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Sable noir : Ce formidable trésor

Hanaa Al-Mekkawi , Vendredi, 13 janvier 2023

Avec les plus grandes réserves mondiales de sable noir, l’Egypte entre dans une nouvelle ère de l’exploitation minière et de l’industrie. Tout commence à l’usine de Borollos. Un projet pionnier au Moyen-Orient. Reportage.

Sable noir : Ce formidable trésor
(Photo : Ahmad Refaat)

Après un trajet de plus de trois heures, du Caire à la ville de Borollos, au gouvernorat de Kafr Al-Cheikh, nous atteignons Al-Chehabeya, un village côtier où se trouve l’usine de sable noir récemment inaugurée. Un complexe constitué de deux sites distants l’un de l’autre d’environ 12 km. Le premier étant une usine d’extraction et de production de minerais de métaux lourds qui dispose d’une drague. Cette dernière procède à l’opération de dragage de la première phase d’exploitation minière du projet avec une capacité de 2 500 tonnes par heure. Puis, le sable noir est transporté à l’usine de concentration où l’on sépare les grains de sable fins des gros.

Cette usine, qui s’étend sur une surface de 35 feddans, est entièrement flottante au-dessus d’un lac artificiel d’une surface de 320 m2 sur 250 m2. L’opération de dragage se fait par injection de l’eau. Avant de retirer le sable noir du fond du lac, la drague commence par rabaisser celui qui se trouve sur les dunes sableuses, puis le bras articulé équipant la drague commence à le racler et l’aspirer. Le sable extrait passe dans le trommel, un énorme tamis rotatif qui permet le passage de grains de sable de moins de 4 microns. Quant aux gros grains, on s’en débarrasse en les rejetant sur la plage ou directement dans la mer.


 (Photo : Ahmad Réfaat)

« Ce gisement ne ressemble à aucun autre en Egypte, puisqu’il n’est pas constitué de roches. C’est le premier du genre dans le pays et je suis fier de faire partie de la première génération qui apprend comment extraire le sable noir qui contient un ensemble de minéraux. Ce qui me permet d’acquérir un savoir-faire et de le transmettre à d’autres générations », explique l’ingénieur Nabil Al-Sayed, directeur de l’usine de séparation.

Le minerai extrait est transporté sur de gros camions jusqu’à l’usine de séparation au deuxième emplacement, qui s’étend sur une superficie de 80 feddans. Un grand portail, de beaux jardins et un accueil chaleureux sont réservés aux visiteurs. Il suffit de marcher quelques pas pour découvrir que derrière ce silence qui règne, il y a des ouvriers qui travaillent d’arrache-pied 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. C’est un complexe qui rassemble six usines, où l’on va extraire tous les minerais de ce sable noir en fonction de leurs propriétés. Là, le sable est laissé quelque temps pour le débarrasser de l’humidité, puis il est envoyé à la première usine de séparation primaire pour retirer la magnétite, une première espèce minérale. Idem, pour les autres usines où chacune est chargée de séparer un minerai différent.


Pour extraire le sable noir, des opérations de dragage sont nécessaires. (Photo : Ahmad Réfaat)

Tout un processus

Selon Hicham Salah, directeur de l’usine, ce sable tient son nom de sa couleur sombre car il contient de nombreux minéraux lourds, en particulier du fer. Il provient du Nil qui le draine sur des milliers de kilomètres avant de le déverser en Méditerranée. Les marées et les vagues transportent ce sable vers les rives. « Ce sable noir contient des métaux lourds qui, après les avoir séparés, se transforment en matières premières stratégiques utilisées dans des dizaines d’industries importantes comme la fabrication de structures d’avions, de missiles, d’engins spatiaux, de céramique, d’implants dentaires, de fer éponge, des smartphones, des voitures électriques et bien d’autres industries importantes », dit Hicham Salah. Il explique que le processus industriel est basé sur la séparation en spirale en utilisant l’eau et la séparation magnétique à l’aide de l’électricité. Les extraits de minéraux essentiels sont l’ilménite, le rutile, le zircon, la magnétite métallique, la monazite radioactive et l’uranium.


  Deux éléments essentiels extraits du sable noir. ( Photo : Ahmad Réfaat)

Dans un autre bâtiment se trouve l’unité des laboratoires qui reçoivent les échantillons provenant des usines pour en faire des analyses. Sameh Abdel-Satar, directeur des laboratoires, explique que le processus d’analyse effectué ici fait partie du processus d’extraction, ainsi que du processus de développement et de recherche. A commencer par le laboratoire d’éléments, où le pourcentage de métaux lourds, leur concentration et le pourcentage d’impureté qu’ils contiennent sont mesurés. Un processus chimique complexe est effectué pour obtenir les résultats les plus précis et manipuler au mieux les matériaux extraits. Le sable sous le microscope ressemble à des pierres précieuses multicolores, ce sont ces couleurs qui déterminent la proportion et les types de minéraux dans chaque échantillon, explique le chimiste Mohamed Mokhtar.

