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Tour d’horizon d’une époque tourmentée

Dalia Chams , Mercredi, 23 mars 2022

La 23e édition du Festival international d’Ismaïliya (du 17 au 23 mars) arrive à sa fin. Une belle programmation de courts métrages de fiction, de documentaires et de films d’animation, marquée par l’air du temps.

Tour d’horizon d’une époque tourmentée
Eskape.

Dans la salle à manger de l’un des hôtels où sont logés les festivaliers, un portrait de la reine Eugénie rappelle vaguement l’histoire de la ville d’Ismaïliya, fondée quatre ans avant le début du percement du Canal de Suez. Car les projections et les activités du festival, créé en 1991, se déroulent entre l’avoisinant cinéma Dounia et le Palais de la culture, un bâtiment plutôt de style soviétique, loin des anciennes villas qui abritaient les employés de la Compagnie du canal, avec leur décor de frises en carreaux de céramique à motif floral. La ville n’est plus aussi calme qu’à la création de son festival cinématographique à petit budget. Néanmoins, tous les deux tentent de préserver leur charme désuet. Le festival a été marqué par des changements successifs dans sa direction, et cette année, une nouvelle équipe vient de prendre la relève, avec à sa tête la scénariste Zeinab Aziz, directrice du Centre national du cinéma, et le réalisateur Saad Hindawi, président du festival.


Echos.

Le coup d’envoi de cette 23e édition a été donné le 17 mars, avec la projection de 4 merveilleux courts métrages, projetés en coopération avec le Festival international de Clermont-Ferrand. A savoir, The Amorous Indies, Le Sens du toucher, Sisters et Time code. Tous sont basés sur la danse, le mouvement et la musique, afin de communiquer subtilement leur message.

Saad Hindawi, étant un habitué de cette plus importante manifestation mondiale consacrée au court métrage, a réussi son pari, en maintenant entre autres une étroite collaboration avec ses responsables.

D’ailleurs, c’est à travers elle qu’il a découvert pour la première fois, il y a quelques années, l’oeuvre du réalisateur franco-malien Ladj Ly, choisi pour présider le jury de la compétition officielle Longs métrages documentaires, durant cette édition qui vient de s’achever et qui s’est caractérisée par une bonne sélection et quelques failles d’organisation.

Echos à la guerre et à la pandémie

Parmi les films donnés en compétitions, citons : Eskape de Neary Adeline Hay (France), qui suit une fille confrontée au silence de sa mère, après les difficultés traversées en fuyant le Cambodge en 1981, au lendemain de la chute du régime des Khmers rouges. Le documentaire de 2 heures de l’Espagnole Inès Toharia, Film, The Living Record of Our Memory, loue le travail des archivistes d’images de par le monde. Le film étant réalisé en cinq ans à peu près, la cinéaste a effectué un effort monstre pour coordonner et recouper les témoignages de ses protagonistes. Le film a suscité de vives réactions dans la salle, car les spectateurs ont fait automatiquement le lien avec les archives audiovisuelles de l’Egypte, souvent très mal gérées.


Le Sens du toucher.

Le court documentaire Mutha & The Death of Ham Ma Fuku, du journaliste radio et télévision espagnol Daniel Suberviola, se passe dans un champ de mines au Sahara occidental. Le père du personnage principal du film, Mutha, est mort deux mois avant sa naissance, à ce même endroit, durant la guerre avec le Maroc, entre 1975 et 1990. Il était démineur et sa fille Mutha, après avoir suivi des études en psychologie en Algérie, a décidé de faire le même métier à haut risque. Cela lui a permis d’éviter le chômage, mais aussi d’expérimenter les sentiments de son père en neutralisant les mines et de repenser sa vie. Le court métrage de fiction Echos de Julien Kobersy (Liban) passe en revue l’histoire mouvementée du pays, à travers les membres d’une famille, assis sur un même balcon, depuis la crise de 1958 jusqu’à l’explosion du port de Beyrouth en 2020. Les balcons sont également brillamment utilisés dans le documentaire polonais Balcony Concert, qui se déroule dans la cour d’un immeuble pendant le confinement et la première vague de coronavirus. Les balcons et les fenêtres du bâtiment sont devenus le vrai lieu de rencontre et de vie : on y bavarde, joue de la musique, exprime sa peur de manières différentes.

Le film a été projeté à travers la section A Reminder (rappel), dédiée aux films inspirés du Covid-19, avec le documentaire égyptien Timeline, retraçant le quotidien d’un jeune condamné à l’ennui, et le court métrage de fiction espagnol Pies y Manos (des pieds et des mains), montrant ironiquement l’impact de la peur sur les rapports intimes d’un couple. Le virus est aussi présent dans les scénarios et notre vie revêt des allures dystopiques.

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