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PERSPECTIVES 2023 : Sayed Darwich, le mort-vivant

Névine Lameï, Mercredi, 21 décembre 2022

La nouvelle année marque le centenaire de la mort du musicien-compositeur alexandrin Sayed Darwich. Un événement qui sera célébré en grande pompe.

Sayed Darwich, le mort-vivant
Affiche de la chanson Bassara Baraja (diseuse de bonne aventure).

Durant toute l’année 2023, le ministère égyptien de la Culture, ainsi que les Opéras du Caire, d’Alexandrie et de Damanhour organisent une série d’événements afin de commémorer le centenaire de la mort du chanteurcompositeur mythique Sayed Darwich (mars 1892-septembre 1923).

Ainsi, des concerts, des pièces de théâtre et des rencontres-débats sont prévus, animés par des spécialistes, afin de préserver son patrimoine musical de l’oubli. Les activités seront diffusées en direct, à travers la chaîne Cairo Opera House sur YouTube. En outre, le nouvel ouvrage Sayed Darwich Al-Moasses (Le Fondateur, éditions Nelson et Richa), du chercheur libanais Victor Sahab, sera en vente à la Foire internationale du livre du Caire, ainsi que l’ouvrage Fannan Al- Chaab … Sayed Darwich (Sayed Darwich, l’artiste du peuple …), récemment édité par le Centre national égyptien du théâtre, de la musique et des arts populaires.

« Darwich a de tout temps influencé la conscience du peuple égyptien », lance Mohamad Mounir, responsable des relations avec la presse auprès de l’Opéra égyptien. Celui-ci est doté de 5 troupes qui seront impliquées dans les célébrations, à savoir la troupe Abdel-Halim Noweira, la troupe nationale, la troupe du patrimoine, celle du chant religieux et la troupe de l’Opéra d’Alexandrie. « Ensemble, nous travaillons afin de préparer un centenaire digne de ce musicien hors pair. Une grande fête est prévue en septembre prochain, dans la grande salle de l’Opéra du Caire. Dans ce cadre, un documentaire sera projeté en arrière-fond du théâtre, relatant son parcours et les diverses phases de sa carrière, à l’aide notamment d’enregistrements de sa propre voix. Le matériel nécessaire provient des archives de la bibliothèque musicale de l’Opéra, de la famille du défunt et des sites Internet », précise Mohamad Mounir.

Selon lui, le théâtre Sayed Darwich, rue Fouad à Alexandrie, construit en 1921 par l’architecte français Georges Baroque, sera l’un des lieux favoris des célébrations. « Il est capable de nous transposer dans cette belle époque. C’est en 1962 qu’il a été rebaptisé Théâtre Sayed Darwich, en hommage à ce pionnier de la musique orientale. Le théâtre se trouve à proximité de Kom Al-Dekka, son quartier natal. Nous allons inviter la formation musicale issue de ce quartier populaire, laquelle s’intitule Troupe du patrimoine de Sayed Darwich, jouant exclusivement son répertoire », ajoute Mounir.

Celle-ci a été fondée en 2006 par le petit-fils du compositeur, Mohamad Hassan Darwich, qui a affirmé que nous ne connaissons que « 25 % de son héritage, alors qu’il a signé 250 chansons (politiques, populaires, sociales et théâtrales), car il a travaillé avec les grands hommes du théâtre tels Al- Rihani, Al-Kassar et Georges Abyad. Il nous a laissé aussi une vingtaine de mouachahs (formes musicales andalouses) et 26 opérettes, mélangeant la sophistication de la musique arabe semi-classique, la simplicité des thèmes folkloriques et l’ampleur de l’orchestre occidental ».


Mohamad Mohsen et Hazem Chahine sont parmi ses nombreux héritiers.​

La troupe Patrimoine de Sayed Darwich se produira en mars 2023 à l’Institut de musique arabe au Caire, en interprétant notamment des mouachahs et des dorrs (musique vocale chantée en arabe dialectal) dont Dayaet Mostaqbal Hayati (perdre l’avenir de ma vie, paroles de Younès Al-Qadi), le duo Lama Achouf Wech Al-Habib (quand je vois le visage de ma bien-aimée, paroles de Badie Khaïri, tiré de la pièce de théâtre Al-Barouka (la perruque). Et ce, outre la chanson Ana Haweit Wentaheit, une déploration d’amour malheureux enregistrée vers 1920. « Je suis prêt à offrir tout ce dont je dispose pour avoir un centenaire qui fait parler tout le monde », assure son petit-fils.

Schéhérazade à la tête des festivités

Après avoir présenté l’opérette Al- Achra Al-Tayyeba lors de la 31e édition du Festival de musique arabe, l’Opéra du Caire a choisi de produire Schéhérazade, une autre opérette célèbre de Darwich, écrite en 1921. Cette fois-ci, il s’agit d’une nouvelle version de l’oeuvre dont la durée est de deux heures, selon une autre perspective dramatique et musicale. Et ce, avec l’aide de l’universitaire et chef d’orchestre Ihab Abdel-Hamid, maestro de la troupe de musique arabe de l’Opéra d’Alexandrie. C’est le chanteur Mohamad Mohsen qui tiendra le rôle, autrefois joué par Darwich lui-même dans cette opérette. « Schéhérazade se distingue par son caractère folklorique et sa simplicité. Darwich y a introduit le cor, instrument à vent », indique Mohamad Mounir, porteparole de l’Opéra.

Le parrain des troupes underground

Ce qui singularise la musique de Sayed Darwich, c’est surtout sa capacité à générer l’enthousiasme des jeunes musiciens des diverses époques. « Ce fut le cas de musiciens plus anciens comme Zakariya Ahmad, Al-Qassabgui, Abdel-Wahab, Al-Mougui, Cheikh Imam et Ammar Al-Chéréï, qui ont essayé d’exprimer le mal du pays, chacun à sa manière. Son influence s’étend jusqu’à nos jours sur les troupes underground, en particulier », déclare le musiciencompositeur Hazem Chahine, qui a fondé la troupe Eskinderella en l’an 2000, qui puise, entre autres, dans le patrimoine de Sayed Darwich. Elle joue donc à son tour des oeuvres aux phrases courtes, mettant en scène des sujets féconds, marqués par l’identité égyptienne.

Outre son influence sur Eskinderella, Darwich a également marqué l’expérience de troupes relativement jeunes comme Massar Egbari, Cairokee et la chanteuse Mariam Saleh. « Avec Sayed Darwich est née l’idée du chant collectif, on le constate avec sa fameuse chanson Al-Helwa Dih, que l’on peut facilement chanter en groupe à l’aide de différentes partitions musicales. Pour nous, l’héritage de Sayed Darwich est un trésor infini qui ne cesse de nous inspirer. Aujourd’hui, je travaille sur la réadaptation de sa chanson Al-Arbaguiya (les conducteurs de fiacre) dont les paroles sont écrites par Badie Khaïri », ajoute Hazem Chahine, qui se prépare à tenir deux concerts à l’Opéra du Caire et à l’Institut de musique arabe, en février 2023. Il pense aussi tenir une fête spéciale dans l’ancienne maison de Sayed Darwich.

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