Aucune
partie arabe ou internationale ne pourra aider le peuple
palestinien tant que les dirigeants de l’Autorité nationale
et les factions ne se mettent pas d’accord sur une position
ou un programme commun. Les ministres égyptiens Ahmad
Aboul-Gheit et Omar Soliman ne pourront faire grand-chose
sans cet accord lors de leur visite en Israël prévue
le 11 novembre prochain. Elle intervient à un moment
critique pour l’avenir de la cause palestinienne alors
que Sharon a déclenché le compte à rebours de l’exécution
de son plan unilatéral de retrait de Gaza.
Par ce
plan, Sharon veut déterminer à lui seul, sans négociations
ni discussions, les régions qu’il laisserait aux Palestiniens.
Il semble clair qu’il a l’intention de garder la plus
grande partie de la Cisjordanie en contrepartie de son
retrait de la bande de Gaza.
Nous savions
tout ça avant la lecture du texte du plan dernièrement
présenté à la Knesset. Cependant, ce texte a révélé
que les dangers menaçant les Palestiniens étaient beaucoup
plus graves que prévu. En conséquence, la persistance
des différends entre les Palestiniens sur l’évaluation
de ce plan relève d’un luxe inutile ou d’irresponsabilité.
De plus, le fait que certains dirigeants fassent croire
que ce plan signifie que Sharon fuit le secteur de Gaza,
exactement comme Barak a fui le Sud-Liban en mai 2000,
relève de la supercherie.
La différence
est grande entre ce qui s’est passé au Sud-Liban et
ce qui se déroule dans les territoires occupés. Il n’y
a aucun point de ressemblance entre la position de Sharon
aujourd’hui, qui est en pleine maîtrise de la situation
politique et militaire, et la position de Barak il y
a plus de 4 ans lorsque la résistance libanaise a pris
le dessus et a mené une guérilla organisée qui a causé
de sérieuses pertes dans les rangs des forces d’occupation.
De plus, il est erroné d’effectuer une comparaison entre
une région sans importance pour la stratégie israélienne
et une autre, la Palestine, qui est au cœur de l’idéologie
sioniste.
Certes,
Gaza n’a pas pour Israël l’importance de la Cisjordanie.
Ce secteur a constitué un fardeau pour l’occupation
depuis 1967. Mais il est aussi vrai que le bilan des
affrontements entre l’occupation et la résistance à
Gaza ne peut pousser Sharon à la fuite. Au contraire,
elle lui donne une occasion historique de leurrer l’opinion
mondiale en faisant croire qu’il consent à une grande
concession en se retirant de Gaza et qu’il mérite d’être
remercié pour des concessions pareilles en Cisjordanie.
C’est là
l’essence même de son plan tel qu’il est apparu dans
le préambule rédigé avec grand soin à la lumière des
rapports de force politiques israéliens. On y lit :
« Dans tout règlement futur, il n’y aura pas d’implantation
israélienne dans le secteur de Gaza, mais en contrepartie,
il restera en Cisjordanie des régions qui constitueront
des parties d’Israël. Israël s’y assurera des blocs
d’implantations juives, des bourgs, des zones de sécurité
et des régions où il possède d’autres intérêts ».
Que restera-t-il
donc de la Cisjordanie une fois que Sharon aura procédé
à ce morcellement en contrepartie de son retrait de
Gaza ? Ceci sans oublier que le plan tel que présenté
ne prévoit pas le retrait de tout le secteur de Gaza.
C’est là la question à partir de laquelle doit être
lancé un dialogue interpalestinien sérieux et responsable
pour parvenir à un consensus et taire les allégations
selon lesquelles le retrait unilatéral est une victoire
pour la résistance et l’Intifada. En effet, le plan
de Sharon ne s’est pas contenté de troquer la Cisjordanie
contre le secteur de Gaza, il entend imposer un blocus
total de ce secteur, le transformant en une grande prison.
Après avoir confirmé qu’il n’y aura aucune présence
israélienne fixe pour garantir la sécurité de Gaza,
Sharon vient de signaler qu’après le retrait, Israël
supervisera et gardera toutes les entrées et sorties
du secteur. Il dominera entièrement son espace aérien
et y poursuivra ses activités militaires. De plus, il
se garde le droit à l’autodéfense contre les menaces
émanant du secteur.
Certains
cadres palestiniens considéreront ce droit comme une
grande victoire au lieu de penser à parvenir à un consensus
général palestinien autour de la manière de faire face
à cette catastrophe. Celle-ci réside dans le scénario
du mini-Etat des cantons limité au secteur de Gaza privé
de sa partie nord et avec l’absence de tout lien géographique
avec les cantons dispersés au nord de la Cisjordanie.
Le seul
moyen de faire face à ce scénario noir est de mettre
au point une initiative palestinienne ferme et claire.
Les factions mandateront l’Autorité palestinienne pour
mettre fin aux opérations armées et à composer une délégation
qui s’entretiendrait avec le Quartette. Elle confirmerait
sa disposition à reprendre les négociations conformément
à la Feuille de route et à exécuter les engagements
de la partie palestinienne.
Sharon
a réussi à convaincre la communauté internationale représentée
par le Quartette qu’il n’y avait pas de partenaire palestinien
avec lequel il pouvait négocier et que les Palestiniens
étaient incapables de se mettre d’accord sur une stratégie
conjointe et que ce sont les factions fondamentalistes
qui déterminaient le calendrier palestinien. Sharon
en déduit donc qu’il est obligé de commencer un plan
pacifique unilatéral jusqu’à ce que la situation palestinienne
actuelle change.
Vu le vide
politique résultant du gel de la Feuille de route, le
Quartette se trouvera obligé d’accepter le plan de Sharon
en le considérant comme conforme à la Feuille de route.
Cette situation qui prédit une catastrophe ne peut changer
que si les Palestiniens s’avancent pour remplir le vide
politique en déclarant une initiative de suspension
des opérations armées et la disposition de reprendre
les négociations. Il n’y a pas d’inconvénient à ce qu’il
y ait des différends entre les factions et que ces différends
soient exprimés mais l’essentiel est qu’ils n’entravent
pas l’initiative. Il est important que le monde entende
toutes les voix palestiniennes. De même qu’il est important
que les Palestiniens ne laissent pas la communauté internationale
se préoccuper uniquement des différends à l’intérieur
d’Israël autour du plan de Sharon. Les Palestiniens
ont le droit d’avoir des désaccords, mais ils doivent
être à la hauteur des responsabilités et respecter les
intérêts nationaux.
La mission
que doivent assumer aujourd’hui les Palestiniens est
d’arracher l’initiative des mains de Sharon pour avorter
son plan diabolique dont le compte à rebours commencera
en mars prochain après une série d’attaques barbares
dans le secteur de Gaza. En effet, Sharon ne veut commencer
le retrait de ses forces qu’après que les bulldozers
auront anéanti totalement le secteur de Gaza.
La situation
palestinienne est beaucoup trop dangereuse pour la laisser
au gré des intérêts étroits de telle ou telle faction.
Les Palestiniens doivent s’élever au niveau des responsabilités
historiques de manière à contribuer à la réussite de
l’action égyptienne qui tente d’avorter le plan de Sharon
et de relancer le plan de la Feuille de route.