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Une Turquie contrariée
par son histoire |
Puissance
régionale incontournable au niveau du Moyen-Orient,
la Turquie vient récemment d’entamer des négociations
marathoniennes en vue d’adhérer à l’Union Européenne
(UE). Un événement d’envergure qui suscite nécessairement
l’intérêt d’autres pays et partenaires moyen-orientaux
de la Turquie, comme plusieurs pays arabes qui ont
suivi de très près le déroulement de ces négociations.
Des rounds de négociations qui ont vraiment témoigné
du poids de l’Histoire et de l’effet qu’elle exerce
sur les politiques turques en cours. Bref, les euro-députés
du Parlement européen ont exigé entre autres que
la Turquie reconnaisse qu’elle a commis des massacres
contre des communautés arméniennes sur son sol lors
de la première guerre mondiale. Une question épineuse
et litigieuse analysée en profondeur par Zeinab
Abou-Sennah dans son livre La Turquie islamique
... Le présent à l’ombre du passé. En effet, l’auteur
fait remonter la relation conflictuelle entre l’Etat
turc et les communautés arméniennes à la collaboration
de ces dernières lors de la première guerre mondiale
avec l’ennemi juré et historique de la Turquie,
à savoir la Russie. Zeinab Abou-Sennah explique
dans la page 83 de son livre : « Les Arméniens étaient
les seuls en Turquie à travailler dans l’intérêt
de l’ennemi russe dans le Caucase. Leur espoir était
de se séparer de l’Etat ottoman et d’adhérer à l’Arménie
russe avec l’aide des Russes ». L’auteur poursuit
(pp. 83/84) : « A l’issue de la révolution bolchevique
en 1917, la Russie se retire du Caucase. Suite à
ce retrait, les Turcs et les Kurdes des villes ottomanes
attaquées par les Arméniens décident de se révolter
et de se venger des Arméniens qui ont commis des
carnages contre eux. Des agressions réciproques
entre Kurdes kirghizes turcs et Arméniens ont abouti
à la disparition de 300 ou 400 000 Arméniens dans
l’ouest de l’Anatolie. Certains ont été tués, d’autres
ont quitté le territoire turc à destination de la
Russie, de la Syrie et du Liban ou à destination
de pays européens. Les Arméniens ont réussi ensuite
à attirer la sympathie des médias occidentaux et
à mener une forte campagne médiatique contre la
Turquie. (...) Les Arméniens ont également formé
des groupes de pressions très influents aux Etats-Unis
et en Europe. Mais le lobby arménien est surtout
très fort en France ».
Les événements récents ont montré
que cette analyse historique de la donne politique
dans le Caucase est fondée. En fait, dix jours avant
le début des négociations entre l’UE et la Turquie,
prévu le 3 octobre dernier, un sondage a été réalisé
les 22 et 23 septembre auprès de 985 personnes représentatives
de la population française. Six Français sur dix
(60 %) sont hostiles à l’entrée de la Turquie dans
l’UE contre 35 % qui y sont favorables. En fait,
la France demeure le plus grand opposant européen
et international à l’adhésion de la Turquie à l’UE.
Une réalité qui s’explique d’une part par l’influence
du lobby arménien en France, et d’autre part par
une crainte profonde du passé de l’Empire ottoman
qui ne fut que l’incarnation d’un islam politique
médiéval en action et en expansion redoutable. Avec
ses quatre parties bien structurées sur le rôle
des Arméniens dans l’affaiblissement de l’Empire
ottoman, la nature des relations qu’entretenait
cet empire avec ses citoyens musulmans et non musulmans,
la politique turque vis-à-vis des Alliés et des
pays de l’Axe lors de la seconde guerre mondiale,
la question de Chypre divisée entre Turcs et Grecs,
l’ouvrage de Zeinab Abou-Sennah est très complet.
Et, quoique historique, il donne au lecteur la possibilité
de comprendre d’une façon plus approfondie les aspects
événementiels des politiques turques en cours .
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Khaled
Abdel-Azim |
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Zeinab
Abou-Sennah, Turkiyya al-islamiya, al-hader zil
al-madi (La Turquie islamique ... Le présent ombre
du passé), Al-Dar al-saqafiya lil nachr, 2005. |
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