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PERSPECTIVES 2023 : Se marier, oui, mais autrement

Chahinaz Gheith , Mercredi, 21 décembre 2022

L’union sacrée du mariage est-elle toujours aussi sacrée? Les couples de demain optent-ils pour un mariage conventionnel? Ou sont-ils plutôt révolutionnaires? Comment conçoivent-ils la vie à deux? Des jeunes livrent leur vision.

Se marier, oui, mais autrement
Certains jeunes boudent le mariage par peur des responsabilités.

Peut-on parler de crise du mariage? Pas tant que ça. Les sociologues s’accordent à dire non. «  Ce serait exagéré. Par contre, ce que l’on peut affirmer, c’est que le concept du mariage a changé. Autrement dit, les nouvelles générations n’ont pas rejeté l’idée de se marier. Elles croient au mariage, mais elles ont seulement modifié le comment et le quand », explique la sociologue Samia Saleh. « La notion du mariage a évolué au cours du temps, comme nous-mêmes », lance Nader Ali, comptable de 27 ans, qui se prépare à se marier dans trois ans. Selon lui, se donner ce temps nécessaire pour se connaître soi-même et connaître son partenaire peut être l’une des garanties de la réussite du mariage.

Car, de nombreux jeunes du millenium sont des enfants de parents divorcés. « Le mariage est un acte d’engagement extrêmement fort. Il faut être sûr. Et aujourd’hui, la tendance est plutôt aux courtes relations, et les séparations arrivent vite », explique-t-il. Et d’ajouter : « C’est pour cela qu’il faut conforter ce projet de vie à deux en faisant un plan pour l’avenir. Par exemple, il faut décider ensemble de la manière de célébrer notre mariage, comment nous allons vivre, comment gérer nos finances, etc. Et choisir ensemble le moment où nous sommes prêts d’accueillir nos futurs descendants ». Nader approuve aussi le projet de loi qui exige que les examens médicaux et psychologiques soient une condition préalable pour les couples qui envisagent de se marier.

Il est à noter que l’Egypte est confrontée de plus en plus à un problème de divorce massif dont le taux ne cesse de progresser d’une façon exponentielle avec 240 cas par jour. Un mariage sur trois se solde par un divorce et 12,5 % de ces divorces ont lieu la première année de cohabitation. Un chiffre qui classe l’Egypte, selon l’Onu, au premier rang à travers le monde en matière de divorce.

Or, l’une des raisons de ce taux élevé de divorces s’explique par le fait que beaucoup de couples sautent le pas sans pour autant se connaître suffisamment. C’est notamment le cas lors de mariages arrangés ou de salon. Une méconnaissance qui entraîne une certaine désillusion autour de son partenaire après les résultats des tests. « Il y a des questions à prendre au sérieux avant de signer l’acte de mariage, savoir si le futur conjoint veut avoir des enfants, quand et combien ? Déterminer les responsabilités de chacun dans les tâches ménagères, ce qui concerne les enfants, etc. », énumère Nader, tout en appelant les futurs couples à réaliser ces tests prénuptiaux et qui servent à vérifier l’absence de maladies génétiques, immunitaires et infectieuses.

Une option, pas une obligation

Le mariage est sacré, dit-on. Cependant, de nos jours, des jeunes badinent avec cette institution sociale, pire, c’est à peine s’il n’y a pas autant de divorces que de mariages. Nombreux sont ceux qui pensent que tout ce que traverse notre société est dû tout simplement au fait que la nouvelle génération a perdu beaucoup le sens des valeurs et des responsabilités. La sociologue Samia Saleh pense que les priorités ont changé dans la formation d’un couple. « Le mariage n’est plus une nécessité pour les jeunes, mais un choix. Ils préfèrent se concentrer sur leur carrière, avoir une stabilité financière avant de se marier. Les jeunes sont aujourd’hui carriéristes. Ils désirent avoir un confort de vie avant de s’engager », explique la sociologue Samia Saleh. Du coup, l’âge du mariage est repoussé, et donc, celui d’avoir des enfants.

