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Moustapha Osman Ismaïl , ministre soudanais des Affaires étrangères, évalue les chances d’un règlement de la crise au Darfour.

« Nous refusons l’envoi de forces étrangères
au Darfour »

Al-Ahram Hebdo : Les négociations sur le Darfour, qui doivent reprendre prochainement à Abuja (Nigeria), sont au point mort et la situation sur le terrain est très critique. Quels sont les moyens de régler le conflit ?

Moustapha Osman Ismaïl : Le gouvernement a toujours affirmé sa volonté de mettre un terme au conflit du Darfour par un dialogue franc et responsable. Il est motivé par sa conviction que l’instauration de la paix et de la stabilité est un devoir moral et légitime. Le choix du premier vice-président, Ali Osman Taha, qui a mené les négociations avec l’Armée de libération du Sud-Soudan (SPLA), pour diriger les pourparlers sur le Darfour, confirme la volonté de l’Etat de mener à bien l’édifice de paix devant consolider la nation tout entière.

— Que préconisez-vous pour mettre fin à la violence au Darfour ?

— L’arrêt de la violence au Darfour nécessite d’abord que les groupes rebelles arrêtent les pillages, les vols et les assassinats de citoyens innocents et des agents humanitaires. Ensuite, il est impératif que les mouvements rebelles signalent les positions de leurs éléments comme le stipulent les accords de paix. Enfin, sécurité et stabilité au Darfour dépendent de l’engagement des leaders de la rébellion dans des négociations sérieuses et responsables afin de faire cesser les souffrances de nos concitoyens.

— Qu’attendez-vous de la communauté internationale ?

— Nous attendons d’elle sa participation pour faire avancer les négociations, un soutien des efforts de l’Union Africaine (UA), en qui elle a toute confiance. Elle doit prendre ses distances avec les menaces et autres intimidations qui ne feraient que compliquer la situation. Pour sa part, le Soudan poursuivra avec sérieux ses efforts pour une solution pacifique.

— Quelles sont, à votre avis, les répercussions de l’accord de paix dans le Sud sur les négociations sur le Darfour ?

— Je crois que les effets seront positifs pour trois raisons. D’abord parce que l’accord a posé les conditions d’un arrêt de la guerre entre le Nord et le Sud et jeté les bases d’un règlement à toutes les autres causes soudanaises à l’est, à l’ouest et au nord. Ensuite, parce que l’accord repose sur un système non centralisé qui accorde aux Etats une grande marge de liberté, garantit leur droit au pouvoir et aux richesses, que ce soit au niveau régional ou national. A noter en second lieu que le représentant gouvernemental, Ali Osman Taha, qui s’occupait de l’accord de paix au Sud, s’est libéré sur ordre du président de toutes ses occupations pour se concentrer sur le dossier du Darfour. Enfin, à cause de l’évolution de la SPLA qui soutenait la rébellion au Darfour et qui tend actuellement à soutenir la solution pacifique dans la région. De quoi donner l’espoir d’un règlement positif à la crise du Darfour.

— L’Amérique a proposé la constitution d’une Cour internationale, sous la supervision de l’Union africaine et des Nations-Unies, pour juger les auteurs des crimes de guerre au Darfour. Qu’en pensez-vous ?

— Des crimes contre l’humanité ont été commis, il est vrai, au Darfour. Ces crimes exigent enquêtes et investigation. Les responsables de ces crimes seront traduits en justice au Soudan. Personne n’est au-dessus de la loi. Le Soudan n’est pas comme le Kosovo, la Bosnie, la Somalie ou le Rwanda. Il y a un gouvernement et un ordre juridique. Nous disposons d’appareils efficaces qui accomplissent leur mission à la perfection. La Cour pénale internationale elle-même — dont nous ne sommes pas membres — autorise aux Etats, s’ils en sont capables, de juger eux-mêmes les accusés de crimes contre l’humanité. Ces jugements n’auront pas lieu dans des salles fermées. Ils seront ouverts à quiconque voudrait les contrôler, que ce soit l’Europe, les Etats-Unis ou l’UA.

