Le jeune poète, slameur et chanteur égyptien à la voix envoûtante Abdullah Miniawy, 28 ans, a sorti récemment son premier album Le Cri Du Caire, une production de L’Onde & Cybèle/Festival La Voix est Libre. L’interprète, vivant à Paris depuis 2017, y oscille entre psalmodie soufie et spoken word, accompagné par des cordes « barocks » de l’Allemand Karsten Hochapfel (violoncelle-guitare électroacoustique) et les boucles hypnotiques du saxophoniste britannique Peter Corser. L’album de 42 minutes regroupe 9 chansons, lesquelles ont été déjà interprétées avec succès dans plus de 65 concerts, entre autres, au festival d’Avignon, à la Maison de la Poésie, au musée du Louvre, au Paris Jazz Festival, etc.
Le Cri du Caire, cet ovni musical aux audaces expérimentales et improvisées, retrace la révolte du peuple égyptien et s’installe dans une zone de libre-échange à fleur de peau. Miniawy nous livre un jazz « psychédélique », aux sonorités soufies riches et vibrantes, murmurées ou clamées et scandées sur un tapis de boucles hypnotiques. De quoi nous mener vers la transe.
C’est tout un voyage musical poignant, lyrique et mystique. Il va de la spiritualité à la liberté, du poétique au politique, avec l’ambition de porter les espoirs des peuples. A la croisée des styles, entre rock, punk, électro spoken word, volutes orientales, jazz avantgardiste et oeuvres soufies aux références séculaires, Le Cri du Caire transcende les racines, les identités et les frontières. Les inspirations individuelles et les aspirations collectives s’affirment ainsi dans les méandres d’une écriture poétique décomplexée, en arabe classique.
Le verbe reste au coeur de la démarche de Miniawy, influencé par le mysticisme soufi et les lectures de sa jeunesse. « Chanter en arabe classique, cela donne au Cri du Caire une touche rythmique et une texture orientale tranchante capable de compenser la présence d’un percussionniste dans l’ensemble. Le Cri du Caire est né de mon désir de hisser l’étendard de la paix dans toutes les langues, de créer une musique de la taille du jazz, de la démonter, de faire dialoguer de grands artistes des musiques du monde », déclare Miniawy. Et de préciser : « Il serait erroné de classer le projet du Cri du Caire dans une moule purement politique. C’est vrai que l’idée du projet a fleuré au lendemain de la Révolution de 2011, mais le Cri du Caire comprend aussi des chansons philosophiques romantiques, des pensées personnelles, des descriptions de nos sociétés ... Je chante l’amour, l’écologie, la religion, l’oppression, la liberté, la paix … Le Cri du Caire porte des touches soufies, celles de mes racines, d’autres littéraires, jazzy, des influences de musiques électroniques, minimalistes du début du 20e siècle (Philip Glass, Steve Reich …), des horizons de sons syriens ou baroques … Autant de sons qui changent selon l’environnement où ils sont joués ».
Aux quatre coins de la terre
Le créateur du Cri du Caire sillonne le monde depuis cinq ans. Il a déjà joué dans le film Sortilège, long métrage sélectionné à Cannes en 2019, et a travaillé des musiques de films de Bruno Coulais, des compositions pour des chorégraphies de Sidi Larbi Cherkaoui, des pièces issues d’un requiem commandé par le festival de Saint-Denis … Sa voix belle à pleurer fait jaillir dans Le Cri du Caire des « geysers » d’émotion. Il ne se lasse pas à travers sa musique et ses chants de soulever interrogations et critiques, d’exprimer les soucis de sa génération.
Originaire de la ville oasis d’Al-Fayoum, Miniawy a passé son enfance en Arabie saoudite. De retour en Egypte en 2011, au moment de la poussée révolutionnaire, il chante devant des dizaines de milliers de personnes sur les places du Caire et dans les clubs de la ville. Et ce, avant de s’installer en Europe, notamment à Paris, depuis 2017. C’est là qu’il multiplie les projets avec les groupes Carl-Gari et SighFire. Il participe au festival des jazz nomades : La Voix est Libre, notamment lors de sa 14e édition sous le chapiteau plein du Cirque Electrique. « En 2013, dans la ville du Caire en ébullition, j’ai eu la chance d’être entendu par le directeurcréateur français Blaise Merlin, également saxophoniste et producteur, au Studio 100 Copies », raconte-t-il.
Sur sa route, il croise également le trompettiste Erik Truffaz, le clarinettiste Guillaume Humey, le rappeur Marc Nammour, les joueurs de oud Kamilya Jubran et Mehdi Haddab et le saxophoniste Peter Corser, lors de la tenue du festival D-CAF, au lendemain de la Révolution de janvier 2011. Attaché à la liberté, il poste ses morceaux de slam et d’électro sur les réseaux sociaux en écoute libre, notamment sur la plateforme MySpace. Ses textes recopiés dans le temps, sur les murs de la place Tahrir, font de lui un chanteur-poète activiste. Bref, l’un des visages du « printemps égyptien ». Son Cri du Caire continue à nous faire tourner les têtes.
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