de la paix entre Israël et les
Palestiniens ».
Le projet, déposé par le Qatar au nom du
groupe arabe, a recueilli 10 voix pour et une contre — celle des
Etats-Unis —, avec quatre abstentions. La voix contre étant
celle d’un membre permanent du Conseil doté du droit de veto, la
résolution a été rejetée. Le projet de résolution avait été
déposé à la suite de la bavure de l’artillerie israélienne qui a
tué, mercredi dernier, une vingtaine de Palestiniens, surtout
des femmes et des enfants, à Beit Hanoun, dans le nord de la
bande de Gaza. Sa tonalité initiale, très ferme, avait été
ensuite adoucie dans l’espoir de son acceptation par les
Occidentaux.
Mais M. Bolton s’est dit « consterné » du
fait qu’il ne contenait aucune condamnation d’une déclaration de
la direction du Hamas. Les Etats-Unis, fidèles alliés d’Israël,
avaient déjà opposé leur veto, le 13 juillet dernier, à un
précédent projet de résolution, également déposé par le Qatar,
qui visait à faire cesser l’offensive israélienne à Gaza. A ce
jour, les Etats-Unis ont utilisé leur veto 82 fois depuis la
création de l’Onu, souvent pour protéger les intérêts d’Israël.
Expliquant son abstention, la représentante britannique, Karen
Pierce, a déclaré que le projet n’était pas « suffisamment
équilibré » et ne reflétait pas « la complexité de la situation
actuelle ».
Néanmoins, le politologue Riyad Mansour a
exprimé sa déception, accusant le Conseil de « renoncer à
assumer ses responsabilités ». Il a déploré le « mauvais signal
» envoyé dans la région par le rejet du texte. « Cela
encouragera-t-il les extrémistes des deux bords à prendre les
choses en main ? Vous pouvez en être sûrs », a-t-il dit.
Rania Adel