Musée
. Le sabil Mohamad Ali, dans le quartier d’Al-Azhar,
va regrouper une collection impressionnante
de tous genres de textiles islamiques des
différentes périodes. |
La
caverne des étoffes |
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La
collection de textiles et de tapis du musée
d’art islamique du Caire sera bientôt transférée
vers un nouveau musée. Il s’agit du musée
des textiles islamiques qui sera prochainement
inauguré dans le sabil Mohamad Ali, à Nahassine,
dans le quartier d’Al-Azhar. Jusqu’ici, les
textiles, témoins de la vie quotidienne et
populaire, ont été bien négligés. « Il fallait
beaucoup de ténacité, d’opiniâtreté et surtout
d’amour, pour consacrer aux textiles un tel
musée en Egypte qui sera unique, pédagogique
et évolutif à la fois. Présenter ces pièces
rares, de provenances multiples, comme on
le fait pour des tableaux ou des sculptures,
était une gageure. Le musée sera sans doute
l’un des plus impressionnants d’Egypte. Il
propose textiles et tapisseries permettant
la compréhension d’un aspect essentiel de
l’art islamique », estime Aymane Abdel-Monein,
directeur du projet de l’établissement de
ce musée. Le sabil Mohamad Ali, qui accueillera
ce nouveau musée, est situé au cœur du Caire
islamique, à Nahassinne. L’idée de la transformation
de ce sabil en musée entre dans le cadre d’un
grand projet visant à la réutilisation des
sabils restaurés au Caire islamique plutôt
que de les abandonner vides.
Les
pièces du nouveau musée proviennent soit du
musée de l’art islamique, soit des dépôts
du Conseil Suprême des Antiquités (CSA). Souvent
fragmentaires (tapis, nattes, tricots, vêtements),
les pièces ont gardé leur fraîcheur et leur
beauté. Elles témoignent de la maîtrise technique
exceptionnelle, du raffinement et de la sûreté
de goût auxquels étaient parvenus les tisserands
des plus célèbres ateliers égyptiens. Les
pièces exposées, dont la plupart date de la
période fatimide, remontent au VIIIe siècle
et jusqu’au XVe siècle. La très grande richesse
en pièces fatimides est révélatrice de l’abondance
et de la qualité de la production textile
de l’Egypte fatimide (voir encadré). « Les
fouilles archéologiques ont livré une grande
quantité de fragments de tissus fatimides
: toiles de lin ou de coton, unies, écrues
ou bleues, rayées ou quadrillées de bleu,
toiles de laine unies ou façonnées, et des
tricots en jacquard. Le style de décor et
la calligraphie variaient selon les ateliers
et les califes successifs. C’est le règne
d’Al-Mostanser (1031-1094) qui a fourni le
plus grand nombre de pièces qui figurent aussi
parmi
les plus belles », indique Mohamad Abbass,
directeur du Musée des textiles qui prépare
sa thèse de doctorat sur les textiles islamiques.
Les
pièces triées ont été bien nettoyées et restaurées
avec le plus grand soin, à l’aide des méthodes
les plus modernes.
Les
motifs, joliment dessinés, sont d’une très
grande élégance. Les couleurs éclatantes des
pièces qui seront exposées attirent les regards.
Les tapis, quant à eux, sont de véritables
tableaux polychromes. Le musée souligne l’originalité
des styles et des thèmes islamiques. « L’art
islamique s’est écarté de toute figuration
humaine qui est interdite par le Coran. Cette
tendance de l’abstraction de l’art islamique
tend à préférer des éléments schématiques
empruntés à la nature, que ce soit de formes
fondées sur la géométrie ou des écritures
», souligne Mohamad Abbass. |
Un
musée éducatif et évolutif
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Le
nouveau musée exprime un savoir-faire des
origines de la fabrication des textiles encore
vivant dans de nombreux centres du monde islamique
comme au Maroc et en Syrie. Le musée aura
de même un rôle éducatif. Chaque salle donne
au visiteur toutes les informations possibles
sur l’industrie des textiles dans le monde
islamique et son développement. « Un catalogue
du musée est en cours de publication ainsi
qu’un livre spécialisé en textiles islamiques
et dans les centres principaux de leur commerce
», explique Aymane Abdel-Moneim.
Bien
que toutes les pièces soient prêtes et que
le musée soit sur le point d’être inauguré,
une nouvelle idée a surgi : celle de faire
de ce musée une présentation de toute l’histoire
des textiles en Egypte depuis la période pharaonique
jusqu’aux temps modernes. « Le ministre de
la Culture pense à élargir le musée de manière
à introduire les textiles à travers toutes
les époques : pharaonique, copte et islamique.
L’appellation du musée sera alors changée
pour convenir à l’élargissement de son thème.
Il s’agirait tout simplement du musée des
textiles égyptiens », annonce Aymane Abdel-Moneim
Idée
qui a peu d’intérêt pour plusieurs spécialistes,
d’autant plus que la surface du musée est
restreinte et ne peut contenir les textiles
de toutes les époques. Le fait que le sabil
Mohamad Ali se trouve dans Le Caire fatimide
correspond parfaitement au contenu du Musée
des textiles islamiques. |
Amira
Samir |
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La
garde-robe du calife |
Les
textiles jouaient un rôle essentiel dans l’Egypte
fatimide. Grâce à ce genre de commerce, le
pays accumulait de grandes quantités d’or. |
Les
historiens accordent une importance particulière
aux étoffes et aux vêtements de l’époque fatimide.
Les textiles étaient non seulement éléments
de parure, signe extérieur de la hiérarchie
sociale, mais aussi et surtout comme manifestation
du pouvoir et de la magnificence des califes
et des princes. Grâce au commerce du textile
à cette époque, l’Egypte devait accumuler
et enrichir sa trésorerie de grandes quantités
d’or. « La fabrication et la commercialisation
des textiles relevaient du calife qui en avait
le monopole, équivalent à celui de la frappe
des monnaies. Une administration très complexe
et hiérarchisée présidait à la création des
étoffes et en contrôlait la confection jusqu’à
l’emballage », souligne Leïla Mahmoud, experte
en art islamique.
Les
ateliers d’Etat dans lesquels étaient fabriquées
les étoffes s’appelaient tiraz, mot persan
signifiant broderie. Chacun des grands centres
de textiles avait un tiraz privé et un autre
public. La production du premier était réservée
à l’usage exclusif du calife, pour la confection
de ses vêtements et des décors de son palais,
ou des pièces qu’il offrait aux grands personnages.
Quant au tiraz public, il était destiné à
la fabrication des textiles destinés à l’usage
local et aussi pour l’exportation vers l’Empire
byzantin et les Etats voisins, et cela se
déroulait toujours sous le contrôle du calife.
Le
tiraz comptait un grand nombre de fonctionnaires.
Il avait à sa tête un maître, choisi parmi
les plus hauts dignitaires de la cour. Il
s’agissait là d’une des positions les plus
importantes et les mieux payées au pays. Le
célèbre historien arabe Al-Maqrizi décrit
quelques aspects de la vie d’un chef du tiraz
de la fin du XIe siècle : « Une résidence
officielle lui était réservée dans chaque
localité où existait un atelier de tiraz.
Il avait 100 hommes sous ses ordres pour y
faire exécuter les commandes. Quand il venait
au Caire pour livrer les réquisitions royales,
vêtements de luxe et ornements pour la prière
du vendredi, une monture du calife était mise
à sa disposition. Il était logé dans un belvédère
du calife comme les hôtes de marque et les
ambassadeurs ».
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Dons
de tissus et de vêtements
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«
Quand arrivait le moment de changer les vêtements
d’été pour ceux d’hiver, on envoyait un ballot
de vêtements prélevé de la garde-robe du calife,
aux femmes et aux enfants du calife, et à
chacun des membres de son entourage selon
son rang », raconte Leïla Mahmoud. Outre la
mention de ces distributions saisonnières
aux familiers du calife, les textes fourmillent
d’exemples de dons d’étoffes et de vêtements
à titre individuel. Ces dons d’étoffes et
de vêtements intervenaient directement dans
l’administration et le gouvernement, comme
récompenses pour les services rendus ou comme
cadeaux diplomatiques. « Les bénéficiaires
vont depuis le calife et sa famille et les
plus hauts dignitaires militaires et civils
nommément désignés, jusqu’aux veilleurs de
nuit, en passant par les intendants, les médecins,
sans oublier les ambassadeurs étrangers qui
recevaient chacun un costume complet à décor
de fil d’or ».
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Des
châteaux en étoffe
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Si
le principal effort de l’industrie textile
islamique est porté sur la production des
tissus servant au vêtement, le volume des
étoffes destinés au mobilier est, lui aussi,
fort important et participe étroitement à
l’économie de l’Etat. Bien des tentures et
des tissus ont probablement été réalisés dans
les ateliers de tiraz. En fait, dans maintes
occasions, les califes délaissaient volontiers
leurs palais de pierre pour de véritables
châteaux de toile, faits de tentes somptueuses.
Cette coutume de constructions de toile se
maintiendra jusqu’à l’époque ottomane.
«
Dans le monde arabe du Moyen-Age, le mobilier
textile joue un rôle d’autant plus important
qu’il comporte une fonction culturelle : par
l’usage du tapis de prière notamment, celle-ci
va contribuer à son importance et à son développement.
Tentures, nattes, tapis de palais et de mosquées
participent à la création d’un univers textile
indispensable à la société musulmane du Moyen-Age.
Attestée par de nombreux chroniqueurs orientaux,
cette abondance établit la prééminence des
étoffes dans le monde musulman. Celles-ci
seront source de fascination pour l’Occident,
qui ne goûtera ce luxe que bien plus tardivement,
grâce à l’essor de son artisanat et des échanges
commerciaux avec l’Orient », explique Joëlle
Lemaistre, directrice du musée de l’Institut
du Monde Arabe (IMA) de Paris. Les étoffes
et les draperies, qui décoraient les mosquées
et les autres édifices islamiques, étaient
placées tant à l’intérieur qu’à l’extérieur
des bâtiments. La première utilisation de
ce type concerne la couverture de la Kaaba
de La Mecque, qui fut revêtue, dès l’époque
des premiers califes, d’étoffes précieuses.
Le
tapis, quant à lui, est une pièce essentielle
du mobilier, il servait aussi bien de siège
que de lit. Placé sur une estrade et complété
par des coussins, il constituait un salon.
« Les textes découverts nous permettent d’imaginer
l’ampleur et la richesse du mobilier textile
chez les Arabes au Moyen-Age, car bien rares
et pauvres sont les fragments qui nous sont
parvenus », souligne Joëlle Lemaistre.
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A.
S. |
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