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Femmes, éclatons-nous !

Dina Bakr , Mercredi, 09 mars 2022

Faire de nouvelles connaissances, rompre le train-train quotidien et se lancer dans de nouvelles activités divertissantes, c’est l’objectif de plusieurs groupes Facebook exclusivement destinés aux femmes. Les adhérentes y trouvent leur bonheur.

Femmes,  clatons-nous

«  Ladies Only » (femmes uniquement) est le premier groupe lancé en 2018 sur Facebook appelant les femmes à se réunir au-delà des écrans pour se divertir et passer de bons moments ensemble. L’envie de prendre un nouveau départ ou créer un nouveau cercle d’amies était le désir de Dalia Hany, fondatrice du groupe Ladies Only, informaticienne et mère de 3 garçons. « Mes anciennes amies étaient toujours occupées. Et lorsque je demandais à l’une d’entre elles de sortir avec moi, elle répondait qu’elle n’avait pas de temps libre. Résultat, il fallait attendre et trouver le moment propice pour se voir et s’évader pour un temps de notre quotidien », déclare Dalia. Comment reprendre son souffle dans une routine quotidienne qui oppresse parfois, recharger ses batteries et se ressourcer, telles sont les raisons qui ont poussé cette femme à se creuser la tête et trouver des idées pour rompre la monotonie du quotidien. « En fait, lors des sorties en famille, la maman cherche à satisfaire les désirs du papa et des enfants, car ce qui l’intéresse, c’est le bon déroulement de la balade. Le résultat est que tout le monde rentre heureux à la maison alors qu’elle ne l’est pas », explique Iman Samir, fondatrice d’un autre groupe, Khorougat Sayedat We Bas (des sorties pour femmes seulement).

Un moment pour elles

Prendre du temps pour soi, se détendre et se relaxer sont les besoins exprimés par les femmes dans ces groupes Facebook. « J’ai 53 ans, mes deux enfants sont de jeunes hommes et ce sont eux qui m’ont appris à me distraire lorsque je suis seule. Dès la première réunion, j’ai retrouvé mon âme d’enfant, mes éclats de rire et ma bonne humeur. Les âges varient, on peut même trouver une femme d’une trentaine d’années accompagnée d’une dame de 82 ans. Mais, tout le monde se sent bien dans sa peau », affirme Omaïma, femme au foyer. Créer une rupture bienfaisante dans le quotidien et avoir des moments de complicité entre femmes est devenu une nécessité. « Se libérer de toutes les contraintes, s’amuser, pratiquer le yoga, éclater de rire, ce qui apporte une sensation de bien-être, et rencontrer de nouvelles personnes, ces groupes nous encouragent à tisser de nouvelles connaissances et nous aident à nous découvrir mutuellement », déclare Amira. Les sorties entre femmes sont organisées autrement. A chaque réunion, un programme intéressant est proposé pour continuer d’attirer de nouvelles adhérentes à ce groupe de sortie.

Tous les moyens sont bons pour s’amuser

Différents types de sorties ont lieu, comme louer une villa ou un yacht pour passer une journée, faire du sport, suivre un cours d’initiation à la danse, organiser des déjeuners à partager en groupe et d’autres activités, comme la vente de produits artisanaux fabriqués par les femmes. Des excursions sont programmées avec une guide, membre du groupe Facebook, ainsi que des rencontres pour résoudre des problèmes psychologiques ou donner un soutien aux femmes qui souffrent d’un traumatisme. Il y a encore la sortie des princesses pour celles qui veulent se rendre au bain maure et s’offrir un massage thaï. Il y a aussi la sortie « Essayons ensemble » qui consiste à apprendre à faire du vélo ou à conduire un scooter. « Les séances de danse orientale et de zumba ont lieu dans un environnement sécurisé, ce qui me convient parfaitement car je porte le niqab. Il est interdit de prendre des photos et n’importe quelle femme peut porter un décolleté ou une minijupe sans craindre le scandale », dit Amira.

Il faut un minimum de 10 participantes pour organiser une sortie et le nombre ne doit pas dépasser la centaine même si l’endroit peut en renfermer 250, à cause des risques liés au Covid-19. « Si d’autres femmes n’ont pas pu prendre part à une sortie vu le nombre limité à cause du Covid, on essaye d’organiser la même sortie 2 semaines plus tard pour être à la hauteur des attentes de nos amies », indique Dalia Hany. Faire une sortie d’une journée de 9h jusqu’à 17h coûte 300 L.E., déjeuner inclus. Les mamans peuvent ramener leurs enfants à condition que les garçons ne dépassent pas l’âge de 6 ans pour les sorties à la piscine. Pour un enfant, cela coûte150 L.E. Des membres se portent volontaires pour garder les enfants durant les séances de zumba ou de fitness. Et s’il y a un show artistique comme la Tannoura ou danse avec DG, seules les femmes animent ces événements. « Ces sorties m’ont permis d’avoir une amie intime et nous essayons de réserver nos places pour profiter ensemble de l’activité prévue dans la journée », explique Laïla, professeure d’arabe.

Par respect au principe de la liberté et à la protection de la vie privée des membres, les fondatrices de Ladies Only veillent à ce que l’endroit sélectionné, villa avec piscine ou yacht, soit situé loin des immeubles pour que les femmes voilées se sentent à l’aise en se mettant en maillot de bain. Et même si les membres sont des amies, les portables sont vérifiés à la fin de la journée pour s’assurer qu’aucune photo n’a été prise sans l’accord des femmes. « Ces sorties entre femmes nous ont permis de casser les règles dans des endroits qui interdisent notre présence en tant que femmes voilées », souligne Rania. Elle ajoute que certains cafés qui disposent de discothèques interdisent l’accès aux femmes qui portent le voile.


Pour ces femmes, il s’agit de rompre la monotonie et de découvrir de nouvelles sorties.

Des règles à respecter

En général, les groupes de sortie excluent celles qui tiennent des propos déplaisants à l’égard des autres femmes du groupe. « Toute personne qui a un comportement susceptible de blesser ou humilier autrui n’est plus la bienvenue parmi nous, pour que nos sorties soient à la hauteur des attentes des membres du groupe », explique Dalia Hany. Elle a sur son portable 2 000 contacts qu’elle a rassemblés au cours des sorties de femmes, tandis que la page Facebook compte environ 7000 amies. Les sorties ont eu un impact positif. Plusieurs femmes ont commencé à prendre soin de leur santé physique. « Je suis allée chez un nutritionniste pour perdre du poids, ne plus avoir de mal de dos et de douleurs aux genoux et, surtout, pour pouvoir porter un maillot de bain », précise Maha, 42 ans, femme au foyer. Ces sorties lui ont fait sentir qu’elle est encore jeune. Une nouvelle tendance? Une mode? Non plus.

« En effet, avant la sortie des femmes à la vie pratique, nos grands-mères consacraient un jour au cours de la semaine durant lequel elles recevaient leurs voisines pour jouer de la musique, danser ou même échanger leurs nouvelles. Yom Al-Moäbla était une journée de rencontre pour les femmes nées dans les années 1950. Une journée de détente loin des responsabilités et des pressions sociales. Et chaque fois chez une des voisines. Aujourd’hui, les femmes semblent revivre cette tradition, mais d’une manière moderne », conclut la sociologue Hoda Zakaria.

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