— Accepteriez-vous l’envoi de troupes occidentales au Darfour comme le réclament les rebelles ?

— Nous avons signé l’accord africain de défense et de sécurité, participé même à sa formulation, et le Parlement soudanais l’a ratifié. L’accord prévoit que les forces africaines présentes dans un pays africain sont des forces amies et non des forces d’occupation. Lorsque les Africains ont proposé l’envoi de ces forces au Soudan, le Parlement soudanais a tout de suite approuvé. Les forces africaines sont en conséquence suffisantes pour nous entendu qu’elles représentent des forces amies venant de l’Egypte, de l’Algérie, de la Libye, de l’Afrique du Sud, de la Thaïlande et du Kenya. En revanche, nous refusons fortement l’envoi de forces étrangères —comme forces d’occupation — afin d’éviter l’expérience iraqienne. L’arrivée de forces étrangères au Soudan conduirait de nouveau au désordre, à la sédition et aux guerres. Mais cette fois-ci tout le monde s’accorderait pour dire « non » d’une seule voix à la présence de forces étrangères, dans le but de préserver la souveraineté du sol soudanais.

— Pensez-vous que l’accord de paix avec la rébellion sudiste conduira à la séparation du Sud ?

— La guerre a effectivement créé une division comme vous le dites. Elle ne s’est pas limitée à la séparation et l’isolement entre le Nord et le Sud, elle a également approfondi des amertumes et des hostilités entre les deux camps. Nous devions arrêter à tout prix la guerre qui a ouvert la voie aux organisations occidentales qui cherchent à dominer le Sud, riche en pétrole, en vue d’exploiter ses richesses. Ce qui serait un obstacle de taille pour maintenir l’unité du Soudan.

L’accord avec la SPLA affirme, il est vrai, le droit à l’autodétermination, mais donne la priorité à l’unité. Les déclarations de John Garang lui-même, chef de la rébellion sudiste, laissent entendre qu’il est en définitive pour l’option de l’unité. Et l’Amérique a bien précisé qu’elle était pour l’unité du sol soudanais. L’option de l’unité jouit en fait d’un appui régional et international commun. Reste enfin les défis auxquels nous faisons face nous-mêmes. Nous devons agir ensemble, Etat et peuple, Etats régionaux et communauté internationale afin que l’option de l’unité soit seule proposée. Personnellement, je suis unioniste. Nous ne croyons pas en la séparation. Nous croyons que l’unité est la priorité des priorités. C’est une conviction commune.

— Pourquoi le Soudan a-t-il écarté l’Egypte du règlement politique de la crise du Sud-Soudan et a-t-il préféré l’initiative de l’Igad à celle égypto-libyenne ?

— Nous n’avons pas écarté l’Egypte. C’est l’Egypte qui a choisi de se retirer. Elle n’a pas voulu entrer dans les débats concernant l’initiative de l’Igad. Malheureusement, l’initiative égypto-libyenne n’a pas atteint ses objectifs. Mais l’Egypte est aujourd’hui fortement présente. Elle est le seul Etat arabe à avoir signé l’accord de paix avec la SPLA en tant que témoin.

L’Egypte participera à la mission du maintien de la paix qui sera envoyée au Sud et prendra part à sa reconstruction et son développement. Le plus important, c’est la confiance et la crédibilité accordées au rôle de l’Egypte de la part de toutes les parties soudanaises, y compris le Sud.

L’Egypte a su garder de bonnes relations avec John Garang. Des milliers de jeunes Sudistes font des études dans les universités égyptiennes. Ces relations lui ont assuré une position et un poids considérables. Parallèlement, nous appelons nos confrères et nos concitoyens à garder ouvertes leurs relations en Egypte. Viendra le jour où le rôle et la médiation de l’Egypte trouveront au Soudan l’appui, l’accord et la reconnaissance de tous. Et c’est ce qui se passe aujourd’hui.

Propos recueillis par
Khaled Saad Zaghloul
 

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