Hebdomadaire égyptien en langue française en ligne chaque mercredi

L'Egypte

La Une
L'événement
Le dossier
L'enquête
Nulle part ailleurs
L'invité
L'Egypte
Affaires
Finances
Le monde en bref
Points de vue
Commentaire
d'Ibrahim Nafie

Carrefour
de Mohamed Salmawy

Portrait
Littérature
Livres
Arts
Sport
Environnement
Patrimoine
Loisirs
Echangez, écrivez
La vie mondaine
Education. Le portfolio, nouveau système appliqué par le ministère consistant à évaluer le niveau des élèves en se basant sur leur travail global et non plus uniquement sur les notes obtenues lors des examens, suscite la polémique.

L’examen a la vie dure

Adieu les examens, c’est désormais le « portfolio » qui permettra aux professeurs d’évaluer et aux élèves de s’évaluer. Ce nouveau système d’éducation est fondé sur l’évaluation continue des élèves en fonction de plusieurs critères, outre les examens écrits. Il est officiellement appliqué dans 30 % des écoles du pays depuis cette rentrée scolaire, en tant que phase expérimentale. Il concerne les première, deuxième et troisième années primaires. Très vite, le nouveau système a fait l’objet d’une vaste polémique, parents d’élèves, professeurs, élèves, médias, tout le monde ne parle plus que du portfolio.

Amine Mohamad, responsable au ministère de l’Education pour l’enseignement primaire et préparatoire, explique que les critères d’évaluation comprennent la participation en classe et aux activités, ainsi que la discipline. « Le système permettra de mieux évaluer la compréhension, l’intérêt et les aptitudes des élèves, affirme-t-il. Les notes seront ainsi réparties : les examens écrits représenteront 15 % des points totaux, l’examen oral et la participation en classe représenteront 15 %, et 15 % seront attribués en fonction de la participation aux différentes activités. Les 5 % restants seront réservés à la discipline », explique Amine Mohamad. Il ajoute que les meilleures notes obtenues au cours de l’année seront additionnées à celles des examens écrits de mi-année et de fin d’année. « Le but est de soulager les élèves de la pression des examens écrits, qui ont été jusqu’ici le seul moyen d’évaluation. Mais avec le portfolio, nous donnons aux élèves la chance de stimuler leur créativité », affirme le responsable.

Mais les avis divergent sur son efficacité. Rim, mère d’un élève en première primaire, se dit très satisfaite du système qui, selon elle, ne fait pas dépendre le sort des élèves d’un seul examen. « Parfois, l’enfant tombe malade et ne peut pas passer son examen ; il se trouve aussi que certains élèves sont faibles dans certaines disciplines et forts dans d’autres, l’ancien système d’évaluation était souvent injuste et inefficace », déplore-t-elle.

Quant à Hala, mère de deux enfants en première et en troisième années primaires, elle s’intéresse peu au genre de système adopté. Pour elle, tout ce qui compte, c’est de voir son fils réussir. « Avec cette nouvelle manière de comptabiliser les points, la réussite de mes enfants sera presque garantie et sans beaucoup de stress », se réjouit-elle.


Seul l’examen compte

Mais tout le monde ne voit pas l’affaire du même œil. Ola, mère d’une fille en première année, est choquée : sa fille venait à peine d’apprendre comment passer un examen, lire les questions, les comprendre et étudier. Sans les examens, personne ne saura évaluer son niveau, sauf son professeur qui se base sur son jugement personnel. « J’ai l’impression de vivre un cauchemar. Avant d’appliquer un tel système, il fallait d’abord alléger les programmes scolaires et assurer une formation spéciale aux professeurs, mais on a préféré commencer par la fin », dit-elle. Amine Mohamad rétorque en affirmant qu’environ 31 000 professeurs ont déjà reçu une formation et que 34 000 autres seront formés au nouveau système au prochain semestre. Le responsable du ministère estime que les gens doivent patienter un peu avant de juger cette nouvelle expérience.

« Nous avions demandé aux professeurs ayant reçu une formation d’expliquer le nouveau système, mais ce n’était pas du tout efficace, le temps nous a manqué », affirme Amira, responsable du cycle primaire dans une école de Madinet Nasr.

Les professeurs, quant à eux, estiment que la répartition des points sur plusieurs domaines ne leur permettra pas de se concentrer sur les programmes et leur fera perdre beaucoup de temps et d’efforts. « Je ne comprends pas exactement les règles de ce système, mais nous sommes obligés de l’appliquer », dit Wafaa, professeur de langue arabe.

Héba, mère d’une élève en troisième primaire qui parle au nom du Conseil des parents, estime que ce système est contradictoire : « D’un côté, le gouvernement affirme vouloir lutter contre les cours privés, et d’un autre côté, il établit un système garantissant davantage de pouvoir aux professeurs ». « D’ailleurs, comment noter des activités comme la composition des dessins décorant la classe alors que tout le monde sait que les enfants les font faire par leurs parents ou par des professionnels ? », se demande Héba, pour qui ce système soulève beaucoup d’interrogations.

Pour rester fidèle à l’ancienne méthode sans enfreindre les règlements, l’administration d’une école d’Héliopolis a trouvé un compromis : sur le papier, les professeurs remplissent les fiches d’évaluation de la manière voulue par le ministère ; entre eux, ils sont tous d’accord que c’est uniquement la note de l’examen qui compte. « Si on applique le nouveau système tel quel, il est vrai que les élèves obtiendront de meilleures notes, mais est-ce qu’ils auraient vraiment appris quelque chose ? », se demande la directrice de cette école.

Autant dire que les mentalités ne sont pas encore près de digérer un tel système .

Hanaa Al-Mekkawi

Retour au Sommaire

 
3 questions à
Hanane Hafez, professeur adjoint de la didactique du FLE (Français Langue Etrangère) à la faculté de pédagogie de l’Université de Aïn-Chams.

Al-Ahram Hebdo : Pensez-vous que le nouveau système du portfolio soit efficace ?

Hanane Hafez : En principe, ce système, qui d’ailleurs est appliqué dans plusieurs pays, vise à développer les diverses facultés des élèves et à les aider à développer leur propre créativité. Il a déjà fait ses preuves ailleurs.

— Comment peut-on l’appliquer ?

— Au départ, le ministère voulait travailler de concert avec les écoles, les élèves et les parents d’élèves. Le professeur devait repérer les points forts et les points faibles de ses élèves pour leur permettre de choisir les sujets sur lesquels ils aimeraient travailler. Le professeur devait également être en contact quasi permanent avec les parents d’élèves pour que, ensemble, ils participent au processus d’évaluation des enfants.

— Quels sont les premiers résultats de cette expérience après son application ?

— Je pense que le système appliqué est différent de celui que l’on avait annoncé en grande pompe, ceci pour plusieurs raisons. D’abord, les professeurs ne sont pas suffisamment formés. A la faculté de pédagogie, les étudiants, qui sont de futurs professeurs, n’étudient pas ce système dans leurs programmes. D’autre part, les critères d’évaluation sur lesquels les professeurs doivent se baser restent mal définis. Concernant la participation en classe, par exemple, comment peut-on lancer un débat dans des classes qui comptent parfois 60 ou 70 élèves, alors qu’il y a des programmes qui doivent être étudiés à temps ? .

Propos recueillis par H. M.
 

Pour les problèmes techniques contactez le webmaster

Adresse postale: Journal Al-Ahram Hebdo
Rue Al-Gaala, Le Caire - Egypte
Tél: (+202) 57 86 100
Fax: (+202) 57 82 631