Après cette vente, si elle a lieu, le gouvernement
ne possédera donc plus d’actions dans le secteur du ciment,
dominé par un cartel de multinationales.
Le secteur du ciment est l’un des secteurs
les plus actifs en Egypte. Il regroupe 12 sociétés détenues
par des investisseurs locaux et étrangers (français, portugais,
mexicains et italiens). Grâce à la croissance historique qu’ont
connue les exportations du ciment égyptien en 2004 (11,7 millions
de tonnes, soit une croissance de 50 % par rapport à 2003),
la performance des sociétés du ciment a connu une amélioration
considérable au cours de l’année 2004. Et, face à la demande
croissante du marché international, la majorité des sociétés
égyptiennes productrices ont augmenté leur capacité de production
réelle à 100 %, faisant substantiellement accroître leurs revenus.
La production annuelle du ciment, qui a atteint 35,5 millions
de tonnes en 2004, excède déjà la consommation locale de plus
de 10 millions de tonnes, et cet excès est orienté vers l’exportation.
Leïla Al-Khawaga, économiste et membre au Conseil
consultatif, rappelle que les cimenteries publiques, qui représentaient
presque le tiers du marché jusqu’à 2004, constituaient un outil
dans les mains du gouvernement pour empêcher le cartel d’imposer
un prix élevé. Par exemple, l’ancien gouvernement gardait la
main haute sur certaines entreprises importantes, s’arrangeant
pour détenir plus de 50 % des actions. Ce qui n’est plus le
cas aujourd’hui. D’autant plus que le tout récent Organisme
de régulation du renforcement de la concurrence n’est pas encore
prêt à assumer cette tâche.
Al-Khawaga avertit : « Le ciment ainsi que
les engrais sont deux secteurs vitaux de l’économie que le gouvernement
ne doit pas céder totalement sans auparavant créer des assurances
contre le monopole ».
Rôle de régulateur des prix
Pourtant, Aymane Mohamad, porte-parole de la
Société holding des industries chimiques, reconnaît que la production
d’Al-Qawmiya, même si elle ne représente que 8 % du marché,
sert à équilibrer le marché. « Quand le prix monte, le gouvernement
impose qu’elle vende à un prix moins élevé, afin de menacer
les ventes des autres ». Or, ce rôle de régulateur représente
un fardeau énorme sur le budget de la société, car le chiffre
d’affaires (revenus des ventes) est souvent inférieur à ceux
des autres entreprises, qui ont la liberté de déterminer leurs
prix de vente. Par ailleurs, Mohamad estime que la vente de
cette société ne changera pas la structure du marché, vu la
petite part qu’elle représente. « Ni les trois sociétés qui
restent pour le moment dans le giron d’entreprises publiques
— Misr Béni-Souef, Misr Qéna et Sinaï — ne le pourront non plus,
leur part ne représentant environ que 3 % chacune », dit-il
en allusion à la mise en vente éventuelle de celles-ci.
Avis partagé par Neamatallah Choukri, analyste
financière au bureau de courtage Hussein Choukri Securities
(HC), qui assure que le cartel des compagnies étrangères du
ciment détient d’ores et déjà plus de 80 % du marché. « Ce sont
elles qui contrôlent les prix », rappelle-t-elle.
Or, Hossam Abou-Chamla, analyste au bureau
de courtage Dynamic Securities, rassure : « Le renforcement
de la position des sociétés étrangères dans le secteur du ciment
n’explique pas la hausse actuelle des prix ». Celle-ci est due
à la hausse de la demande régionale qui bat son plein, ce qui
provoquait une augmentation des prix même en présence du secteur
public. « Ce qui compte, c’est le rapport entre l’offre et la
demande », résume-t-il. Et d’ajouter qu’il ne faut pas s’inquiéter
de ce phénomène, qui devrait prendre fin. « Ces compagnies ne
peuvent pas orienter toutes leurs productions vers l’exportation
pour toujours. Elles auront aussitôt plusieurs concurrents régionaux
», explique-t-il. Par ailleurs, pour lui, cette hausse a une
limite. Car « si ces compagnies font monter les prix, cela réduira
la consommation locale et par la suite la performance financière
de ces compagnies ». Aymane Abdel-Hakim, entrepreneur, approuve
cette analyse. Il cite l’exemple du prix du ciment qui a récemment
baissé à cause de la baisse de la demande. « Il se vend actuellement
à 305 L.E. la tonne, contre 370 il y a quelques mois ». Et de
rappeler que par le passé, Al-Qawmiya n’avait pas réussi à faire
baisser les prix. N’empêche, selon lui, que l’impact de sa vente
dépend de la nature de l’acheteur. Il préconise alors de ne
pas le vendre à un seul investisseur, notamment s’il fait partie
du cartel.