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Préhistoire.
Une équipe archéologique égyptienne vient de découvrir de
nouveaux sites de cette ère, dans le gouvernorat de Suez,
comprenant des traces humaines. Al-Réssis est le plus ancien
de ceux-ci. Reportage.
Sur
les traces de l’homme préhistorique
«
L’homme de la préhistoire nous aide à découvrir son monde à
travers les traces qu’il a laissées partout. C’est à nous de
les décoder ». Khaled Saad, directeur du département de la
préhistoire au Conseil Suprême des Antiquités (CSA), semble
comblé avec la découverte de cinq nouveaux sites témoignant de
la période préhistorique en Egypte. Ce sont, en fait, Wadi
Donqol, Tell Al-Bossaïlat, Wadi Al-Dome, Al-Sélek, Awlad
Abou-Seif et enfin Wadi Al-Réssis. Mais l’aventure la plus
impressionnante et émouvante est celle de Wadi Al-Réssis ou la
vallée d’Al-Réssis, étant la plus ancienne dans le temps,
puisque les graffitis qui s’y trouvent remontent à plus de 52
000 ans avant notre ère et comprenant encore des indices
archéologiques variés. Située à 110 km au sud de la ville de
Suez, sur l’ancienne route Hélouan -Al-Aïn Al-Sokhna, Wadi
Al-Réssis est en fait une vaste vallée « dont la superficie
n’est pas encore entièrement déterminée. Elle serait de 45 km2
dans le désert », explique Noubi Mahmoud, directeur des
antiquités à Suez et spécialiste de l’époque préhistorique.
Pour lui, cette vallée est riche de graffitis uniques au monde
entier. Pour arriver sur les lieux et contempler ces gravures
rupestres, il faut prendre la route Al-Sokhna–Suez jusqu’au km
58. Ensuite, par le biais d’un 4X4, il faut traverser 35 km
dans le désert, à l’ouest de la montagne. Une distance d’une
demi-heure qui donne l’occasion d’admirer les différents
aspects du désert égyptien dominé par des vagues jaunes
sablonneuses. Ensuite, il restera encore deux kilomètres et
demi à pied. « C’est difficile de faire entrer le moindre
véhicule. Là, le chemin se rétrécit et le sol devient rocheux
à cause des montagnes de grès répandues partout », affirme
Noubi. Selon lui, cette difficulté a préservé la vallée des
fréquentations. Certes, mais cette route a aussi compliqué la
tâche aux missions archéologiques et il a fallu que les
experts se servent d’un bédouin comme guide pour atteindre ce
site archéologique.
La
vallée d’Al-Réssis s’ouvre, en fait, sur une vaste dépression
où s’accumulait, à cet âge reculé, l’eau des torrents qui
descendait fréquemment sur le site. A l’époque, cette
dépression « a été transformée en lac d’eau douce où
poussaient des plantes dont se nourrissaient les animaux et où
se sont rassemblées les premières communautés préhistoriques
», explique l’inspecteur. Cette vallée se divise en deux sites
essentiels : le premier est un petit terrain de quelques
kilomètres qui suit la dépression ; quant au second, c’est une
région rocheuse qui se compose d’une série de montagnes qui
encerclent le premier. Cette dernière renferme plusieurs
graffitis qui représentent toutes les espèces d’animaux
désertiques. Anes, girafes, renards, béliers, chèvres, tigres
ou guépards, chien ou chacal sont les héros de plusieurs
scènes rupestres finement gravées sur les montagnes. « Ce sont
les animaux que l’homme de cet âge reculé voyait pour les
reproduire sur les parois des cavernes », souligne
l’inspecteur Mahmoud Ragab. Par ailleurs, dans la vallée, sont
répandues plusieurs scènes qui représentent des troupeaux
complets de dromadaires. Le nombre important a fait pencher
les spécialistes à dater cette vallée à l’époque de la
domination du dromadaire, vers le moyen et le nouveau
paléolithique.
Une estimation préliminaire de toutes. Cependant, « tous ces
graffitis découverts seront soumis à l’étude scientifique et à
la classification préhistoriques afin d’identifier leur époque
», renchérit Khaled Saad.
Naissance des activités humaines
Al-Réssis, en effet, était, pendant ce temps reculé, un
terrain fertile, fécond et très animé qui a donné naissance à
plusieurs activités, dont la chasse, qui en était la plus
fameuse par excellence. Cette activité est reflétée par une
scène gravée sur une roche. Elle représente un homme qui court
en tenant en main un outil de chasse primitif. Devant lui, un
bison aux grosses cornes devancé d’un autre mammifère. Les
deux bêtes sont poursuivies par le chien du chasseur qui aide
son maître à attaquer sa proie.
A proximité de la scène de chasse se trouve l’un des plus
importants graffitis aux yeux des experts préhistoriques. Ce
dernier exprime la plus ancienne scène de combat entre deux
hommes dans le monde entier. L’un est à dos de dromadaire
tenant un bâton dans la main gauche. L’autre tient un long
bâton à la main droite et un bouclier à la main gauche. Cette
gravure propose aux spécialistes beaucoup d’interprétations.
Les causes de la bataille sont infinies. Peut-être pour mettre
les mains sur des lieux de pâturage, voire des zones fécondes.
