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En quête de rapprochement entre cultures et religions

Hicham Mourad , Mardi, 08 octobre 2013

Debat
Abdou Diouf, secrétaire général de la Francophonie (à gauche), Abdulaziz Altwaijri, directeur général de l’ISESCO (à droite) et Abdallah Baha, ministre d’Etat au gouvernement marocain, lors de l’ouverture de la conférence.

Avec la montée du terrorisme islamiste dans le monde arabo-musulman et de l’islamophobie et la xénophobie en Occident, un dialogue entre cultures et religions est plus que jamais nécessaire. Tel était le thème central de la conférence internationale — à laquelle j’ai participé — organisée par l’Organisation islamique pour l’Education, les sciences et la culture (ISESCO) et l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) du 30 septembre au 2 octobre, à Fès au Maroc. Réunissant des dizaines de spécialistes, d’universitaires, d’acteurs de la société civile et d’hommes et de femmes de médias, la conférence se voulait une tribune non seulement pour examiner et comprendre le phénomène sous tous ses aspects, mais aussi et surtout pour proposer des pistes d’action et des solutions concrètes à l’intention des décideurs, des gouvernements et des acteurs de la société civile.

La rencontre de Fès fait suite à une première conférence organisée par les mêmes OIF et ISESCO du 2 au 4 juin 2009 à Kairouan, en Tunisie, sur le dialogue des civilisations et la diversité culturelle, à une époque où la théorie du « choc des civilisations », répandue par le politologue conservateur américain Samuel Huntington, était en vogue en Occident. L’objectif de la conférence était alors de s’opposer à ce genre d’idées de confrontation entre monde musulman et Occident et de proposer une alternative de rapprochement et de coopération fondée sur le dialogue et la compréhension. L’idée de rajouter les « religions » à Fès, qui a fait grincer des dents chez certains pays membres des deux organisations, était une suite logique à la montée en puissance de la composante religieuse dans les rapports entre monde musulman et Occident, favorisée notamment par le Printemps arabe, qui a vu l’entrée en scène des forces islamistes, comme en Libye, au Yémen et en Syrie et l’accession au pouvoir de certaines de ces forces en Egypte et en Tunisie.

Les bouleversements que connaissent actuellement certains pays arabes étaient en effet au coeur des débats de Fès, en vue d’évaluer leur impact sur les rapports avec l’Occident, car la montée de l’islam politique tend à remettre en cause les fondements de la société et de l’Etat dans ces pays et crée par là même des inquiétudes, non seulement en Occident, mais aussi et surtout au sein même des sociétés concernées, où séculiers et femmes en particulier craignent une remise en cause ou des restrictions sur les libertés fondamentales, au nom de la religion. Cette dimension a amené plusieurs intervenants à souligner la nécessité d’ouvrir un dialogue, non seulement entre musulmans et chrétiens, mais aussi entre les adeptes de l’islam dans les pays arabes en plein bouleversement en vue d’une entente sur le rôle à accorder à la religion dans la vie politique et l’espace public.

La conférence a fait le constat amer que les a priori et les stéréotypes négatifs, voire les mythes, véhiculés notamment en Occident, sur la religion et les cultures arabo-islamiques sont essentiellement le fruit de l’inculture et de l’incompréhension de l’autre. Un état sciemment maintenu par certaines forces pour des intérêts politiques, ce qui est le cas de l’extrême droite en Europe, qui alimente la peur de l’islam et de l’immigration, ou de l’extrémisme religieux dans le monde arabo-musulman, qui cherche à diaboliser l’Occident. L’un et l’autre ne représentent finalement qu’une frange minoritaire des forces en présence, mais ils jouent sur les instincts primaires et les peurs de larges couches populaires, confrontées à la crise économique ou en mal d’identité, dans un monde mondialisé, où l’individu est en manque de repères.

Dans un monde où la violence tend de plus en plus à devenir un outil d’expression politique au sein des sociétés, mais aussi entre Etats, une action concertée est plus que jamais nécessaire. C’est l’essence de l’Appel de Fès, adopté à la clôture de la conférence, qui reconnaît la nécessité d’une action multiforme à tous les échelons pour un dialogue et un rapprochement entre cultures, civilisations et religions, à laquelle doivent s’associer toutes les parties concernées, chacune dans son domaine : gouvernements, dignitaires religieux, organisations internationales, sociétés civiles, acteurs culturels et artistiques et médias. L’Appel reconnaît ainsi la difficulté de la tâche et la ténacité des incompréhensions et des clichés qui se nourrissent de l’ignorance, d’où la nécessité d’élargir le cercle d’actions et de sortir du cadre réduit des discussions en vase clos entre intellectuels et spécialistes.

C’est ainsi que l’accent a été mis sur l’éducation, notamment la formation du corps enseignant dans les systèmes de l’enseignement public et confessionnel, les programmes scolaires, religieux et universitaires et la préparation du personnel chargé de l’enseignement religieux et de la pratique religieuse, afin d’introduire et de développer les concepts de dialogue interculturel et interreligieux. Les acteurs culturels et les créateurs d’arts ainsi que les médias ont à leur tour un rôle crucial pour promouvoir entre les citoyens ordinaires le respect de la différence, l’écoute et la connaissance de l’autre et la création d’un climat d’ouverture propice à l’engagement d’un dialogue.

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