Euro-med
. L’Union européenne
a abandonné son projet de
créer une
zone de prospérité partagée en Méditerranée. Pessimiste
sur la situation politique du monde arabe, elle
maintiendra néanmoins la « politique de la carotte
». C’est ce qui se dégage de la conférence de
transition économique euro-méditerranéenne.
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La
dérive européenne |
Bruxelles,
De notre envoyé spécial —
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Dix
ans se sont écoulés depuis le déclenchement du
processus de Barcelone qui visait à rapprocher
les pays du sud de la Méditerranée et les pays
de l’Union Européenne (UE). Le temps de faire
le bilan. C’est ce qui a été fait lors de la conférence
annuelle de transition économique euro-méditerranéenne
organisée les 11 et 12 avril par la Commission
européenne à Bruxelles. L’avis dominant chez les
Européens à la conférence est que Barcelone n’a
pas réussi à créer « une zone de prospérité partagée
» entre les deux rives de la Méditerranée. Le
revenu moyen des pays du sud de la Méditerranée
tourne toujours autour de 18 % de celui des pays
européens. D’où la nécessité de la politique du
voisinage déclenchée par l’Union européenne il
y a deux ans, et que les Européens ont essayé
de vendre à leurs partenaires du Sud.
La conférence a réuni des hauts
bureaucrates, des diplomates, des chercheurs et
des journalistes. A l’inauguration de la conférence,
Christian Leffler, responsable du dossier du Moyen-Orient
à la Commission européenne, a demandé aux participants
d’oublier leur statut officiel et d’intervenir
librement pour aboutir à des discussions fructueuses.
Ce qui est difficile pour les participants du
Sud vu que la liberté d’expression peut leur coûter
cher à leur retour. Mais ils l’ont plusieurs fois
fait, tantôt fortement, tantôt timidement. Par
exemple, le conseiller du ministre de l’Economie
d’un pays arabe a rejeté toute la politique dominante
dans son pays, qualifiant la situation de « One
Man, One Show ». Il n’y a pas de doute ici : ce
jeune homme critique tout simplement son président.
Un autre exemple, le président d’une institution
publique syrienne de planification a commencé
son discours avec une introduction révélatrice.
Avant de lire son discours à partir d’un papier
préparé (et probablement approuvé par ses supérieurs),
il a dit : « Conformément à la suggestion de monsieur
Leffler de parler librement et loin des statuts
officiels, je vais lire mon discours écrit ».
Ensuite, il a commencé studieusement et très sérieusement
à lire son discours que personne n’a pris au sérieux
puisque sa plaisanterie a montré sa distanciation
par rapport à son discours préparé. En un mot,
la déstabilisation des régimes arabes se manifeste
clairement dans la démoralisation presque totale
régnant dans la machine étatique même.
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Du partenariat au voisinage
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La terminologie européenne à l’égard
de ses partenaires du Sud a changé, on est ainsi
passé du mot « partenariat », dominant dans les
années 1990, au mot « voisinage ». L’impression
des officiels arabes présents à la conférence est
que l’Europe a pris ses distances par rapport aux
pays méditerranéens présents. On est devenu des
voisins et plus des partenaires. Dans ce cas, l’Europe
veut diminuer son soutien à ses voisins du Sud.
Mais en réalité, le discours de Christian Leffler
a, au contraire, montré un souci ascendant par rapport
aux conditions politiques délicates du Moyen-Orient.
Le passage de Barcelone à la politique de voisinage
change le mode de rapport entre les gouvernements
européens et ceux du Sud de la Méditerranée. Barcelone
mettait l’accent sur la libéralisation du commerce
entre les deux rives de la Méditerranée. Le but
était donc d’ouvrir un accès dans leurs marchés
aux entreprises du Sud. Les marchés des biens agricoles
européens sont, toutefois, restés hautement protégés.
Une preuve de plus pour les forces nationalistes,
fondamentalistes et gauchistes arabes que la politique
européenne est hypocrite. La politique du voisinage
met par contre l’accent sur le soutien que l’Europe
va apporter aux changements institutionnels au sein
des pays arabes. Il s’agit de fournir 15 milliards
d’euros aux voisins du Sud contre des réformes précises.
Il s’agit en outre de négocier les réformes cas
par cas. Comme l’a illustré Leffler, il y aura «
des réformes à la carte et pas des réformes selon
un menu ». La politique du voisinage vise à augmenter
l’intervention européenne dans la reformulation
de notre région. Mais ici, Leffler a insisté, seule
la carotte sera utilisée : de l’argent et du soutien
technique en contrepartie des réformes. La carotte
européenne est bien sûr moins grave que le bâton
américain. Mais tous les deux travaillent dans la
même direction, celle de changer la carte politique
de la région arabe.
