Après l’adhésion de la Palestine à la Cour Pénale Internationale (CPI), qui prendra effet le 1er avril, que peut-on attendre sur le plan du processus de paix? Israël a, d’ores et déjà, annoncé le gel des 127 millions de dollars de taxes qu’il verse chaque année à l’Autorité palestinienne, et qui comptent pour les deux tiers du budget de celle-ci, pour la punir de son action. Les responsables israéliens ont également juré de ne plus négocier à l’avenir le sort de Jérusalem avec les Palestiniens. Les Etats-Unis ont, de leur côté, condamné l’acte palestinien comme une « escalade » impropre à faciliter la recherche d’un règlement politique. Des membres pro-israéliens du Congrès, avec la pression et la bénédiction du gouvernement de Benyamin Netanyahu, oeuvrent pour la suspension des 400 millions de dollars d’aide annuelle à l’Autorité palestinienne, si celle-ci passe à l’acte et porte sa première plainte contre Israël à la CPI.
Ces sanctions et réactions hostiles étaient prévisibles. Mais le président Mahmoud Abbas avait-il d’autres alternatives? En fait, sa décision de postuler l’adhésion de la Palestine à la CPI intervient à la suite de l’échec de sa tentative, fin décembre, de recours au Conseil de sécurité de l’Onu afin de réclamer un calendrier précis pour la fin de l’occupation israélienne. La pression exercée par les Etats-Unis sur les membres du Conseil s’est finalement soldée par l’échec du projet de résolution à obtenir les 9 voix nécessaires pour son adoption. Le tandem Washington-Tel-Aviv avait toujours cherché, et réussi souvent, à écarter toute immixtion de la communauté internationale, via l’Onu, dans la recherche d’une solution à la question palestinienne. Il s’en est suivi un monopole américain des efforts de paix, sans aucun résultat tangible depuis les accords d’Oslo en 1993. Les tentatives de l’Administration de Barack Obama de relancer le processus de paix se sont toutes heurtées à l’intransigeance d’Israël et son refus de faire la moindre concession pour parvenir à la paix, notamment sur la question de la colonisation.
L’échec répété des Etats-Unis à redonner vie à un processus de paix moribond a poussé le président Abbas, critiqué par beaucoup de Palestiniens et par le Hamas pour sa politique de négociation qui n’a rien donné, à chercher d’autres voies pour sortir de l’impasse. L’idée était de chercher l’appui de la communauté internationale pour exercer des pressions sur Israël. Un premier pas dans ce sens a été franchi avec la résolution, rejetée par Washington et Tel-Aviv, de l’Assemblée générale de l’Onu en novembre 2012 de faire accéder la Palestine au statut d’« Etat » observateur non membre de l’Onu. Cette promotion ouvrait la voie à l’Autorité palestinienne d’adhérer immédiatement aux agences spécialisées de l’Onu, dont la CPI. Mais Abbas a choisi d’attendre et de donner encore une chance aux efforts américains qui, une fois de plus, n’ont rien donné. La pression américaine pour faire capoter l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité a incité Abbas à prendre la décision, le 1er janvier, de postuler l’adhésion de la Palestine à la CPI. Quel effet aura cette adhésion? Théoriquement, elle permettra à Abbas de porter plainte contre Israël et ses dirigeants pour leurs crimes de guerre et contre l’humanité commis contre les Palestiniens.
Le résultat de telle plainte devrait toutefois prendre plusieurs années, avec probablement peu d’effet, étant donné les prévisibles pressions américaines. Les observateurs notent ici le manque de résultats tangibles dans les enquêtes menées par la CPI contre les dirigeants du Kenya et du Soudan. Les enquêtes de la Cour risquent aussi de tourner contre de dirigeants palestiniens appartenant au Hamas, puisqu’Israël ne ratera pas l’occasion de contre-attaquer en pointant du doigt les attaques des islamistes de la bande de Gaza. Tout porte à croire donc que l’Autorité palestinienne, comme elle l’avait fait avec la résolution de l’Assemblée générale de l’Onu, cherchera, à travers une reconnaissance internationale accrue de la Palestine en tant qu’Etat et davantage de cartes entre ses mains, à accroître la pression sur Israël afin de faire aboutir des négociations de paix au point mort.
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