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Société civile. Le premier rapport annuel du Conseil national des droits de l’homme vient d’être publié. Les activistes des droits de l’homme le jugent décevant.
Un rapport controversé

Grande déception. C’est l’effet produit par la parution du rapport annuel du Conseil national des droits de l’homme pour l’année 2004-2005. Ce premier rapport, composé de six chapitres, a notamment recommandé l’annulation de l’état d’urgence, surtout après la révision de l’article 76 de la Constitution afin de donner la chance à tous les citoyens de voter, la promulgation d’une loi réglementant la détention préventive et la révision de l’article 126 du code pénal pour qu’il soit conforme à la convention internationale de lutte contre la torture, dont l’Egypte fait partie. Pour leur part, les Etats-Unis ont considéré ce premier rapport comme un pas en avant sur la voie du renforcement du respect des principes des droits de l’homme.

Toutefois, ce même rapport a créé un état de mécontentement général au sein de la société civile, dont les représentants affirment « être aujourd’hui sûrs que le Conseil est une instance purement gouvernementale, même si les rédacteurs du rapport ont essayé de justifier la faiblesse de leur document ». En effet, dans la préface, on peut lire : « Ce premier rapport a une spécificité qui doit être prise en considération, à savoir qu’il est paru 10 mois seulement après la création et le début des activités du Conseil. Et ces 10 mois ont été en grande partie consacrés à la fondation du Conseil, la définition de ses activités et celles de ses différentes commissions, l’établissement de ses règlements internes, et surtout à l’explication du rôle du Conseil. C’est pourquoi il était normal que le rapport n’aborde pas un nombre de questions que le lecteur s’attendait à trouver ». Et d’ajouter : « Le rapport doit également être lu à la lumière de la nature spéciale du Conseil national des droits de l’homme. Cette nature ne fait aucunement de lui un organisme gouvernemental comme le croient certains, ni une association de la société civile ».

Selon Amir Salem, président de l’Association nationale des droits de l’homme (ONG), ces propos ne peuvent pas tromper les activistes dans ce domaine. « D’abord, la justification relative au manque de temps est catégoriquement fausse. Car la situation des droits de l’homme en Egypte n’est pas nouvelle. Donc, toute instance œuvrant dans ce domaine et regroupant un nombre d’activistes, de journalistes et d’avocats doit être déjà au courant de ce qui se passe dans ce domaine. Il ne faut pas prétendre qu’ils ont commencé de zéro », lâche Salem. Il affirme que ce premier rapport est très faible, justement à cause de la dépendance du Conseil vis-à-vis du gouvernement. En effet, la création du Conseil national des droits de l’homme est le fruit d’une initiative purement gouvernementale. En mai 2000, l’idée fut évoquée pour la première fois. Mais le projet est tombé dans l’oubli jusqu’à mars 2003, lorsque la commission des politiques du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir), présidée par Gamal Moubarak, fils du président de la République, l’a relancé. Le Conseil a vu le jour en janvier 2004 à la suite d’un décret présidentiel suivi de la promulgation d’une loi spéciale organisant ses fonctions. « Il ne faut donc pas nous faire croire qu’il s’agit d’une institution indépendante », insiste Amir Salem. Bahieddine Hassan, président du Centre du Caire d’études des droits de l’homme et membre du Conseil national des droits de l’homme, affirme que certaines institutions peuvent être créées par l’Etat tout en ayant une certaine indépendance et jouer le rôle de contrôle sur le gouvernement. « Or, notre Conseil est bien loin d’avoir ce statut, et le rapport en question en est la preuve évidente », juge Hassan.

