Le mur israélien
de séparation |
Par
Mohamed Sid-Ahmed |
Personne
ne peut prétendre que le mur de sécurité que Sharon
est en train de construire en Cisjordanie est
temporaire. D’autant plus que son coût devrait
s’élever à un quart de milliard de dollars. Personne
ne peut prétendre également qu’il est érigé pour
des raisons purement sécuritaires et qu’il ne
comporte aucune dimension politique. Sharon n’a-t-il
pas menacé de changer la coalition au pouvoir
et substituer le Parti travailliste à deux partis
extrémistes de droite s’il s’oppose à ses plans
sur le démantèlement de 17 colonies juives dans
la bande de Gaza et de 3 autres en Cisjordanie ?
Des
responsables au Likoud ont déclaré que Sharon
a l’intention de demander au Conseil des ministres
et à la Knesset d’approuver ses plans même si
ceci lui coûterait de former un gouvernement d’unité
nationale ou de tenir des élections anticipées.
La presse israélienne a rapporté que Sharon demanderait
au Conseil des ministres de voter ses propositions
dans deux mois. Dans une interview accordée au
journal Yédiot Aharonot, Sharon a annoncé
qu’il n’est pas pressé de former une nouvelle
coalition mais qu’il n’a pas non plus l’intention
de rester « sous la merci des partis de
droite ».
Certains
dirigeants du Parti travailliste ont suggéré que
celui-ci est prêt à participer à un nouveau gouvernement
d’unité nationale présidé par Sharon. Le chef
du parti, Shimon Pérès, ne l’a pas déclaré ouvertement
mais s'est dit engagé à apporter le soutien de
son parti au plan d’évacuation des 17 colonies
à Gaza. |
Une manœuvre
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Sharon
a décrit sa décision d’évacuer toutes les colonies
juives à Gaza de « pénible »
mais inévitable pour défendre les intérêts fondamentaux
d'Israël. D’aucuns pensent pourtant qu’il s’agit
tout simplement d’une manœuvre pour détourner
les regards des scandales de corruption qu’éclaboussent
ses deux fils. D'autre part, Sharon a besoin de
redorer son blason auprès de Bush et de paraître
comme un politicien chevronné, crédible et capable
de l'aider à un moment critique où l’Administration
américaine est incapable de trouver des armes
de destruction massive en Iraq. Il lui était également
nécessaire d'empêcher une nouvelle ascension de
la gauche israélienne et d'avorter l'initiative
de Genève de Yossi Beilin et Yasser Abd Rabbo,
accueillie favorablement dans de nombreux milieux. |
Une visite à Washington
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Les
premiers ministres israélien Ariel Sharon et
palestinien Ahmad Qorei ont exprimé leur désir
de tenir une première rencontre pour relancer
le processus de paix. Mais cette rencontre pourra-t-elle
se tenir avant la prochaine visite de Sharon
à Washington ? Y a-t-il une issue pour
la question du mur ? Y aura-t-il un report
ne serait-ce que momentané de sa construction ?
Rappelons que Qorei a déclaré qu'il refusait
d'entamer des négociations avec Sharon avant
que celui-ci n'arrête la construction du mur.
Est-ce que Washington peut faire quelque chose ?
Et l'Egypte ?
Sharon
dit qu'il procédera à un retrait de Gaza s'il
s'avère que la Feuille de route a échoué. Certains
membres du Likoud pensent toujours que Sharon
n'est pas sérieux quand il parle de retrait
et que ses déclarations interviennent dans le
cadre d'une opération de relations publiques,
pas plus ! Yasser Arafat s'est demandé
avec ironie : « Sharon a-t-il décidé
d'éliminer les 17 colonies de Gaza pour les
remplacer par 170 autres en Cisjordanie ? ».
De fait, Sharon avait déjà fait une déclaration
qui va dans ce sens, où il a réclamé en contrepartie
d’une décolonisation de Gaza, de larges portions
de la Cisjordanie. La ligne que suit le mur
de sécurité en Cisjordanie avale de grandes
portions des territoires palestiniens. On sait
bien qu'en Cisjordanie, il y a 230 000
colons juifs dans 125 colonies. Alors qu'à Gaza,
il n'existe que 7 500 colons vivant sur
une petite superficie de terre qui donne sur
la mer et abrite 1,2 million de Palestiniens.
Dans une déclaration faite au journal israélien
Haaretz, Sharon a dit : « Il
faut être prêt à céder des territoires que nous
ne pouvons tenir dans un accord sur le statut
final, comme la bande de Gaza bondée au maximum
par des Palestiniens ». Ce que propose
Sharon, comme il l'a déclaré ouvertement, ne
sont donc pas des retraits mais des réimplantations.