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De l’économie à la politique |
La conférence de transition économique
cette année a fait plus dans le politique que dans
l’économique. Même dans les discussions économiques,
c’est la politique qui dominait. C’est normal. Selon
Jean Lui Reiffers, directeur du FEMISE, un réseau
d’institutions de recherche soutenu par l’Union
européenne, les conditions actuelles que le monde
arabe offre aux investisseurs européens ne sont
absolument pas pires que celles d’un pays comme
la Roumanie. Si les investisseurs choisissent ce
dernier et non pas les pays arabes, c’est parce
que le futur de ces derniers est incertain. Ici,
on parle ouvertement de la politique et surtout
de la question de la succession des dinosaures arabes.
La session de clôture de la conférence
a eu pour titre « Vers la liberté dans le monde
arabe ». Un style relativement chaud par rapport
aux titres académiques utilisés dans les conférences
économiques. Nada Al-Nashif, un des auteurs du Rapport
de développement humain arabe, a présenté la grande
conclusion de ce rapport qui vient de sortir il
y a quelques jours et qu’on peut résumer en une
phrase : le manque de liberté dans le monde arabe
est la source de tous les maux de la région. On
reste toujours dans le flou par rapport à la contribution
de l’Europe pour aider à combler ce manque. Les
Européens ont avancé qu’ils étaient en discussion
avec les courants non djihadistes des islamistes
arabes. Ce que les Américains ont récemment déclaré
eux aussi. La carotte européenne, semble-t-il, ne
se limitera plus aux régimes en place.
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Samer
Soliman |
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3 QUESTIONS
A |
Ezzat
Saad, assistant
du ministre égyptien des Affaires étrangères pour
les affaires asiatiques. |
Par
Aïcha Abdel-Ghaffar |
Al-Ahram
Hebdo : Comment se déroulent les préparatifs du
sommet des chefs d’Etat et de gouvernement d’Asie
et d’Afrique qui aura lieu à Jakarta, en Indonésie,
du 22 au 24 avril ?
Ezzat Saad : Il y a une
série de réunions qui précèdent le sommet. La
conférence des ministres des Affaires étrangères
le 20 avril, une réunion des hommes d’affaires
des deux continents, à laquelle participeront
également un nombre de chefs d’Etat et de gouvernement,
à l’instar du forum de Davos. Celle-ci aura lieu
le 21 et sera consacrée aux investissements en
faveur du développement et de la coopération sud-sud
et nord-sud. Le communiqué final s’appuiera sur
la nécessité de l’instauration d’un système de
commerce mondial équitable, afin que les pays
en voie de développement profitent au maximum
de la mondialisation. Dans ce contexte assisteront
au sommet des pays industrialisés. On relèvera
surtout la présence de la Chine et du Japon. Ce
dernier lancera une initiative pour accroître
son aide aux pays en voie de développement africains
et asiatiques. Le secrétaire général de l’Onu,
Kofi Annan, y est également invité.
— Comment l’idée de ce sommet
est-elle née ?
— L’initiative de ce sommet a
été prise en 2002 en marge du sommet du groupe
ASEAN à Phnom Penh, au Cambodge, où la nécessité
d’activer la coopération afro-asiatique a été
soulevée, afin que le continent africain puisse
saisir les opportunités que représente le développement
à pas de géant de plusieurs pays d’Asie. Il est
important de citer que Mégawati, alors présidente
de l’Indonésie, assistait au sommet de l’ASEAN
et a évoqué le passé du militantisme de son père,
le défunt président Sukarno, et sa contribution
à la naissance du sommet de Bandung, en 1955.
C’est là où a surgi l’idée de réunir à nouveau
les deux continents, et de répondre aux aspirations
de la Déclaration finale de Bandung qui incitait
à une nouvelle association entre l’Asie et l’Afrique.
D’autant plus que les défis cités dans le document
sont à peu près les mêmes que ceux d’aujourd’hui
: les problèmes de développement, de l’inégalité
de l’ordre commercial ainsi que l’ordre économique,
l’ingérence dans les affaires intérieures des
pays, l’augmentation de la pauvreté et enfin l’existence
de nouvelles figures de l’impérialisme. Il a été
donc décidé de relancer la coopération entre les
deux continents sous le nom d’Asia Africa Subregional
Organization.
— Quelle est la contribution
de l’Egypte à ce sommet ?
— L’Egypte a présenté plusieurs
propositions qui ont été adoptées, dont la création
d’un forum pour le dialogue des cultures entre
les deux continents ainsi qu’une initiative concernant
la coopération entre les marchés financiers et
une autre relative à l’élargissement de la coopération
entre l’Afrique et l’Asie.
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