La division de ses chapitres le prouve. En effet, le premier chapitre a été consacré uniquement à la présentation de la déclaration mondiale des droits de l’homme et des conventions internationales dont l’Egypte fait partie. Le deuxième présente les contextes national, régional et international qui ont poussé à la création du Conseil. Le troisième chapitre est consacré à la présentation du Conseil, de sa structure et de ses prérogatives. Le quatrième chapitre fait la liste des activités du Conseil, où les plaintes présentées par le public prennent le dessus. Le cinquième chapitre évoque la situation des droits de l’homme en Egypte pendant l’année 2004 et le sixième contient les recommandations du Conseil pour améliorer cette situation. « Le fait que la plus grande partie du rapport soit consacrée à des définitions et des questions techniques rend ce document très superficiel. Un rapport annuel sur la situation des droits de l’homme doit uniquement se concentrer sur ce sujet », estime Amir Salem.

Pour Négad Al-Boréï, président de l’Association du développement de la démocratie, les chapitres 4 et 5 sont les seuls valables. « Au moins, dans ces chapitres, il y a un aveu de la présence d’infractions aux droits de l’homme en Egypte », affirme-t-il. Ces deux chapitres qui font la liste des plaintes des citoyens sont effectivement écrits sur un ton très conciliant. D’abord, l’espace qui leur est consacré est très minime par rapport à la partie théorique du rapport. De même, le rapport a systématiquement accompagné la présentation des plaintes par le verbe « prétendre » et le mot « prétentions », comme si ses rédacteurs voulaient prendre une distance vis-à-vis de ces plaintes. Toutefois, lorsqu’il s’agissait des réponses des ministères et instances gouvernementales concernés, celles-ci étaient citées sur un ton plus ferme et plus sûr. Nous pouvons effectivement lire dans le rapport les phrases suivantes : « Les plaignants prétendent avoir été victimes d’une infraction à leur droit à la sécurité personnelle à la suite de leur arrestation de façon abusive » ; puis quelques pages plus tard : « Selon le ministère de l’Intérieur, les prétentions concernant les arrestations abusives n’ont aucun fondement ». Selon Négad Al-Boréï, ceci reflète le fait que le Conseil s’est contenté de jouer le rôle de facteur qui reçoit les plaintes, les transmet aux instances concernées et puis reçoit la réponse officielle. « Cette façon de présenter les choses prouve que le Conseil n’a suivi aucune plainte, et c’est pourquoi il n’est sûr de rien », explique Al-Boréï. Et d’ajouter : « D’ailleurs, même la partie où le Conseil prétend présenter la situation des droits de l’homme en Egypte est copiée d’anciens rapports d’ONG de défense des droits de l’homme ».

Du côté du Conseil, la majorité des membres refusent de s’exprimer sur le rapport ou de se défendre contre les différentes accusations. « Le rapport englobe l’essentiel. Et personne n’est en mesure de s’exprimer là-dessus », affirme un des membres du Conseil qui fait également partie du PND. Le rapport s’est effectivement justifié à cet effet en affirmant : « Nous poursuivrons nos discussions avec les instances gouvernementales (…) pour que la société avance vers plus de protection des droits de l’homme, sans prendre de risques et sans sacrifier les considérations liées aux intérêts nationaux supérieurs ».

Le Centre du Caire d’études des droits de l’homme présidé par Bahieddine Hassan, bien que membre du Conseil des droits de l’homme, a envoyé un mémorandum au président de la République et à l’Assemblée du peuple les appelant à enquêter dans les crimes cités par le rapport. Le mémorandum affirme que ce rapport est un « test pour la crédibilité de l’appel à la réforme à partir de l’intérieur ». Ce mémorandum insiste également sur le fait que le rapport contient des informations contradictoires. « Au début du rapport, le Conseil affirme que la Constitution et la loi égyptienne sont conformes aux principes des droits de l’homme puis plus tard, il demande la révision d’un nombre de lois qui s’opposent aux principes des droits de l’homme ! », affirme le mémorandum. Et d’ajouter : « Le rapport remercie les instances gouvernementales pour leur coopération puis se plaint du manque de coopération du gouvernement avec le Conseil ». Pour dire que le Conseil ne sait pas sur quel pied danser.

 

Ola Hamdi
Yolande Youssef

 

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