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Port-Saïd.
La ville comprend environ
500 édifices datant des XIXe et XXe siècles et qui sont pour
la plupart dans un état lamentable. Un projet franco-égyptien
pour protéger ce patrimoine est actuellement à la recherche
de financement. |
Un patrimoine
à valoriser |
Port-Saïd,
De notre envoyée spéciale — |
Fondée
en 1859 par Saïd pacha, la ville de Port-Saïd était au départ
destinée seulement à héberger les ouvriers qui creusaient le
Canal de Suez. A la fin du XIXe siècle, c’était déjà un port
important et toutes les puissances maritimes y avaient des consulats.
De nos jours, le visiteur de Port-Saïd ne peut s’empêcher de
suspendre son regard aux balcons en bois ciselé qui se détachent
des façades de certaines maisons. La ville a conservé de la
présence des Européens de nombreuses constructions, de la période
1860-1880, mais surtout des années 1920.
Port-Saïd est l’une
des rares villes de l’Egypte qui regroupe encore de nos jours
un aussi important patrimoine architectural et urbain exceptionnel
qui mérite d’être sauvegardé et mis en valeur.
Cependant, le manque
d’entretien entraîne la dégradation du cadre bâti, et les rénovations
sauvages font disparaître tous les mois une vieille bâtisse
possédant différentes valeurs au profit d’une architecture de
la plus grande banalité. « C’est tout à fait logique et compréhensible
parce qu’en démolissant un bâtiment de quatre étages et en construisant
un autre à douze, le propriétaire gagne. C’est un jeu gagnant,
sauf qu’après, on n’a plus de bâtiments anciens parce que c’est
une ressource non renouvelable, c’est un peu comme le pétrole.
Quand on aura démoli ces bâtiments, Port-Saïd ne sera plus Port-Saïd.
Elle sera comme toutes les autres villes d’Egypte et n’aura
pas de touche personnelle », estime Romeo Carabelli, directeur
exécutif du projet Patrimoines Partagés et chercheur associé
au Centre National de Recherches Scientifiques (CNRS). De nombreux
dangers menacent donc aujourd’hui cette architecture de l’époque
moderne, ce qui rend très urgent d’archiver ce qui reste et
de tenter en même temps de sauvegarder les caractéristiques
originales de cette ville. Patrimoines Partagés, qui est un
projet de recherches financé par l’Union européenne, travaille
sur l’architecture de Port-Saïd.
Pour lui, l’architecture
de la ville de Port-Saïd est un patrimoine partagé puisque ces
bâtiments n’appartiennent pas à un côté ou à un autre puisqu’ils
étaient construits par les gens qui voyageaient. |
Un travail
partagé |
Il
y a plusieurs parties qui sont actuellement en train de travailler
sur l’architecture de Port-Saïd. « C’est l’Alliance française
de Port-Saïd qui a mis en relief l’intérêt de ce patrimoine
intéressant », souligne Romeo Carabelli. Ensuite, à l’intérieur
de ce groupe d’institutions, chacun fait un morceau dans lequel
il est plus spécialisé. « A la demande du gouvernorat de Port-Saïd
et avec l’appui de l’Alliance française de Port-Saïd, on a fait
intervenir en particulier des élèves du Centre des hautes études
de Chaillot (l’Ecole d’architecture de Paris) pour essayer de
réfléchir aux problèmes du patrimoine dans divers contextes
politiques, géographiques et sociaux, etc. Le Centre des hautes
études de Chaillot prépare en France les architectes des monuments
historiques et qui chaque année dans le cadre de leur préparation
font un stage à l’étranger », explique Mercedes Volait, chargée
de recherches au CNRS et spécialiste en architecture moderne
en Méditerranée. Les élèves du Centre des hautes études de Chaillot
sont venus deux fois de suite à Port-Saïd où ils ont fait un
premier inventaire du sommaire. Ils ont identifié 450 bâtiments
intéressants. Pour le moment, on a une piste très avancée. Ils
avancent de façon plus rapide. On a commencé toutes les démarches
administratives pour avoir un financement pour pouvoir faire
aménager au moins un bâtiment. Selon Romeo Carabelli, l’exécution
du projet des Patrimoines Partagés ne partira pas avant la fin
de l’année 2006.
Pour sa part, l’Institut
Français d’Archéologie Orientale (IFAO) du Caire prépare une
publication qui constitue un guide architectural du patrimoine
de Port-Saïd. Cette publication est réalisée en coopération
entre l’Alliance française de Port-Saïd, le projet de Patrimoines
Partagés et l’IFAO.
