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Étrangers . Ils appartiennent à des nationalités et des cultures différentes. Dans la terre de leurs rêves, ils se lancent dans une découverte inlassable d’un pays qu’ils ne connaissaient pas forcément. Souvent, c’est cette passion de l’Egypte qui favorise leur intégration.

L'Egypte dans le peau

En rencontrant Luciano Moroni pour la première fois, on se trouve face à une série de surprises qui dépassent de loin nos attentes. Avant de le voir, on savait bien qu’il s’agissait d’un architecte d’intérieur, d’origine italienne, fasciné par l’Egypte. Cette description s’avère très réduite par rapport à sa réelle identité, à ses idées, sa philosophie de la vie et son parcours. L’Egypte, pour lui, est une passion, une ferveur, la terre de ses rêves, une destination favorite ou tout simplement le destin. Lui, il la qualifie ainsi : « L’Orient pour moi c’est l’Egypte, rien au monde ne peut être comparé à ce pays ». Arrivé au Caire en 1962, il est tombé amoureux de cette patrie et a décidé de ne plus la quitter. « J’ai habité l’hôtel Al-Hussein pendant quatre ans. J’avais installé là-bas tous mes bagages et même mes chats. Je n’avais pas encore trouvé l’appartement qui correspondait à mes rêves ». C’est en se baladant dans les rues du centre-ville qu’il tombe sur un immeuble en construction situé dans le quartier d’Abdine et qui donne sur le palais. Il décide donc d’acheter les trois derniers étages pour avoir le privilège de contempler et d’admirer tous les jours de sa terrasse sa capitale préférée. Issu d’une famille très riche, l’idée de résider dans un quartier huppé, comme Maadi, Zamalek ou Mohandessine, ne lui a pas traversé l’esprit. « L’Egypte, c’est ici, c’est Bab Zoweila, Bab Foutouh, la Citadelle, les pyramides, le musée d’art islamique, le palais ... mais c’est aussi ces anciens immeubles en décrépitude, ces élèves qui rentrent de l’école en plaisantant, ces femmes qui élèvent des poules sur les terrasses et ces hommes journaliers qui partent à la recherche de leur gagne-pain ». Ces scènes et ces images de la vie quotidienne le marquent profondément. Et c’est dans les souks populaires qu’il se sent le mieux. « Les gens, les couleurs, les odeurs de Mouski, d’Al-Ghouriya ou même les souks de légumes, c’est là qu’il y a tout l’art dont j’ai besoin ». Il passe la plupart de son temps dans ces endroits. Entre les visites des sites historiques, des monuments restaurés et des quartiers anciens, son agenda est surchargé. Mais Luciano ne s’arrête pas là. Il n’a pas hésité à se lancer dans des projets de restauration qu’il a effectués à son propre compte. De la restauration des tombeaux des Anglais à Louqsor, à une campagne de sensibilisation qui vise à sauver le patrimoine architectural d’Alexandrie, en passant par un parrainage de jeunes créateurs qui n’ont pas les moyens de produire leurs œuvres, jusqu’aux donations d’une collection de livres rares en architecture à la Bibliothèque d’Alexandrie. Tous les jours, un objectif nouveau, et une nouvelle découverte d’un aspect inconnu de la vie en Egypte. Il n’a pas hésité à se rendre jusqu’à Qéna, au fin fond de la Haute-Egypte, parce qu’il a appris que le gouverneur faisait des efforts énormes pour le développement de la ville. Soutenant toute idée courageuse, il propose au gouverneur de créer un fonds pour les chiffonniers de Qéna qui leur permettra de toucher une retraite. Son enthousiasme est sans limites. « Comparé à l’Occident, qui a perdu de ses valeurs et qui est régi par les lois matérialistes et la violence, c’est ici que je me sens serein ». Et sa dernière demande, il l’a confiée à ses frères en Italie. « Si je meurs en Egypte, enterrez-moi dans les tombeaux que j’ai restaurés, là où mon âme reposera en paix ».

Une fascination pour l’Egypte que plusieurs partagent, peu importe leurs origines ou leurs nationalités. Cette « égyptomanie », beaucoup d’étrangers l’ont consommée, chacun à sa façon. Les uns l’ont même connue avant de se rendre dans le pays, à travers une image qu’ils se sont faite, qu’ils ont imaginée. Mais, une fois arrivés ici, ils découvrent une Egypte qui les a, en fait, toujours intéressés. Et c’est souvent cette passion qui les incite plus tard à s’intégrer.

Amira Inglezo est une jeune styliste dans un magazine de décor. Cette femme d’origine grecque réside en Egypte depuis environ quatre ans. C’est en tombant amoureuse d’un Egyptien qui visitait son pays que toute sa vie a basculé. « C’est un coup de foudre auquel je n’ai pas pu résister. Mais c’est aussi l’amour d’un pays que je n’ai jamais visité et duquel je me suis toujours faite une idée, une certaine image. Le fait d’épouser un Egyptien et de venir m’installer en Egypte m’a paru comme un conte de fées ». Dans les romans et les documentaires qu’elle suivait à la télé, elle a toujours rêvé de voir ce pays. « Je ne retenais en tête que des images de femmes portant des galabiyas brodées à la main, et se comportant en toute élégance. C’est cet aspect oriental qui me fascinait le plus, cette image très romantique du pays ». Mais, c’est en arrivant au Caire qu’elle découvre une ville bien différente.