Probablement, elle symbolise une bataille acharnée entre deux
groupes. Mais dans tous les cas, « c’est le vainqueur qui a
voulu enregistrer sa victoire », conclut Saad.
Outre les graffitis, Al-Réssis renferme encore les vestiges
d’une hutte cylindrique dont l’entrée est bien claire. Ce
lieu, d’après Noubi Mahmoud, servait comme abri contre les
changements climatiques et les attaques des animaux féroces. A
cette époque lointaine, l’homme était en mouvement perpétuel à
la recherche de sources d’eau douce et de conditions propices
à la survie.
Qu’importe, la vallée d’Al-Réssis n’a livré que quelques-uns
de ses secrets, y compris les premières tentatives de tracer
des signes hiéroglyphiques. Les passionnés de la préhistoire
estiment pouvoir dévoiler les richesses historiques de cette
vallée afin d’esquisser un tableau de vie du premier homme et
encore de situer les origines de la civilisation égyptienne .
Doaa
Elhami
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Des gravures
rupestres, témoins d’une vie
Moins spectaculaires que la vallée d’Al-Réssis, les autres
sites demeurent d’excellents témoins de la préhistoire.
Wadi Donqol, Tell Al-Bossaïlat, Al-Dome, Al-Sélek et Awlad
Abou-Seif sont toutes des régions préhistoriques situées sur
la route du Canal de Suez-Zaafarana-Ras Ghareb. L’homme de
cette époque reculée se déplaçait tout le long de la chaîne de
montagnes de la mer Rouge qui renferment ces vallées. Au cours
de ses déplacements d’un lieu à l’autre, l’homme de cet âge
lointain a laissé beaucoup de vestiges et traces qui indiquent
non seulement son existence, mais encore l’évolution de ses
pensées au fil des jours.
La vallée de Donqol, à 85 km de la route Suez-Zaafarana,
renferme 29 grottes que l’homme utilisait comme refuge contre
les rigueurs du climat et les attaques des animaux féroces. Au
pied de la montagne rocheuse « ont été trouvées des gravures
rupestres d’animaux montagneux qui vivaient sur site à
l’instar des girafes, des gazelles, des renards, des chats
sauvages, etc. », affirme Noubi Mahmoud, directeur des
antiquités à Suez. Pour lui, ce n’est pas l’unique indice de
l’existence de l’homme sur le site. « On y a encore découvert
les murs des maisons ou des tombes primitives », ajoute le
directeur.
Vient
ensuite le site de Tell Al-Bossaïlat, qui est à 5 km de la
vallée de Donqol. Celui-ci fait partie de la vallée d’Al-Dome.
Ce tell ne renferme en fait qu’une seule gravure rupestre qui
représente un homme à dos de dromadaire. En dessous de cette
scène est remarquée la figure d’un bison. Selon les experts,
il paraît que ce lieu était une halte sur le chemin pendant un
déplacement et que le voyageur préhistorique s’est servi de
cet arrêt pour graver cette scène. « Peut-être l’homme de ce
temps lointain a-t-il voulu inscrire, avec cette gravure, son
passage sur ce lieu », commente Khaled Saad, directeur
du département de la préhistoire au Conseil Suprême des
Antiquités (CSA).
Quant à la vallée d’Al-Dome, dont la nomination est attribuée
aux palmiers doums qui se nourrissent d’une source de la nappe
phréatique du site, elle renferme six graffitis qui décrivent
les reptiles et les animaux désertiques. D’après ces gravures,
« on a constaté l’évolution des dons artistiques de l’homme
préhistorique. Les méthodes de dessins utilisées ont varié :
parfois les représentations sont creuses, parfois elles sont
fines ou colorées ... », affirme Saad. Selon lui,
l’évolution sur le plan architectural est assez claire dans
cette vallée. Ceci est évident à travers les vestiges de deux
maisons, dont l’une comprend un linteau à l’entrée et
peut-être qu’elle était encore couverte d’un plafond, alors
que la seconde se compose de trois murs construits. Quant au
quatrième mur, ce n’est autre qu’un grand rocher que le
constructeur préhistorique a exploité. La construction
d’origine est intacte jusqu’aujourd’hui.
Difficultés infinies
Restent enfin les vallées d’Al-Sélek et d’Awlad Abou-Seif,
dont les caractéristiques préhistoriques sont semblables aux
précédentes. En dépit de la valeur exceptionnelle de ces
sites, ils souffrent tous de beaucoup de problèmes. «
Viennent, en premier, les investissements économiques et
touristiques et encore les services de sécurité qui nous
harcèlent pendant nos explorations scientifiques au sein de la
montagne », se plaint Noubi Mahmoud. Autre problème majeur aux
yeux des inspecteurs de Suez : leurs bureaux qui sont privés
de tous les moyens de communication, même du téléphone. Les
moyens de déplacement leur font aussi défaut. « Nous louons
une voiture 4X4 pour atteindre le plus proche point du site
voulu et continuer le reste du chemin à pied. Comment amener
nos instruments d’arpentage et de restauration dans de telles
conditions ? », se demande le directeur. Tous les sites
mentionnés sont des zones vierges qui attendent des travaux
archéologiques sérieux afin qu’ils livrent tous leurs secrets.
D. E.
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