Pour Alia Karim, 30 ans, qui occupe un poste managérial dans une multinationale, se passer la bague au doigt n’est pas, pour elle, une fin en soi. « J’ai d’autres projets en tête. Et puis, ce n’est pas facile de choisir le bon mari. Je connais plusieurs filles qui se sont précipitées et qui le regrettent aujourd’hui », confie-t-elle. Et de poursuivre : « Le mariage est synonyme de responsabilités et je ne pense pas en être capable aujourd’hui ». Idem pour Lobna, 26 ans, assistante sociale, qui considère le mariage comme quelque chose d’inutile, voire comme un préliminaire au divorce. Difficile de croire en un concept qui semble battre de l’aile de plus en plus rapidement. « Mais pourquoi je me marierai ? Je n’ai plus besoin de ça aujourd’hui, surtout si c’est pour divorcer dans trois ans », souligne-t-elle.

La sécurité financière, un must

La question des ressources économiques joue également un rôle fondamental dans la perception du mariage chez les jeunes. « Rares sont ceux qui sont prêts à fonder une famille. Cela exige beaucoup de sacrifices. Les temps ont changé. Avant, un jeune de 25 ans pouvait se marier facilement, aujourd’hui, c’est plus compliqué. S’il réussit à trouver un travail à cet âge-là, c’est déjà un grand pas », lance Farid Sameh, 28 ans, ingénieur. Même son de cloche chez Ayman Omar, 32 ans, informaticien, qui a peur de s’endetter en satisfaisant les exigences de la famille de sa conjointe. « Cérémonie en grande pompe, bague en diamant ou parure en or, appartement, meubles, électroménagers … Tout cela coûte une fortune en ce moment », affirme Ayman, qui a déjà décidé avec sa fiancée de ne faire d’enfants qu’avant au moins deux ou trois ans de mariage. « Nous voulons avant tout en être sûrs que nos enfants auront tout le confort possible. Auparavant, à 30 ans, nos parents avaient déjà trois enfants. Maintenant, cela a changé. Il est question de s’assurer du bien-être d’un enfant avant même qu’il ne soit conçu », estime-t-il.

Le diktat du m’as-tu vu malgré tout

Si ce jeune homme se donne le temps de tout préparer et de tout planifier, d’autres veulent tout et tout de suite. « Alors qu’autrefois, on se mariait et, petit à petit, on construisait un nid. Il faut maintenant tout avoir avant de se marier. L’autre facteur est la peur de l’échec. Les divorces, les couples qui vont mal, les enfants qui souffrent et avant de s’engager ils veulent être sûrs de ce qu’ils font », estime Saleh, qui pointe du doigt l’effet de mode, le jeu où les partenaires se rencontrent sans prendre le temps de se connaître, ils se lancent dans le mariage au bout de quelques mois et le divorce arrive aussi rapidement que le mariage. « Le mariage d’aujourd’hui est presque devenu une mise en scène mettant en avant les conjoints, sous les feux des projecteurs. Chose qui n’existait pas auparavant. La mise en scène des conjoints sur les réseaux sociaux, dont les mariages sont victimes, à travers des photos, ceci est devenu une sorte de rituel auquel tous se plient pour immortaliser le moment. C’est aussi un moment de folles dépenses, d’endettement, de fête, de gaspillage, de comparaison, voire de rivalité. Ça devient une sorte de compétition pour étaler ses richesses, pas le début d’une nouvelle vie avec de nouvelles responsabilités qui nécessitent avant tout une certaine maturité », explique-t-elle.

Tel est le cas de Yasmine Adel, 26 ans, issue d’une tranche supérieure de la classe moyenne, et qui adore bien se montrer devant les projecteurs. Son but est de prouver aux gens comment son conjoint et elle forment un couple magnifique et heureux. Un mariage basé sur le m’as-tu vu. Elle est en train de préparer plus la cérémonie du mariage plutôt que le mariage lui-même. Elle est trop occupée à planifier les détails de la fête, la déco, la robe, le menu  plutôt que de se préparer à cette nouvelle étape de sa vie et de s’interroger sur les moyens de mener à bien son foyer … .

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