D’ailleurs, dans
ce même cadre, un colloque franco-égyptien qui a pour thème
« Protection et valorisation du patrimoine urbain des XIXe-XXe
siècles : dispositifs, méthodes, partenariats », a été organisé
à Port-Saïd. Celui-ci a réuni un grand nombre de chercheurs
et de spécialistes en architecture qui ont discuté des projets
et des propositions de la protection et de la valorisation du
patrimoine urbain des XIXe et XXe siècles de Port-Saïd. Une
expérience française en matière de protection et de valorisation
du patrimoine de ces époques a été aussi présentée. « On a essayé
de voir de façon plus concrète ce qui est possible de faire
pour aménager et formuler une représentation des enjeux patrimoniaux
de la ville de Port-Saïd et autres villes du canal », souligne
Alain Roussillon, directeur du Centre d’Etudes et de Documentation
Economiques, Juridiques et Sociales (CEDEJ). « On essaye actuellement
de passer à la phase suivante qui est de savoir ce qu’on pourrait
faire pour protéger et puis surtout valoriser le patrimoine
de Port-Saïd dans les différentes hypothèses. C’est un peu l’idée
de ce colloque », ajoute Mercedes Volait. Ils s’intéressent
surtout à travailler sur l’architecture des XIXe et XXe siècles
tout autour de la Méditerranée, aussi bien en Algérie, au Maroc,
en Tunisie, au Liban, en Turquie, etc. En Egypte, ils ont déjà
travaillé pendant cinq ans à l’architecture d’Héliopolis et
son centenaire. |
A la recherche de financement
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Le projet de
valorisation du patrimoine de Port-Saïd a été instauré il y
a trois ans. « Ce programme a été instauré par mon prédécesseur,
Valérie Nicolas. Il y a maintenant trois ans qu’on parle de
Port-Saïd au cours desquels on a eu des liens avec le gouvernorat
de Port-Saïd et toutes les organisations qui travaillent dessus
: Patrimoines Partagés, Euromed, le laboratoire CTRS, l’Ecole
de Chaillot », indique Bernard Chaumont Gaillard, directeur
de l’Alliance française de Port-Saïd. Et d’ajouter : « C’est
un projet très important parce que Port-Saïd est une ville extraordinaire
avec un passé extraordinaire. C’est dommage de laisser tomber
ces bâtiments qui sont maintenant en train de tomber en ruine.
On essaye actuellement de trouver le financement et d’essayer
de préciser les endroits qui peuvent être rénovés ou valorisés.
L’étape suivante sera de faire une étude, des calculs, les prix,
les tarifs, etc. Par ce colloque on essaye de mettre toutes
nos relations et de trouver un financement que ce soit égyptien
ou étranger pour pouvoir réaliser ce projet. Ce colloque peut
donc être considéré comme le point de départ de cette phase.
On va cibler des endroits à protéger, s’il est possible de les
protéger, parce qu’il y en a beaucoup qui sont dans un tel état
qu’il est mieux de les raser. La partie la plus difficile est
justement de parler de ce projet à beaucoup de monde parce qu’au
départ il y avait seulement l’Ecole de Chaillot, l’Alliance
française, le Centre Français de Culture et de Coopération (CFCC),
l’ambassade de France et le gouvernorat de Port-Saïd », souligne
Bernard Chaumont Gaillard.
La documentation
du patrimoine architectural de la ville de Port-Saïd est également
réalisée sous la direction d’un consortium IRD (responsable
scientifique), CultNat (National Center for Documentation of
Cultural and Natural Heritage) dépendant du ministère de la
Communication et des Technologies de l’Information), CultNat
est associé à la Bibliotheca Alexandrina, le département d’architecture
de la faculté polytechnique de l’Université du Caire.
Ces bâtiments chargés
d’Histoire et de symboles méritent aujourd’hui de la part de
l’Egypte un regard nouveau pour une reconnaissance de leur valeur
patrimoniale .
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Amira
Samir |
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Les
belles villas de Port-Fouad |
Ce quartier résidentiel situé
sur la rive Est du Canal de
Suez était le lieu de résidence des employés du Canal.
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Dans les années 1920, la Compagnie universelle
du Canal de Suez avait décidé la construction de logements pour
ses employés. Cadres et ouvriers sont ainsi tous logés, dès
le 21 décembre 1926, date de l’inauguration de la ville, avec
un standing proportionnel au niveau de responsabilité.
Des villas de style colonial, bâties dans les
années 1920 et où logent les fonctionnaires de l’Organisme du
Canal de Suez jusqu’à présent, il s’agit en effet d’un style
architectural à la française, mais toute la ville de Port-Saïd
porte encore des traces d’une empreinte européenne. Les façades
ocre ou beige des grandes demeures à l’abri de jardins tantôt
luxuriants ou délabrés, restent réservées aux cadres. Tandis
que les rangées régulières de petites maisons en briques blanches,
accueillent les ouvriers. Dans ces demeures d’un étage, chacune
dotée d’un jardin particulier, les premiers occupants ont été
italiens, grecs ou arméniens.
Le visiteur de la ville peut observer à quel
point Port-Fouad préserve jusqu’aujourd’hui son identité architecturale
bien qu’aucun plan de protection de ce patrimoine architectural
ne soit en vigueur, cela est en fait dû à ce que l’Autorité
du Canal prend soin de ses petites propriétés. « Port-Fouad
a en fait une situation assez intéressante parce qu’il y a beaucoup
moins de danger. Ses bâtiments sont bien préservés puisqu’ils
sont restés longtemps propriétés de la Compagnie du Canal de
Suez », explique Claudine Piaton, architecte et urbaniste de
l’Etat centre des hautes études de Chaillot. Ajoutant : « On
est moins inquiet pour ce quartier ». Les façades sont repeintes
tous les deux ans. Plomberie, électricité, tout est pris en
charge par l’Autorité du Canal .
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A. S. |
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