Al-Ahram Hebdo : Pourquoi le travail est-il souvent vu comme une obligation associée au stress, à l’insatisfaction ?

Ossama Choukry : Nous sommes souvent pris au piège de voir dans le travail la motivation essentielle de la vie, la quête du sens. L’intensification de notre rapport au travail ne cesse de prendre de l’ampleur. On cherche à faire du travail notre passion parce qu’on n’a pas tout simplement le temps de vivre notre passion ailleurs. On passe une si grande partie de notre vie au travail que l’on perd tout équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Il est donc essentiel de changer la perception que l’on a de notre travail, des relations que nous entretenons avec notre patron et nos collègues, tout en gardant un minimum d’autonomie et de liberté. Un métier n’est pas là pour nous emprisonner. Il est important de se rappeler qu’il y a une vie à l’extérieur du bureau et qu’on peut travailler mieux en travaillant moins. Car le cerveau et le corps reposés sont synonymes d’efficacité. Pour que travail ne soit pas associé au malheur, il est primordial d’apprendre à débrancher. Les exigences que notre travail fait peser sur nous sont si intenses que nous nous sentons souvent submergés. La carrière même, si c’est une part importante de notre vie, elle n’est pas tout. Et les rêves peuvent évidemment se réaliser en dehors de la sphère professionnelle.

− Comment retrouver le bonheur au travail sans être obligé de le quitter ?

− Il faut tout d’abord déterminer quelles sont les causes de son malheur au travail. Une fois identifiées, c’est le moment de penser aux différentes façons d’améliorer son sort. Une étape-clé serait de garder un état d’esprit positif, apprendre à chercher des solutions plutôt que de se fixer sur le problème. Dans son livre Se réinventer au travail, Steve Nobel propose une approche inédite et énergisante qui rédige le code du bonheur au travail. En développant de nouveaux comportements et de nouvelles compétences, il est possible de découvrir de nouvelles opportunités sans être obligé de changer de métier. Tout d’abord, comprendre les raisons de sa souffrance, sortir des idées archaïques sur le monde du travail, se libérer des idées ancrées dans la mentalité collective, profiter au mieux de ses capacités, trouver sa vraie valeur, être soi-même pour mieux se réaliser. Se réapproprier son temps tout en évitant le surmenage.

− Comment est-il possible d’apporter des changements efficaces qui permettent d’aimer de nouveau son travail ?

− Contrairement aux idées reçues, il n’est pas toujours nécessaire de changer d’entreprise pour se renouveler professionnellement. Si pour certains il est inconcevable de faire le même métier toute leur vie, une mobilité et un changement de tâches au sein de la même entreprise, c’est souvent une bonne solution et peut être une source de satisfaction personnelle. Ce concept de mobilité interne ou du job crafting, et qui nécessite d’acquérir plus de compétences, est très répandu en ce moment dans le monde et permet aux travailleurs d’évoluer professionnellement. Il s’agit de modeler son poste et le refaçonner pour qu’il soit en accord avec ses besoins et ses aspirations. L’idée de personnaliser son travail n’est pas nouvelle. Cette démarche intéressante dépend surtout de la flexibilité des patrons et de leur disposition à accepter des changements de fonctions, de nature, d’horaires. Autre facteur important, faire l’effort de nouer des relations solides avec ses collègues. L’ambiance au travail est un facteur essentiel de démotivation, comme elle permet une meilleure productivité et crée un environnement agréable pour travailler.

− Existe-t-il des raisons communes qui poussent les employés à quitter leur métier ?

− Nombreuses sont les raisons qui peuvent pousser un employé à changer de métier, de secteur ou d’entreprise et de revoir complètement le travail et la vie professionnelle. Pour certains, changer de travail représente une sorte de bouffée d’oxygène, d’un renouveau ou du départ d’une nouvelle vie. Pour d’autres, il s’agit d’une manière d’avancer, d’évoluer et de se prouver. Mais en général, il existe des raisons communes. Augmenter leur rémunération, répondre à des besoins familiaux ou personnels plus contraignants, l’envie de s’épanouir, de relever de nouveaux défis, d’apprendre de nouvelles compétences, de mettre fin à une surcharge imposée par un nombre excessif de tâches à réaliser au métier actuel ou, tout simplement, éviter l’ennui. Mais, prendre la décision de quitter son travail ne doit être une option valable que lorsqu’on a vraiment tout essayé.

 Voici une sélection de livres utiles consacrés au thème « Aimer son travail » :

1- Le courage pour et dans la vie professionnelle, de Ingrid Westercamp.

2- Bullshit Jobs, de David Graeber.

3- Psychologie du manager, de Patrick Amar.

4- Passer une bonne journée au bureau, c’est possible, de Caroline Webb.

5- Le guide du bien-être au travail, de Charles André Pigeot.

6- Les entreprises humanistes, de Jacques Lecomte.

7- Le bonheur au travail, de Dominique Glocheux.

8- Réinventer le sens de son travail, de Pierre Eric Sutter.