  Deux éléments essentiels extraits du sable noir. ( Photo : Ahmad Réfaat)

Dans un autre laboratoire, le sable est broyé et passé sous une température de 1 200°F, puis transformé en disques durs pour identifier la pureté et la quantité d’éléments présents à partir de tableaux et de références ratios internationaux. « Sur la base de ces résultats, la valeur économique du produit est déterminée », dit Mohamed Mokhtar. Les laboratoires comprennent également des simulateurs pour ceux qui travaillent dans les usines afin de déterminer la manière la plus appropriée de traiter la séparation des éléments et d’en informer directement l’usine. Ce processus est effectué tout le temps au cours de la journée, et les résultats peuvent changer d’une heure à l’autre. D’après Hicham Salah, tous les personnels des laboratoires sont des chimistes spécialisés qui ont reçu des cours de formation spécialisée pour travailler de cette manière et appliquée pour la première fois en Egypte. Ces cours ont lieu régulièrement, ainsi que le développement d’appareils, bien que nous possédions les derniers dans ce domaine, nous continuons à les développer quand même. Le bâtiment du laboratoire comprend également une salle de conférences et de formation, ainsi qu’une bibliothèque qui renferme les archives de chaque échantillon qui entre dans le laboratoire à son état initial. Tous les résultats des analyses sont conservés pendant un an. Le complexe comprend également une station de gaz, un réservoir d’eau et une centrale électrique.

Des avantages à ne pas compter

Après quelque temps passé dans le siège de l’usine, on constate qu’il n’y a ni poussière ni fumée qui s’échappe comme on peut l’observer dans de telles usines. L’explication vient du général Magdi Al-Tawil, ex-PDG de la Société égyptienne du sable noir, il dit que l’usine a un impact positif sur l’environnement, et ce, pour plusieurs raisons : d’abord, la séparation des éléments se déroule d’une manière naturelle à l’aide de l’électricité ou l’eau, alors le projet ne produit aucune émission de carbone. Un autre avantage, continue Al-Tawil, qui est la purification du sable et son retour à sa couleur naturelle après en avoir extrait les métaux lourds, ce qui aide à ancrer le sol sur le rivage afin que le sable ne bouge pas. Il a également empêché l’empiètement du sable sur la route et les villages causant des accidents et menaçant les maisons de s’effondrer durant la saison des vents de sable.

L’une des usines de séparation. ( Photo : Ahmad Réfaat)

Le projet a également des effets positifs sur le développement de la communauté qui l’entoure, comme le souligne le général Al-Tawil. Le projet de Borollos a créé quelque 5 000 emplois directs et indirects pour les habitants de Kafr Al-Cheikh, considéré comme l’un des gouvernorats où le phénomène de l’émigration illégale est le plus répandu.

Une nouvelle station d’épuration a été construite et les routes ont été repavées. Une centrale électrique de 75 MW a été construite, dont seulement 20 sont nécessaires à la centrale et les 55 autres sont utilisés au profit des zones environnantes. En plus, au début des travaux de construction de l’usine, on a rénové les maisons des habitants du village en les démolissant et en les reconstruisant à nouveau.

« L’Egypte est la plus grande réserve de sable noir du monde avec une forte concentration sur les côtes nord, le Sinaï et le lac de Nasser. Les minéraux extraits permettront au pays d’augmenter ses exportations et ses ressources en devises étrangères, de faire partie de l’industrie mondiale des sables minéraux tout en créant des offres d’emploi », explique Al-Tawil, en affirmant que les ressources exploitables nettes du projet de Borollos atteignent les 238,5 millions de tonnes avec une concentration moyenne de métaux lourds de 3,39 %, suffisante pour fonctionner pendant environ 16 ans à un taux d’exploitation de 15 millions de tonnes par an, et la production de l’Egypte représentera environ 3 à 5 % de la production mondiale. Al-Tawil mentionne qu’il existe deux autres usines d’une capacité moyenne à Rachid et à Al-Manzala, qui ont aidé à qualifier des cadres et à acquérir de l’expérience.

Pour la période à venir, ajoute Al-Tawil, on va développer les projets à valeur ajoutée convenant aux produits de Borollos et qui pourraient atteindre 6 milliards de dollars. Les industries de technologie de pointe seront localisées, et il y aura plus d’usines ailleurs puisque l’Egypte dispose de 11 sites riches par ce type de sable.

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