Education.
Le portfolio, nouveau système appliqué par le ministère
consistant à évaluer le niveau des élèves en se basant
sur leur travail global et non plus uniquement sur les
notes obtenues lors des examens, suscite la polémique.
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L’examen
a la vie dure |
Adieu
les examens, c’est désormais le « portfolio » qui permettra
aux professeurs d’évaluer et aux élèves de s’évaluer.
Ce nouveau système d’éducation est fondé sur l’évaluation
continue des élèves en fonction de plusieurs critères,
outre les examens écrits. Il est officiellement appliqué
dans 30 % des écoles du pays depuis cette rentrée scolaire,
en tant que phase expérimentale. Il concerne les première,
deuxième et troisième années primaires. Très vite, le
nouveau système a fait l’objet d’une vaste polémique,
parents d’élèves, professeurs, élèves, médias, tout le
monde ne parle plus que du portfolio.
Amine
Mohamad, responsable au ministère de l’Education pour
l’enseignement primaire et préparatoire, explique que
les critères d’évaluation comprennent la participation
en classe et aux activités, ainsi que la discipline. «
Le système permettra de mieux évaluer la compréhension,
l’intérêt et les aptitudes des élèves, affirme-t-il. Les
notes seront ainsi réparties : les examens écrits représenteront
15 % des points totaux, l’examen oral et la participation
en classe représenteront 15 %, et 15 % seront attribués
en fonction de la participation aux différentes activités.
Les 5 % restants seront réservés à la discipline », explique
Amine Mohamad. Il ajoute que les meilleures notes obtenues
au cours de l’année seront additionnées à celles des examens
écrits de mi-année et de fin d’année. « Le but est de
soulager les élèves de la pression des examens écrits,
qui ont été jusqu’ici le seul moyen d’évaluation. Mais
avec le portfolio, nous donnons aux élèves la chance de
stimuler leur créativité », affirme le responsable.
Mais
les avis divergent sur son efficacité. Rim, mère d’un
élève en première primaire, se dit très satisfaite du
système qui, selon elle, ne fait pas dépendre le sort
des élèves d’un seul examen. « Parfois, l’enfant tombe
malade et ne peut pas passer son examen ; il se trouve
aussi que certains élèves sont faibles dans certaines
disciplines et forts dans d’autres, l’ancien système d’évaluation
était souvent injuste et inefficace », déplore-t-elle.
Quant
à Hala, mère de deux enfants en première et en troisième
années primaires, elle s’intéresse peu au genre de système
adopté. Pour elle, tout ce qui compte, c’est de voir son
fils réussir. « Avec cette nouvelle manière de comptabiliser
les points, la réussite de mes enfants sera presque garantie
et sans beaucoup de stress », se réjouit-elle. |
Seul
l’examen compte
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Mais
tout le monde ne voit pas l’affaire du même œil. Ola,
mère d’une fille en première année, est choquée : sa fille
venait à peine d’apprendre comment passer un examen, lire
les questions, les comprendre et étudier. Sans les examens,
personne ne saura évaluer son niveau, sauf son professeur
qui se base sur son jugement personnel. « J’ai l’impression
de vivre un cauchemar. Avant d’appliquer un tel système,
il fallait d’abord alléger les programmes scolaires et
assurer une formation spéciale aux professeurs, mais on
a préféré commencer par la fin », dit-elle. Amine Mohamad
rétorque en affirmant qu’environ 31 000 professeurs ont
déjà reçu une formation et que 34 000 autres seront formés
au nouveau système au prochain semestre. Le responsable
du ministère estime que les gens doivent patienter un
peu avant de juger cette nouvelle expérience.
«
Nous avions demandé aux professeurs ayant reçu une formation
d’expliquer le nouveau système, mais ce n’était pas du
tout efficace, le temps nous a manqué », affirme Amira,
responsable du cycle primaire dans une école de Madinet
Nasr.
Les
professeurs, quant à eux, estiment que la répartition
des points sur plusieurs domaines ne leur permettra pas
de se concentrer sur les programmes et leur fera perdre
beaucoup de temps et d’efforts. « Je ne comprends pas
exactement les règles de ce système, mais nous sommes
obligés de l’appliquer », dit Wafaa, professeur de langue
arabe.
Héba,
mère d’une élève en troisième primaire qui parle au nom
du Conseil des parents, estime que ce système est contradictoire
: « D’un côté, le gouvernement affirme vouloir lutter
contre les cours privés, et d’un autre côté, il établit
un système garantissant davantage de pouvoir aux professeurs
». « D’ailleurs, comment noter des activités comme la
composition des dessins décorant la classe alors que tout
le monde sait que les enfants les font faire par leurs
parents ou par des professionnels ? », se demande Héba,
pour qui ce système soulève beaucoup d’interrogations.
Pour
rester fidèle à l’ancienne méthode sans enfreindre les
règlements, l’administration d’une école d’Héliopolis
a trouvé un compromis : sur le papier, les professeurs
remplissent les fiches d’évaluation de la manière voulue
par le ministère ; entre eux, ils sont tous d’accord que
c’est uniquement la note de l’examen qui compte. « Si
on applique le nouveau système tel quel, il est vrai que
les élèves obtiendront de meilleures notes, mais est-ce
qu’ils auraient vraiment appris quelque chose ? », se
demande la directrice de cette école.
Autant
dire que les mentalités ne sont pas encore près de digérer
un tel système . |
Hanaa
Al-Mekkawi |
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3
questions à |
Hanane Hafez,
professeur adjoint de la didactique du FLE (Français Langue
Etrangère) à la faculté de pédagogie de l’Université de
Aïn-Chams. |
Al-Ahram Hebdo
: Pensez-vous que le nouveau système du portfolio soit
efficace ?
Hanane
Hafez : En
principe, ce système, qui d’ailleurs est appliqué dans
plusieurs pays, vise à développer les diverses facultés
des élèves et à les aider à développer leur propre créativité.
Il a déjà fait ses preuves ailleurs.
— Comment peut-on l’appliquer ?
— Au départ, le ministère
voulait travailler de concert avec les écoles, les élèves
et les parents d’élèves. Le professeur devait repérer
les points forts et les points faibles de ses élèves pour
leur permettre de choisir les sujets sur lesquels ils
aimeraient travailler. Le professeur devait également
être en contact quasi permanent avec les parents d’élèves
pour que, ensemble, ils participent au processus d’évaluation
des enfants.
— Quels sont les premiers
résultats de cette expérience après son application ?
— Je pense que le système
appliqué est différent de celui que l’on avait annoncé
en grande pompe, ceci pour plusieurs raisons. D’abord,
les professeurs ne sont pas suffisamment formés. A la
faculté de pédagogie, les étudiants, qui sont de futurs
professeurs, n’étudient pas ce système dans leurs programmes.
D’autre part, les critères d’évaluation sur lesquels les
professeurs doivent se baser restent mal définis. Concernant
la participation en classe, par exemple, comment peut-on
lancer un débat dans des classes qui comptent parfois
60 ou 70 élèves, alors qu’il y a des programmes qui doivent
être étudiés à temps ? .
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Propos
recueillis par H. M. |
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