Pour
la troisième année, PhotoCairo attire un public diversifié.
Cette exposition annuelle de la photographie repose sur l’idée
de rendre cet art accessible à tous et de le lier au quotidien.
Ainsi, des photographes de tout niveau, de l’amateur au photo-journaliste
professionnel, sont invités à y prendre part.
L’art de
la vidéo à travers PhotoCairo III est vraiment prépondérant,
beaucoup plus qu’aux éditions précédentes. C’est plutôt de la
photographie mouvante dont il s’agit cette année.
Face à l’installation
vidéo très expressive du Libanais Akram Zaatari, le spectateur
est invité à suivre les événements sur les deux écrans agencés
à droite et à gauche. L’écran à gauche projette le témoignage
poignant de Ali, un membre des milices libanaises qui ont dû
remettre leurs armes aux autorités vers 1991. Ali dépose également
un message, qu’il cache à l’intérieur d’un missile dans le jardin
de la maison où il a campé pendant les six dernières années.
Il y cherche à réconforter les propriétaires de la maison, leur
assurant qu’il a gardé un œil sur leurs affaires durant toutes
ces années. Sur l’écran à droite sont montrées des images où
l’on part à la recherche de cette lettre dans le jardin. Une
manière d’éprouver de la sympathie vis-à-vis de combattants
souvent montrés du doigt ?
Les images mouvantes
sont très parlantes. « Nous avons voulu prouver que l’expression
photographique est très diverse. Elle ne s’arrête pas à l’image
figée représentant un fait réel. Mais une caméra vidéo ose s’aventurer
plus loin, allant vers d’autres horizons », affirme l’artiste
Maha Maamoun, parmi les commissaires de l’exposition.
Les Suisses Giovanni
Carmine et Christoph Büchel abordent la propagande politique
américaine après le 11 septembre. Les artistes ont réussi à
rassembler sur le Web 120 tracts que les avions des forces américaines
ont jetés sur l’Iraq et l’Afghanistan, pour en faire un livre
intitulé La guerre psychologique après le 11 septembre. Ce livre
est distribué à la galerie Townhouse, accompagné d’une installation
vidéo, préparée par le ministère américain de la Défense. Celle-ci,
portant sur l’art des tracts, est composée de chaises et un
tableau. De quoi donner l’impression qu’on est dans un centre
d’entraînement américain.
Emily Jacir, née
à Bethléem et dotée d’un passeport américain, a réussi à se
déplacer parmi les enclaves de l’Autorité palestinienne. A travers
une installation de 32 photos, elle narre environ 30 sujets,
posant la même question à des Palestiniens exilés : « Que pourrais-je
faire pour vous en terre de Palestine ? ». La réponse donnait
lieu effectivement à des récits très divers.
Le Français Jean-Luc
Moulène est surtout préoccupé par le conflit israélo-palestinien.
Toujours irrésolu, celui-ci fait désormais partie du quotidien.
Pour l’exprimer, Moulène a eu recours à 48 objets palestiniens
qu’il place parmi tant de livres jetés par terre, dans une salle
du CIC (voir encadré). L’artiste met ainsi ces produits en vente,
pour ceux qui s’y intéressent. Et transmet un message frondeur,
mettant l’accent sur l’inutilité de ces produits aux yeux du
monde. Moulène a également choisi de filmer quelques-uns de
ces produits (pot de concentré de tomate, bouteille de fleurs
d’oranger), pour en faire des doubles. Une répétitivité allant
de pair avec la réalité palestinienne !
Si peu d’artistes
de PhotoCairo III ont recours à la photographie traditionnelle,
leurs œuvres ne manquent guère d’expressivité. Elles transmettent,
elles aussi, leur message politique. L’allégorique de la photo
renvoie à la place de cet art aujourd’hui, sur la scène artistique.
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