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Prêts à aider malgré leur handicap…

Dina Bakr , Lundi, 20 mars 2023

De plus en plus, des personnes en situation de handicap s’engagent au sein des réseaux caritatifs et bénévoles. Focus.

Prêts à aider malgré leur handicap…

« C’est un élixir qui me permet de résister à la dépression. Une source de joie incontournable ». Ainsi décrivait Héba Yousri, 39 ans, sa passion pour le bénévolat. Aider les autres lui a permis de gérer son handicap, une déficience auditive qui s’est dégradée jusqu’à perdre l’ouïe. Mieux encore. Son handicap lui permet de mieux comprendre et d’interagir avec ses homologues, ainsi que d’expliquer, le plus souvent aux parents, le monde dans lequel évoluent les enfants sourds.

Héba raconte qu’elle a complètement perdu l’ouïe en même temps que son métier de professeure de maternelle. Elle s’est alors retrouvée complètement isolée malgré elle. « J’avais besoin d’élargir mon réseau de connaissances afin de connaître des personnes qui ont des conditions semblables à la mienne ». Elle rejoint Sotak Wanass, « une initiative fondée par des jeunes souffrant de déficience auditive », affirme Héba. Entre-temps, elle avait déjà fait un implant cochléaire. Elle a enlevé le voile pour laisser apparaître son implant et envoyer ainsi un message aux parents des enfants malentendants. Leurs bambins eux aussi peuvent mener une vie normale. Elle voulait susciter la curiosité des gens, afin qu’ils sachent ce qu’est un malentendant.

15 000 bénévoles dans 25 gouvernorats

« Avec mon adhésion à l’association Nidä (appel), une des plus importantes Organisations Non Gouvernementales (ONG) qui aident les sourds-muets, j’ai beaucoup appris et je continue d’apprendre. Je rêve de devenir un jour influente et de faciliter la vie des malentendants », poursuit-elle. Comme des milliers d’autres personnes ayant un handicap, Héba Yousri tente de retrouver le travail. Selon les chiffres du ministère de la Solidarité sociale, l’Egypte comptait en 2021 environ 13 millions de personnes ayant un handicap, soit 12,7 % de la population. Fondée en 2002, c’est l’ONG Sonnaa Al-Hayat (les faiseurs de la vie) qui a été la première, en 2014, à prendre des mesures incitant à l’emploi des personnes en situation de handicap au sein des associations bénévoles. Depuis, elle travaille avec une équipe mixte sur différents projets de développement. « Nous avons un réseau de 15 000 bénévoles répartis sur 25 gouvernorats. Le nombre de personnes en situation de handicap va de 5 à 10 %. Nous voulons inclure à notre projet tout type d’individu, homme ou femme, provenant de la ville ou d’un village, valide ou en situation de handicap », explique Ahmed Imam, vice-président de l’association bénévole Sonnaa Al- Hayat. Il ajoute que les personnes en situation de handicap sont une partie indissociable de la société, et elles ont un rôle à jouer. « La participation des personnes en situation de handicap en tant que bénévoles renforce la portée de notre action », souligne Imam.

