« Dangereux », « choquant », « dégoûtant » … autant d’adjectifs durs sont utilisés pour qualifier le feuilleton Azmet Montassaf Al-Omr (la crise du milieu de vie), qui aborde une crise « existentielle » frappant indifféremment les hommes comme les femmes, tout en provoquant de nombreux remous dans la vie de celui qui la traverse.
Il s’agit d’un dentiste (Omar) interprété par Karim Fahmy, qui souffre de plusieurs crises, notamment le mariage de sa mère après la mort de son père durant son enfance, sa séparation de sa femme toxicomane et la mort de son fils pendant la grossesse. Divorcé, Omar se marie avec une très jeune fille choyée (Yasmine) interprétée par Rana Raïs. Vu la différence d’âge dans ce couple, des problèmes ne cessent d’émerger. Il tombe amoureux de sa belle-mère Faïrouz, brillamment jouée par Riham Abdel-Ghafour.
Cette dernière s’est mariée très jeune, elle aussi avec un homme plus âgé : Ezzat, merveilleusement interprété par Rochdi Al-Chami. Soumise et oppressée par le sentiment de mal-être, Faïrouz se trouve attirée par Omar. Et elle tombe enceinte de lui.
Réalisé par Karim El-Adl et écrit par Ahmad Sultan, Karim Fahmy et Karim El-Adl, ce feuilleton présente, au niveau de l’intrigue, une histoire curieuse avec du suspense et des rebondissements. Cependant, la fin des événements provoque une grande frustration.
Il est vrai que les enjeux narratifs ont éveillé et maintenu l’intérêt du public, mais leur potentiel est raté. Ceci est dû au fait que les personnages n’ont pas été bien esquissés dès le départ. Du coup, leurs réactions sont parfois inattendues ou injustifiées. A titre d’exemple, rien n’explique les raisons pour lesquelles Faïrouz est totalement soumise à son mari. Elle est toujours taciturne et morne ; mais ceci semble être une réaction face à un mari agressif et rabaissant.
Ce dernier avoue à Omar que Faïrouz n’est pas la mère de Mariam et que celle-ci est décédée lors de son accouchement. Il lui explique qu’il a décidé de se marier avec Faïrouz pour qu’elle s’occupe de son enfant. Toutefois, l’on s’interroge sur les raisons pour lesquelles il traite sa femme aussi durement, alors qu’il agit normalement en tant qu’un sugar daddy.
Mariam, la fille, entretient une relation froide avec sa mère sans en justifier les raisons. En outre, l’amour de Ziyad pour sa cousine Mariam n’a été souligné qu’au passage, et sa haine pour son oncle n’a pas été expliquée de façon approfondie quoiqu’elle soit l’un des éléments déclencheurs. On découvre en avançant dans les événements que c’est lui qui a poussé la copine de Mariam à séduire Ezzat. Elle accepte pour tirer profit de la situation et commence à manipuler Ezzat, avec la complicité de Ziyad.
Le réalisateur a misé, en grande partie, sur l’ambiance du feuilleton qui constitue l’argument principal de ce qu’il propose. Les domiciles trahissent les rapports perturbés entre les personnages : la maison de Ezzat et Faïrouz, quoique débordante d’élégance, est étouffante, sombre et terne. De même, la maison de Omar et Mariam manque d’éclat et d’harmonie.
Malgré les innombrables rebondissements, on continue à trouver dans le feuilleton une dimension tragique touchante dans la trajectoire de Faïrouz, cette femme qui se sent abandonnée, sombre dans l’erreur et finit par perdre la tête, ou celle de Ezzat, qui incarne au début le mari insupportable et agressif, et qui se transforme en un homme clairement brisé. Et ce, à la suite de la mort de sa fille et la découverte de l’infidélité de sa femme.
Des modèles de couples hors norme ?
Toutefois, la compassion pour ces personnages ne fait pas l’unanimité. La présentatrice Doaa Farouk, connue pour ses émissions religieuses, a souligné sur son compte Facebook : « Karim est très contrarié du fait que certaines personnes disent que c’est une affaire d’inceste, alors qu’elles n’ont pas encore regardé le feuilleton jusqu’au bout. Nous sommes désolés, Karim, c’est plutôt de l’adultère. Tu t’attends donc à ce qu’on encourage ce genre de relations malsaines ? ».
Un flux d’opinions ne cesse d’être divulgué sur la toile en soutien à celle de la présentatrice. « Il existe toute une stratégie pour modifier les valeurs de notre société à travers les films et les feuilletons », avancent les uns. « C’est à faire craquer les nerfs ! Impossible d’avoir ce genre de cas parmi nous ! Aucun des personnages n’est aussi bon pour pouvoir nous convaincre de son désarroi », affirment les autres.
Le réalisateur Karim El-Adl a affirmé, dans une entrevue avec le présentateur de télé Chérif Amer dans le talk-show Yahdous fi Masr (ce qui se passe en Egypte) sur la chaîne MBC, que l’histoire est inspirée de faits réels, publiés sur des groupes Facebook. Il a approuvé le droit de tout un chacun de critiquer le feuilleton, à condition de ne pas être agressif.
Dans le même programme, le comédien Karim Fahmy s’est insurgé contre les opinions jugeant que le feuilleton prône l’adultère ou l’inceste. « Notre répertoire dramatique comprend plusieurs oeuvres abordant des sujets tabous. Pourrions-nous considérer qu’un film comme Al-Khataya (les péchés) encourageait à avoir des enfants illégitimes ? Ou que Nahr Al-Hob (le fleuve de l’amour) incitait à l’infidélité conjugale? ». Le débat fait couler beaucoup d’encre.
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