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Le courant civil et la Constitution de juin

Lundi, 23 décembre 2013

Nous avons témoigné en Egypte de divers appels à voter et la mobilisation reste le principal facteur déterminant le résultat d’une élection. Les partis au pouvoir ont excellé dans la mobilisation tout au long de l’histoire démocratique égyptienne. Les outils étaient multiples : mobilisation douce, manipulation des électeurs par l’Etat, mobilisation tribale et familiale pour obliger les électeurs à voter pour un donateur. Enfin, le courant religieux a dernièrement inventé le mécanisme de la mobilisation divine en sa qualité de représentant de Dieu.

Dans une atmosphère dominée par la faiblesse culturelle générale, la manière de gérer les élections est devenue le principal facteur déterminant leur résultat. En effet, les capacités des courants à mobiliser sont devenues l’expression de leur capacité de s’emparer du pouvoir. Et ce, abstraction faite de leurs idées, convictions ou orientations.

La situation a-t-elle changé après le 30 juin 2013 ? Avec l’approche du référendum sur la Constitution, je pense que les choses ont beaucoup changé. Les forces traditionnelles spécialisées dans la mobilisation électorale, à savoir les Frères musulmans et le PND de Moubarak, ne sont plus au pouvoir. La scène est désormais dominée par le courant civil et ses dirigeants qui n’avaient pas d’influence avant 2011. Ce courant possède une base sociale énorme qui est le « parti du canapé » mais il lui manque l’un des plus importants outils : celui de la mobilisation électorale.

Le courant civil au cours des 3 dernières années a fait preuve d’une faiblesse organisationnelle évidente. Cela a été clair avec les élections législatives de 2011 où le courant religieux a clairement pris le dessus démontrant les capacités de sa machine électorale dans la mobilisation et la surveillance des élections. Et ce, en l’absence quasi totale des représentants du courant civil. Celui-ci a justifié cette absence par le fait d’avoir passé de longues années sur les chaînes satellites et non avec le peuple sur le terrain.

Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé. Toutes les excuses du courant civil ont disparu. Il est maintenant au pouvoir. Ses partis ont tous les outils pour travailler dans la rue. Les portes sont ouvertes aux hommes d’affaires qui soutiennent ce courant pour participer à la prise de décision économique et politique. Et voilà que la Constitution moderne, qui exprime les tendances de ce courant, va être votée dans quelques semaines. Mais malheureusement, ni le courant civil, ni ses dirigeants ont été actifs. Aucune conférence populaire n’a été organisée. Ses cadres ne sont pas allés sur le terrain pour sensibiliser le public. Aucun exemplaire de la Constitution n’a été distribué. Rien.

En contrepartie, le seul courant influent sur le terrain aujourd’hui est le parti salafiste Al-Nour, l’unique représentant religieux dans le comité des 50. Ce parti qui suit la voie des Frères musulmans a réalisé que la capacité de mobiliser représente la moitié du succès. Sans oublier son intention d’entrer en lice aux élections législatives et d’y réaliser une large victoire.

De même, la majorité des courants civils vit un état d’anémie politique et est préoccupée par ses batailles sur les chaînes satellites mettant de côté le travail sur le terrain. En effet, ils sont convaincus que l’Etat profond se mobilisera à leur place, faisant de la Constitution la première bataille alors que la plus importante est celle des élections législatives.

Pour être juste, il ne faut pas ignorer que l’un des principaux facteurs de la réussite de l’action politique est le financement. Partant, il faut reconnaître que le courant civil est le plus pauvre politiquement bien que ses partisans soient les plus riches et les plus influents économiquement. L’un des plus grands points faibles du courant civil est ainsi la faiblesse du financement. Il a oublié l’idée que l’argent politique légitime joue un grand rôle dans la prévalence des idées et la préservation des intérêts. Les financeurs du courant civil sont tombés dans le piège de croire que l’Etat du 30 juin sera le même que celui de Moubarak qui préservera leurs intérêts et orientera les urnes en leur faveur. Ils n’ont pas réalisé que le moment est crucial. Ils n’ont pas encore assimilé leur rôle national laissant la mobilisation, l’interaction et le financement aux courants religieux.

La véritable bataille a été oubliée. Si la bataille de la Constitution se passe bien, il n’en sera pas de même pour les élections législatives. Il est tout à fait possible que l’anémie politique du courant civil soit la principale raison du retour des « députés du terrorisme » par la légitimité des urnes. Si le courant civil avec ses trois partis, les partisans, les hommes politiques et les financeurs, ne sortent pas de leur torpeur, un régime plus cruel que ses prédécesseurs prendra le pouvoir .

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