Jeudi, 25 avril 2024
Opinion > Opinion >

Vers un nouvel ordre au Moyen-Orient ?

Jeudi, 13 avril 2023

La chine a accueilli, le 6 avril, les ministres saoudien et iranien des Affaires étrangères, scellant la réconciliation entre leurs deux pays, annoncée le 10 mars à Pékin.

Ce bouleversement géopolitique parrainé par la Chine a ébranlé la dynamique au Moyen-Orient, où les Etats-Unis étaient pendant des décennies le principal médiateur, en usant de leur influence politique, poids économique et puissance militaire. Aujourd’hui, c’est la Chine qui a montré sa capacité à réduire les écarts entre ces deux puissances du Moyen-Orient et à surmonter les problèmes non résolus qui les opposaient lors des négociations tenues en Iraq et à Oman à partir de 2020. Comment la normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran peut-elle changer la politique régionale ? Cette réconciliation marquerait une étape historique dans la quête de paix et de stabilité du Moyen-Orient et devrait se répercuter positivement sur une série de guerres et de conflits régionaux, de la Syrie au Yémen et du Liban à l’Iraq, étant donné que l’hostilité entre les deux puissances avait contribué à alimenter et à exacerber ces crises.

Les Etats-Unis ont joué un rôle important dans les tensions entre l’Arabie saoudite et l’Iran, avec leurs politiques historiquement interventionnistes dans la région. L’hostilité américaine à Téhéran a conduit à la formation d’une alliance solide avec Riyad, intensifiant la rivalité entre les deux puissances régionales. En revanche, la Chine, de plus en plus active au Moyen-Orient depuis le lancement de son initiative « La Ceinture et la Route » en 2013, poursuivait une politique nettement différente de celle interventionniste des Etats-Unis, mettant plutôt l’accent sur la stabilité, indispensable à ses intérêts économiques en expansion qui nécessiteraient de surcroît une coopération entre les acteurs régionaux. Le rôle croissant de la Chine au Moyen-Orient, souligné par sa médiation réussie entre Riyad et Téhéran, suggère un changement potentiel vers une approche plus diplomatique dans la résolution des conflits régionaux, contrairement au rôle traditionnel américain de gendarme mondial fait d’interventionnisme militaire.

La Chine exerce également un attrait indéniable au Moyen-Orient, car elle promeut la stabilité via la coopération économique avec toutes les parties, tandis que les Etats-Unis opèrent par le biais d’un système d’alliances. Ce dernier constitue certes un puissant facteur de dissuasion militaire pour les rivaux des Etats-Unis et de leurs alliés, mais il provoque un approfondissement des divisions régionales, alors que le modèle chinois, dépourvu de structure d’alliances, est axé sur l’inclusion et la non-interférence dans les affaires internes, sans conditions politiques telles que des progrès vers la démocratie ou le respect des droits de l’homme. Pour les principaux acteurs du Moyen-Orient, la montée en puissance de la Chine offre des opportunités de rééquilibrage de leurs relations extérieures. Cela leur permet une plus grande liberté d’action et marge de manoeuvre, l’une et l’autre étaient absentes de la région depuis la fin de la guerre froide et l’effondrement de l’Union soviétique.

La récente percée diplomatique chinoise a été rendue possible grâce à une convergence d’intérêts impliquant l’Arabie saoudite et l’Iran. Ce dernier était impatient de sortir de son isolement politique et économique et cherchait les moyens d’accélérer et de faire aboutir les pourparlers avec Riyad, ce qui a conduit à l’implication de la Chine. De son côté, l’Arabie saoudite cherchait à reconstruire ses alliances extérieures. Sa stratégie était conçue pour créer les conditions lui permettant de se concentrer sur le vaste plan de transformation économique, Vision 2030, dans lequel elle a investi des centaines de milliards de dollars en vue d’ouvrir le Royaume aux investissements étrangers et au tourisme, dans un contexte de concurrence régionale croissante. En normalisant ses relations avec l’Iran, l’Arabie saoudite éviterait de se laisser entraîner dans un conflit régional impliquant Israël — voire les Etats-Unis — et l’Iran, en raison du programme nucléaire de ce dernier. L’implication de la Chine au Moyen-Orient pourrait servir de pont entre Riyad et Téhéran, facilitant les relations cordiales et modifiant potentiellement l’ordre régional. Le Royaume cherchait ainsi à tirer profit de la politique proactive mise en place par la Chine au Moyen-Orient. Pékin cherche de son côté à renforcer son influence dans la région au détriment de celle des Etats-Unis. Cela pourrait inclure le développement d’un rôle de « faiseur de paix » et la présentation de divers formats politiques aux parties adverses, afin qu’elles s’engagent dans des pourparlers visant à régler leurs différends. Néanmoins, Pékin agira probablement avec prudence sur cette voie, car trop de responsabilités pourraient être contre-productives. A ce stade, il serait fondamentalement amené à gérer à la fois les attentes des acteurs régionaux et ses propres intérêts.

Il serait abusif d’avancer que la victoire politique marquée par la Chine à travers l’accord de réconciliation saoudo-iranien signale un nouvel ordre régional dirigé par Pékin. Bien que l’on s’accorde à dire que l’accord aura un impact sur la région, ses effets à long terme restent incertains et les risques de déraillement sont élevés. Il suffit de citer à cet égard le programme nucléaire iranien envers lequel Riyad ressent une profonde inquiétude.

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique