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Chant religieux . L’album de Sami Yusuf, Al-Moallem (Le Maître), fait un tabac depuis sa sortie en Egypte. Ce jeune musulman de Grande-Bretagne fait l’éloge du prophète Mohamad, accompagné de percussions et dans un anglais parfait.

L’apologie du maître

La manière de transcrire son nom en un seul mot « samiyusuf » sur la jaquette de l’album, telle une adresse électronique, n’est pas sans rapport avec la culture qu’il représente. Le jeune interprète de chants religieux, dont la première cassette Al-Moallem (Le Maître) est très prisée sur le marché, est un phénomène socioculturel plus qu’un phénomène vocal. Il possède certes une voix douce et spirituelle, fidèle à la réputation de ses ancêtres persans, mais ce n’est pas là que le bât blesse. Car ce jeune musulman d’Angleterre de 24 ans est un disciple du prédicateur égyptien de renom Amr Khaled, installé ces derniers temps en Grande-Bretagne, après avoir eu des démêlés avec les autorités. L’information est accessible sur le Net, notamment à travers les divers forums de discussion islamiques, où l’on ne cesse d’évoquer le succès de l’album, les paroles des chants en question, leur traduction vers l’arabe et la biographie de l’interprète. Les sondages pleuvent dans tous les sens pour savoir ce que les gens pensent de Sami Yusuf. Et les avis varient : « J’aime son travail. Il est talentueux mais ne mérite pas autant d’intérêt ; C’est un homme idéal qui vaut beaucoup plus ; Il a vivifié ou modernisé la tradition du chant religieux ; Il dégage une sérénité, l’espoir d’un monde plus paisible ; Il n’a pas l’authenticité des maîtres soufis, son genre étant un peu hybride ». Et ainsi de suite, à l’infini. D’ailleurs, son distributeur en Egypte, la société El Noor, spécialisée dans le champ religieux, s’en vante. Interrogé sur le chiffre de vente et les recettes enregistrées par la cassette, le représentant de la société, tout confiant, se refuse de donner une évaluation et se contente de mentionner qu’au cours de trois semaines de vente, l’album a battu tous les records. « Vous pouvez le vérifier sur la Toile. Le feed-back est excellent », dit-il. Et justement sur la Toile, une boîte de pandore s’ouvre, avec les noms d’une multitude d’interprètes de nachids, cette forme musicale populaire où l’on fait l’éloge du prophète et glorifie Allah. On mentionne alors des maîtres du genre très en vogue tels Yusuf Islam, Ahmad Bukhatir et Dawud Wharnsby Ali, qui s’inscrivent tous dans la tradition du nachid, à l’instar de Sami Yusuf. Tous à peu près appartiennent à un islam européen ou occidental et aux jeunes immigrés à qui la religion constitue une référence culturelle et éthique. D’où l’emploi du mot « nachid » au lieu du terme courant « inchad » souvent d’usage en Egypte.


Héritage familial et culturel

Sami Yusuf en est devenu la star incontestée en un court laps de temps, après le lancement de son album en Europe, l’été 2003. Pour lui aussi, l’islam fait partie d’un héritage familial et culturel, en même temps que la musique. Son père étant un compositeur et poète originaire d’Azerbaïdjan, Sami est très familier avec la musique modale (makkam) de la région. Cela se ressent à travers les huit pistes de son album Al-Moallem, imprégné d’influences persanes, arabes et azerbaïdjanaises. Les deux chants les plus écoutés, Allahu et Ya Mustafa, sont en effet des célèbres chants de qawwal remixés. (Ndlr : le qawwal est un amalgame de plusieurs types de musiques, répandus au Pakistan). De peur de distraire son auditeur et par volonté d’éviter la polémique du licite et de l’illicite en musique, le jeune interprète et compositeur a opté pour les percussions, souvent permises par les théologiens. Ainsi, jeux vocaux et chœur s’articulent autour d’une assise rythmique à base de tabla indien, de dofs (persan, kurde et arabe), de tambours africains, marimba ou tombak (instrument persan à percussions). Il y a sans doute le reflet de cette culture caractérisée par la synthèse de l’Inde et de la Perse. Toutefois, sa manière de chanter les qawwals en anglais a quelque chose de plus moderne et moins authentique. Ce n’est plus dans le style du maître soufi pakistanais Nusrat Fateh Ali Khan mais dans celui d’un jeune musulman d’Europe de 24 ans qui balbutie à peine quelques mots en arabe et qui a obtenu à 18 ans une bourse d’étude à la prestigieuse Royal Academy of Music. Sa musique métissée revendique en effet plusieurs identités, à l’heure d’une culture mondialisée et d’un islam souvent montré du doigt. L’heure de réinventer la tradition. Sami Yusuf s’adresse à ses fans, expliquant l’idée de la jaquette de son tube : « La lumière du message du prophète — notre maître à tous — éclaircit l’obscurité de la nuit ». Cela répond en effet à cette tendance que l’on a actuellement dans le monde musulman visant à connecter l’état présent du déclin au référent des premiers temps de l’islam, associé à une phase d’expansion et de certitude. L’album n’est évidemment qu’un aspect d’une réislamisation face aux bouleversements en cours. Mais cette tendance sort du cadre des petits médias de trottoir pour être vulgarisée à grande échelle.

Dalia Chams

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