En Egypte, deux ministères s’occupent du suivi des personnes en situation de handicap dans le cadre des associations bénévoles : le ministère de la Solidarité sociale et celui de la Jeunesse et du Sport. D’après Mohamad Fawzi, porte-parole du ministère de la Jeunesse et du Sport, les personnes bénévoles qui sont en situation de handicap sont présentes dans tous les programmes du ministère. « Le ministère consacre un bureau aux personnes en situation de handicap dans tous les gouvernorats, afin de permettre une intégration plus forte dans le domaine associatif », dit-il. L’objectif de la participation des bénévoles aux oeuvres caritatives est d’offrir à ces personnes plus d’émancipation dans la société tout en répondant aux attentes des demandeurs. Les bénévoles veulent faire bouger les stéréotypes et briser l’isolement des personnes ayant un handicap. « Je souhaite aider les personnes en situation de handicap à adopter une activité bénévole. Il faudrait que les ministères réservent au moins 5 % de leurs emplois aux personnes en situation de handicap », révèle Moustapha Taha, 25 ans, étudiant à la faculté de polytechnique, bénévole et souffrant de déficience auditive. Il compte bien lui aussi présider une ONG dédiée au travail caritatif des personnes en situation de handicap. D’autres encore se lancent dans la vie associative avec en tête l’envie de briser les tabous et de sensibiliser les autres. « Nous ne formons pas un ensemble homogène. Les moyens de s’intégrer et de communiquer avec le monde extérieur restent, au final, très variés. Au sein de la déficience auditive elle-même, il existe des niveaux allant de léger à sévère. D’ailleurs, l’accommodation avec la cochléaire n’est pas facile », explique Héba, qui décrypte tant bien que mal les sons de son nouvel appareil auquel elle n’est pas encore tout à fait accommodée.

Des activités multiples

« J’ai choisi de faire du bénévolat quand j’étais en troisième année à l’université. A l’époque, je me servais d’un audioprothèse. J’ai découvert par hasard que j’aimais tendre la main aux autres. Je me suis renseignée auprès d’une célèbre association sur le genre d’activités que je peux faire en tant que bénévole. J’ai choisi 3 activités. Lire et enregistrer des bouquins pour les non-voyants, enseigner la langue des signes et élaborer des séances de communication pour les malentendants », raconte Héba. Moustapha, toujours souriant et enthousiaste pour l’avenir, participe à plusieurs activités. Membre du modèle de simulation du parlement des jeunes, il participe également à l’initiative Kon Safirann (sois un ambassadeur) du ministère de la Planification et du Développement économique. Il a également organisé, avec le ministère de la Jeunesse et du Sport, une journée nationale pour les seniors. En parallèle, il suit une formation en ligne en accueil et organisation d’événements. A la dernière COP27, il s’est occupé du transport des personnes en fauteuil roulant. Ziyad Hamdi, pharmacien, a une paralysie cérébrale, et est bénévole depuis l’âge de 12 ans. « Ma participation à l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations de handball 2022 était une de mes meilleures expériences bénévoles », raconte-t-il. Il se souvient que lors de cette coupe, il a participé à la sécurité du stade et à la gestion des entrées et des sorties des supporters.


Les bénévoles en situation de handicap participent de plus en plus à des initiatives locales et nationales.

A l’occasion de la Journée mondiale du bénévolat, l’année dernière, en présence de Nivine El- Kabbag, ministre de la Solidarité sociale, Hanan Al-Leithi, 52 ans, atteinte de poliomyélite, a donné un discours sur son expérience dans le domaine du bénévolat qui a débuté en 2014 à Sonnaa Al-Hayat. « Je suis sur une chaise roulante depuis mon enfance, mais cela ne m’a pas empêchée de résoudre les problèmes de mes petites soeurs quand elles en avaient besoin. C’est grâce à mon père. Il m’a éduquée à l’importance de tendre la main aux autres », confie Hanan. Dans les projets de construction des villages à Sonnaa Al-Hayat, Hanan a fait une tournée dans différents recoins de l’Egypte. Elle cuisine des repas ou conte des histoires aux enfants au Théâtre des marionnettes.

Même si les bénévoles en situation de handicap essayent de réduire les différences avec les autres, des défis persistent. Le préjugé répandu est qu’ils ne sont pas à la hauteur des responsabilités. Pourtant, la réalité est toute autre. Atteint d’un trouble du sigmatisme, Moustapha Taha zozote dans la parole, mais cela ne l’a pas empêché d’être membre du conseil d’administration du centre de jeunesse d’Al-Sahel. En continuant le bénévolat, Moustapha s’intègre mieux à la société et montre que son zézaiement n’est pas, et n’a jamais été, un obstacle.

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