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Pour un Etat religieux ou civil ?

Par Mohamed Salmawy
Le parti du Wafd présidé par Moustapha Al-Nahass s’était dressé contre la célébration du couronnement du roi Farouq à Al-Azhar. Par cette position, le Wafd a confirmé que l’Egypte était un Etat civil où il n’y avait pas de place au religieux. Aujourd’hui, 70 ans plus tard, l’Egypte s’est trouvée, lors des dernières législatives, confrontée à deux choix. Le premier est celui de l’Etat religieux, qui nous rappelle, à tort ou à raison, l’Iran ou l’Afghanistan. Le deuxième est celui d’un Etat gouverné par un parti disloqué sans aucune crédibilité et ne disposant d’aucun moyen pour nous conduire vers l’Etat moderne auquel nous aspirons.

Les dernières élections législatives ont révélé deux manières de traiter avec l’opinion. La première était représentée par le Parti au pouvoir et la seconde incarnée par les représentants de la tendance religieuse. Les procédés du Parti National Démocrate (PND, au pouvoir) ont compté sur les formations élitistes beaucoup plus que sur des bases populaires. Surtout que le courant religieux est descendu dans les rues et a interagi avec les foules. Ils ont construit des centres médicaux pour les gens et des mosquées dans les quartiers riches et ont présenté de l’aide aux démunis. Ceci sans compter la longue liste de services qui remonte à loin et qui n’est pas intervenue uniquement avec la saison des élections. Alors que les représentants du PND ont été absents des rues. Ces derniers se sont plus préoccupés des manœuvres partisanes internes, de la concurrence pour le membership des comités du parti et des positions de leadership. Et puisqu’en général on récolte ce qu’on sème, les voix de la première tendance se sont élevées, alors que l’hostilité vis-à-vis de la deuxième tendance a augmenté elle aussi avec la même force.

Toutefois, la vision que présente le courant religieux quant à l’avenir du pays n’incite pas à l’optimisme parce qu’elle ne s’attache pas de manière primordiale à rattraper le progrès du monde qui nous entoure et qui a fait un long parcours. Le procédé emprunté par le parti au pouvoir a prouvé qu’il est resté prisonnier des anciennes pratiques qui ont lassé les gens et qui ne reflètent aucune volonté de changement. Tout ce que le parti a réussi à faire pour soutenir ses candidats c’est le fait d’envoyer les forces de l’ordre — ce qui n’était pas de leurs prérogatives — pour interdire aux électeurs de remplir leur devoir. Pourtant, le PND a appelé à maintes reprises au droit au vote pour ancrer la pratique démocratique.

En réalité, tout ceci prouve que les responsables de ce parti ne connaissent toujours pas les moyens de traiter raisonnablement avec les nouvelles données, non seulement dans le monde qui nous entoure mais également à l’intérieur de notre société même. Ainsi, le parti a perdu sa crédibilité politique et les gens ont commencé à se chercher une alternative. L’interdiction aux électeurs de se rendre aux urnes a engendré une contre-réaction. Cette manière d’agir a empêché l’électeur ordinaire de voter alors que celui de la tendance religieuse s’est entêté et n’a pas quitté les lieux jusqu’au moment de déposer son bulletin.

D’autre part, ceci a reflété une mauvaise image de la responsabilité qu’assume le PND dans la pratique démocratique non seulement vis-à-vis des médias étrangers et des télévisions, mais également face au citoyen égyptien. Ce dernier s’est rendu compte que tout ce qui l’attachait au parti au pouvoir n’était pas sérieux, ce qui a accru son manque de confiance dans le parti.

