Al-ahram
hebdo : Comment évaluez-vous la position des femmes en Egypte
et dans le monde arabe en général ? Ont-elles à votre avis
obtenu les droits auxquels elles aspiraient ?
Mouchira Khattab
: Malgré l’intérêt
qu’accordent à ce sujet les dirigeants politiques, les progrès
réalisés restent insuffisants. Quand on voit les efforts qui
ont été déployés aux niveaux médiatique, social, médical et
politique, on est déçu par le résultat. A l’échelle politique,
par exemple, les femmes ne jouent aucun rôle important, elles
s’abstiennent même de voter. De là l’importance de multiplier
les efforts. Les enfants doivent réaliser et reconnaître dès
leur plus jeune âge la valeur de la femme, la mère. Les pères
aussi doivent bien traiter leurs filles et renforcer leur
estime de soi, afin de leur garantir plus tard le respect
de l’époux.
Malheureusement
dans notre société, les femmes se sont habituées à être marginalisées.
Certains courants religieux encouragent cette tendance.
Des progrès ont
certes été réalisés, mais nous aspirons à davantage, en particulier
dans le domaine de la participation politique. Les femmes
ne doivent pas rester en reste, elles doivent participer ...
De leur côté, le législateur, les partis politiques et les
responsables politiques doivent encourager la participation
politique des femmes ...
— D’après
vous, les problèmes des femmes dans le monde arabe sont-ils
d’ordre juridique ou plutôt social ?
— Les deux, je
crois. La culture, les coutumes et les traditions sont à l’origine
des lois et régissent en conséquence l’esprit et la conscience
du citoyen. Nous avons besoin d’un esprit et d’une pensée
innovatrice qui va libérer la femme de tous les préjugés qu’on
lui attribue.
— Le Conseil
national de la maternité et de l’enfance a été créé dans le
but de promouvoir la situation de la femme et de l’enfant
en Egypte. En quoi consistent les efforts déployés par le
conseil en vue de réaliser cet objectif ?
— La principale
mission du conseil consiste à promouvoir les droits de l’homme,
à entendre par là ceux des hommes, des femmes et des enfants.
C’est là que réside la nouveauté du conseil, de considérer
les femmes comme citoyennes à part entière ayant les mêmes
droits que les hommes, et d’accorder la même attention aux
enfants en luttant contre toutes les formes d’exploitation.
— Existe-t-il
une coopération réelle entre le conseil et les diverses institutions
gouvernementales ? Quelles en sont les manifestations ?
— Il existe naturellement
une coopération entre le conseil, les ministères et les organisations
civiles, qui sont autant de partenaires avec lesquels le conseil
travaille dans des projets communs.
— Comment
évaluez-vous l’expérience des Tribunaux de la famille en Egypte,
notamment en ce qui concerne les procès de divorce et de la
garde des enfants ?
— Le Conseil
a eu un rôle important dans la création des Tribunaux de la
famille. Nous avons pris soin de mettre en avant l’intérêt
de l’enfant, pas seulement celui des parents. Le tribunal
est appelé à tenir compte de l’avis de l’enfant et d’assurer
sa protection. Dans le même contexte, il était nécessaire
de faire en sorte que la procédure de divorce ne soit pas
mal vécue par les enfants, faute de quoi ils risqueraient
de se faire une mauvaise idée du mariage ou de leurs propres
parents.
Nous avons par
ailleurs participé à la formation de cadres (assistants sociaux,
psychiatres, etc.) travaillant dans ces nouveaux tribunaux
afin de mettre l’accent sur la dimension sociale. C’est précisément
là que réside la différence entre les Tribunaux de la famille
et les autres tribunaux.
Au début, certains
ont cru qu’il s’agissait d’un tribunal créé pour les femmes.
Ce n’est pas vrai. En effet, l’idée est de rapprocher les
positions des conjoints dans l’intérêt des enfants. Il s’agit
par ailleurs de simplifier les procédures juridiques afin
d’éviter de prolonger la souffrance des enfants.
— De nombreuses
critiques visent les conseils nationaux, dont le Conseil national
de la femme et celui de la maternité et de l’enfance. Certains
estiment que les activités de ces conseils se limitent à la
tenue de réunions et de conférences. Qu’en pensez-vous ?
— Je suis en
partie d’accord. Les réunions et les conférences signalent
l’existence d’un problème mais elles ne suffisent pas pour
le régler. Notre conseil ne procède pas de cette façon et
s’intéresse peu à la médiatisation de son travail. Au cours
des cinq dernières années, notre conseil a participé à la
construction de 446 écoles avec l’intention d’en construire
200 autres d’ici 2006. Sans parler de nos efforts pour faire
changer les idées reçues et les préjugés relatifs à l’éducation
et l’enseignement des filles et de notre travail contre le
phénomène des enfants de la rue. Nous sommes fiers de dire
que les Etats donateurs coopèrent avec nous et encouragent
nos efforts.
— Les enfants
au travail est une plaie pour l’Egypte. Comment se fait-il
que ce problème n’ait pas trouvé de solution jusqu’à présent
?
— Ce problème
est principalement lié à la pauvreté. Par ailleurs, il est
indispensable d’expliquer aux couches déshéritées l’importance
et la valeur de l’enseignement. Tant que les pauvres continueront
à croire que l’enseignement est une perte de temps, ils préféreront
trouver un travail à leurs enfants.
— L’excision
des filles reste une pratique répandue en Egypte, surtout
dans les petits villages. Quelles sont les solutions que vous
proposez à cet égard ?
— Ce problème
ne sera jamais résolu à travers la médecine ou la religion,
mais à travers des campagnes de sensibilisation et d’éducation
dans les petites communes.