« Un Caire beaucoup plus moderne, envahi par des immeubles gigantesques et des voitures derniers modèles ». Inglezo ne regrette rien. « Je suis convaincue que c’est mon destin de vivre en Egypte, de partager le reste de ma vie avec un Egyptien. Si j’ai choisi de quitter ma famille et mon pays natal pour vivre ici, c’est sûrement pour m’adapter et profiter au maximum de cette chance ».


Du choc à l’adaptation

S’il est encore trop tôt pour Inglezo de faire le bilan de son expérience, Andrissa Iswandari, elle, est bien capable de le faire. Cette femme indonésienne mariée à un Egyptien depuis 14 ans est très satisfaite de son choix. Elle a connu son mari, qui travaille dans le tourisme comme elle, lors d’un stage à New Delhi. « Je sentais que nous avions beaucoup de choses en commun, une religion et une éducation plus ou moins conservatrice ». Elle qui n’avait jamais visité l’Egypte était très curieuse de connaître ce pays qu’elle a imaginé à travers les romans d’Agatha Christie. « J’étais convaincue que je devais finir par vivre ici ». Une fois mariée, elle accompagne Khaled, son partenaire, pour sa première visite en Egypte. « Je ne savais pas à quoi m’attendre. Je voulais plaire à ma belle-famille, mais je ne détenais pas encore les clés, je ne comprenais pas les codes ». Dès qu’Andrissa met les pieds à l’aéroport du Caire, elle se trouve accueillie par une foule de 60 personnes venues la saluer. « Les tantes, les oncles, les cousins, tout le monde était là, je tremblais de peur ». Elle, qui ne parlait pas un mot arabe à l’époque, s’est sentie effrayée. « Mais j’étais bien déterminée à m’intégrer ». Elle décide donc de travailler dans un hôtel pour pouvoir communiquer quotidiennement avec des Egyptiens. « C’est cet échange qui m’a aidée le plus à découvrir le pays ». Avec les années, elle n’a pas cessé de surmonter des obstacles, de relever des défis. « J’ai appris à conduire, alors qu’au début, la circulation au Caire me paniquait ». Elle a surtout appris à voir avec humour toute situation qui lui paraissait au début embarrassante. « Quand je me rends dans un endroit public avec mes deux garçons, Omar et Ziyad, on me prend toujours pour leur nourrice. Ici, on a un stéréotype de la femme asiatique, celui de la Philippine qui travaille pour une famille riche ». Aujourd’hui, malgré tout, Andrissa est satisfaite.

Selon Elizabeth Sartain, professeur à la retraite à l’Université américaine, plusieurs éléments déterminent le succès ou l’échec de ce genre d’expériences. « Etre étranger dans une société orientale n’est pas facile à gérer ». Cette femme d’origine anglaise est bien placée pour le dire. Installée en Egypte depuis 1965, elle a vu défiler devant ses yeux des dizaines d’histoires de ce genre. « Sans un apprentissage parfait de la langue, l’existence d’un certain rapprochement social dans le cas des couples mixtes, l’expérience est vouée à l’échec ».


« Khawaga acclimaté »

D’après Sartain, une personne qui ne possède pas ces atouts sera toujours vue comme un « khawaga », en position de désavantage, de faiblesse, incade faire les bons jugements. Aujourd’hui, et après 30 ans de vie en Egypte, cette Européenne n’est toujours pas capable de s’adapter à certains aspects de la vie. « Je n’ai par exemple pas réussi à entraîner mon estomac à ne pas prendre des repas à des horaires bien fixes ». Pourtant, elle s’est habituée à d’autres détails de la vie quotidienne. « J’ai appris à négocier les prix avec les vendeurs de légumes, à raconter des blagues égyptiennes et à apprécier tout ce qui est différent. En Egypte, pas question de s’ennuyer. Tous les jours, il y a quelque chose de nouveau à découvrir ».

Une découverte qui semble être inévitable pour tous ceux qui sont venus s’installer en Egypte. Golo est un dessinateur français de bandes dessinées. Dès ses premiers voyages en 1973, il dessinait tout ce qu’il voyait. « C’était mon moyen de découvrir, d’apprendre, de communiquer. J’étais fasciné par Le Caire et les scènes qui se déroulaient dans les rues. Chaque jour était prétexte à des explorations, des découvertes. C’était un jeu excitant de fixer tout cela sur le papier ». C’est en se fondant dans la société, la vie, la culture et l’humour égyptiens, qu’il a pu créer ses images.

« Mon premier voyage était un hasard, puis j’ai attrapé le virus ». Golo vit en Egypte depuis 1993. Il s’est installé à Gourna, en face de Louqsor. « Un lieu loin de l’agitation de la ville où je peux travailler au calme et qui m’a permis de découvrir d’autres aspects de la réalité égyptienne ». De ce coin calme, Golo arrive à exécuter des « reportages dessinés » pour une série de revues égyptiennes et internationales. A Gourna, il a aussi fondé un atelier dans lequel les enfants de Haute-Egypte peuvent dessiner, peindre, coudre et faire des spectacles de marionnettes. Aujourd’hui, s’il faut mettre une étiquette à cet artiste français, il la voit ainsi. « Je suis un khawaga acclimaté. Je suis ici, parce que c’est mon choix, je m’y sens bien, les gens m’acceptent tel que je suis. J’ai des liens particuliers avec la France, mais je ne désire pas m’y installer. Je ne me sens pas du tout partagé entre la France et l’Egypte. Mes amis sont tous uniques, peu importe qu’ils soient originaires de Sayeda, de Ghamra, de Helmiya, de Gourna ou même de Paris, Londres ou Alger », conclut Golo.

Amira Doss
 

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