Nous
devons savoir que les colons regardent Sharon
non sans suspicion. Ce, partant du fait que
c'est son parti, le Likoud, qui a démantelé
des colonies au Sinaï à la suite de la signature
du traité de paix avec l'Egypte. Sharon de son
côté voit en ces colons un fardeau sécuritaire
et une source de heurts. Sharon n'hésite pas
à confirmer qu'il prendra des mesures unilatérales
et qu'il imposera des frontières aux Palestiniens
si les efforts déployés afin de parvenir à un
règlement adapté à ses conditions ne progressent
pas. En tout cas, Sharon a affirmé qu'il ne
procédera à l’évacuation des colonies de Gaza
que s'il parvient à un accord avec les habitants
de ces colonies. Et s’il ne parvient pas à un
tel accord ?
Vu
ces évolutions, quel sera le sort de l'initiative
de Genève ? Les tenants de cette initiative
bénéficient du soutien de l'Union Européenne
(UE). Des porte-parole de l'UE ont dit que cette
initiative est complémentaire de la Feuille
de route. Mais le gouvernement Sharon s'y était
fermement opposé et Washington ne l'a pas soutenu.
Ensuite
est venu le mur de séparation dont la logique
est contraire à celle de l’initiative de Genève
et à celle d’autres phénomènes apparus récemment
dans la région : des réconciliations entre
la Syrie et la Turquie, l'Egypte et l'Iran,
la Libye et l'Occident, l'Inde et le Pakistan.
Même si ces réconciliations ne sont pas exemptes
de problèmes.
Laquelle
des deux logiques aura-t-elle le dessus :
celle du mur et de la rupture des relations
ou celle de la réconciliation ?
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Une
visite en Inde |
Par
Salama A. Salama
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Quelle
peut être la raison qui incite à visiter l'Inde
dans les circonstances actuelles ? Peut-être
le besoin de sortir du cadre restreint et étouffant
des préoccupations de notre monde arabe. Sans
oublier les pressions qui lui pèsent et qui ont
détourné les regards arabes, tout au long des
deux dernières décennies, vers l'Occident considéré
comme l'exemple à suivre. Visiter l'Inde découle
peut-être d'un désir de découvrir les expériences
asiatiques réussies dans le développement et le
progrès. Dans ce cadre, l'Inde est considéré comme
l'un des modèles à suivre. Il a pu briser le monopole
du capitalisme international, tout en occupant
une place privilégiée dans le domaine de la compétition
économique. Fait qui lui a valu un haut degré
d'autosuffisance dans les domaines de la production
de la nourriture, la science, la technologie et
les petites industries. Et ce sans devoir faire
des concessions sur sa souveraineté.
Or,
la réalité est qu'un large fossé sépare l'Inde
avec ses intérêts et sa politique du monde arabe.
Et ce malgré le fait que ce pays est plus proche
spirituellement, culturellement, historiquement
et confessionnellement du monde arabe que la Chine
par exemple. Plus encore, l'Inde est plus proche
de notre patrimoine que l'Europe et les Etats-Unis.
Cependant, nous avons complètement oublié cette
histoire commune. Et depuis les accords d'Oslo
et même avant, depuis l’accord de Camp David en
1978, une régression mystérieuse et incompréhensible
a perturbé les relations égypto-indiennes. Nous
avons négligé les anciens liens avec des pays
qui nous offraient auparavant un fort soutien
à de nombreuses causes en tête desquelles le conflit
arabo-israélien. Des pays comme l'Inde et l'Indonésie
figurent sur cette liste.
Peut-être
la Chine était-elle l'exception à la règle. Cette
dernière a effectivement tenu à préserver le minimum
requis dans ses relations avec les Arabes, et
plus particulièrement avec l'Egypte. Pourquoi
donc l'Inde est-il tombé de nos calculs ?
La Chine par exemple a établi des relations avec
Israël à l'instar de l'Inde. Cependant, nous avons
suivi de près l’évolution des relations indo-israéliennes
sans tenter en contrepartie d'enrichir les relations
économiques et politiques égypto-indiennes. Nous
n'avons même pas essayé de donner à ce pays son
véritable poids, malgré le fait qu'il occupe la
deuxième place dans le monde après la Chine au
niveau démographique. Sans oublier qu’il y vive
la plus importante minorité musulmane dans le
monde (140 millions de personnes) qui constitue
l'élément central de la nation indienne composée
de différentes races, langues et religions.
Reste
à dire que l'Inde, malgré un fort taux de pauvreté
et de sous-développement, se fraie un chemin parmi
les grands pays. Ceci tient non seulement à l'énorme
force humaine qu'elle recèle, mais également à
ses capacités nucléaire, militaire, technologique
et économique. Des capacités qui s’appuient sur
l'un des régimes démocratiques les plus stables
et respectés du monde. D’où l’importance de ma
visite en Inde.
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