Parmi les procédés vétustes utilisés prouvant le manque de maturité politique figure celui d’ignorer et ne pas avoir pris en considération la réalité existante. Nous avons auparavant longtemps débattu de la forte présence de la tendance religieuse dans la rue égyptienne, mais les cercles au pouvoir minimisaient toujours cette présence, voire ils avaient tendance de l’ignorer. Surpris par le contraire lors des élections, tout ce que les leaders du PND ont fait de mieux c’est d’empêcher les électeurs de voter. Et lorsque ces moyens stériles ont échoué, les dirigeants ont alors focalisé les médias sur les inconvénients de l’accession d’un tel courant au pouvoir. Ainsi, la télé a commencé à inviter des personnalités qui étaient interdites des écrans égyptiens, entamant ainsi une croisade féroce contre eux, ce qui peut, le cas échéant, entraîner une contre-réaction. Les gens alors commençaient à sympathiser avec cette nouvelle tendance, objet de tant de critiques de la part du PND.

Il y a, à ne pas en douter, beaucoup de dangers quant à l’arrivée d’une telle tendance au pouvoir dont le plus important serait le changement de la nature même de la vie des Egyptiens. Pour la première fois depuis des années, l’histoire égyptienne pourrait connaître cet Etat religieux qui est un phénomène étranger pour nous. Le calife a gouverné dans beaucoup de pays et n’a jamais pris l’Egypte comme centre. Lorsque le roi Farouq a essayé en 1936 d’organiser une cérémonie de couronnement à Al-Azhar, parce qu’il désirait le titre de calife, le Wafd, parti de la majorité de l’époque, a vivement contesté cela. Ce parti a compris la nature du peuple égyptien et de la vie politique bien plus que Farouq. Il s’est alors attaché à préserver le caractère civil du pouvoir. Ce qui n’était pas étrange pour un parti ayant réalisé l’unité nationale entre musulmans et coptes. Une des forces de ce peuple.

D’autre part, de nombreuses idées liées à la tendance religieuse expriment une régression intellectuelle non conforme au progrès ni à la construction d’un Etat moderne à laquelle nous aspirons. D’autant plus que les adeptes de ce courant ont métamorphosé la femme en un grand sac noir en lui couvrant les cheveux, le visage, et en faisant de sa voix un pêché. Ils sont allés encore plus loin en s’attaquant à la pensée, à la culture, à la musique, au cinéma, au théâtre et aux arts plastiques.

Mais quelles sont les forces qui peuvent affronter de telles idées ? Sont-elles les forces de sécurité qui ont empêché les citoyens de voter aux élections ? Ou bien est-ce le PND qui a donné ces directives ? La répression brutale ne met pas un terme à une pensée quelle que soit son arriération et quelle que soit la force de cette oppression. Il est évident que seules la culture et la pensée peuvent faire face à ces idées métaphysiques et arriérées. Ceci est avant tout la responsabilité de la société civile avec tous ses appareils culturels et ses associations. Cependant, ce sont les appareils de l’Etat qui ont longtemps opprimé et étouffé la voie de cette société civile en incarcérant certains de leurs dirigeants.

Nous mettons en garde, comme nous l’avons fait auparavant, contre le vide politique que le PND n’arrive pas à combler. Il explique en premier lieu l’ascension de ce courant religieux extrémiste qui recourt souvent à la violence et au terrorisme. Ce que représente ce courant à l’heure actuelle au Parlement n’est que le sommet de l’iceberg. Le courant religieux a présenté 125 candidats aux élections sur un total de 444. Il a remporté 88 sièges, soit plus de 70 % de leurs candidatures et 20 % du total. Le danger est qu’aucun parti d’opposition n’a pu parvenir à ce taux depuis des années.

Rappelons-nous que l’amendement de l’article 76 de la Constitution prévoit au moins 5 % des sièges du Parlement pour tout candidat présidentiel. Aujourd’hui, aucun parti d’opposition n’a obtenu ce taux, alors que le courant religieux a 4 fois plus que les taux requis.

Toutes ces réalités prouvent que le temps du divertissement est révolu et qu’il incombe à tous les partis de faire face à ces risques qui guettent la société et que le parti du Wafd a compris il y a 70 ans, lorsqu’il a refusé l’Etat religieux au profit de l’Etat civil .

 

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