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Dissuasion américaine face à l’Iran

Dimanche, 19 mars 2023

Les Etats-unis et Israël ont récemment tenu une série de discussions de haut niveau centrées sur les moyens d’empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire.

 Ainsi, le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, s’est rendu en Israël le 9 mars, alors que le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, et le conseiller à la sécurité nationale, Tzachi Hanegbi, ont rencontré le 6 mars le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, le conseiller présidentiel à la sécurité nationale, Jake Sullivan, et d’autres responsables américains, en vue de renforcer la coordination dans le cadre du Groupe consultatif stratégique américano-israélien qui a été créé en 2021 pour empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire.

La position d’Israël est claire. Il est en faveur de frappes militaires contre l’Iran en vue d’enrayer ou de retarder toute perspective d’acquisition d’armes nucléaires. Les responsables israéliens sillonnent les principaux pays européens pour les convaincre de leur position belliciste sur le programme nucléaire iranien. Mais il est peu probable que leurs efforts portent leurs fruits. Confrontés à la guerre Russie-Ukraine et à ses conséquences économiques désastreuses, les dirigeants européens sont loin d’être favorables à l’ouverture d’un nouveau front de guerre au Moyen-Orient, même si les négociations nucléaires avec Téhéran sont au point mort.

La position des Etats-Unis est légèrement différente, mais elle dénote également une forte réticence à s’engager dans une action militaire contre les installations nucléaires de l’Iran, malgré une rhétorique qui se rapproche de celle d’Israël. Lors de son passage à Tel-Aviv, Lloyd Austin a insisté sur le fait que « la diplomatie est le meilleur moyen d’empêcher l’Iran d’obtenir une arme nucléaire ». Par contraste, son homologue israélien, Yoav Gallant, a souligné que « la menace nucléaire iranienne exige que nous soyons préparés à tous les plans d’action= ». La déclaration a été répétée à deux reprises pour l’emphase, suggérant qu’Israël est prêt à recourir à l’action militaire.

La volonté de Washington d’éviter une escalade avec Téhéran était visible dans son refus de soutenir la proposition du E3 — la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni — en faveur de l’adoption d’une résolution de censure contre l’Iran par le Conseil des gouverneurs de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). L’émissaire américain pour l’Iran, Rob Malley, a justifié la position de son pays par le fait qu’il souhaitait voir si le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, pouvait parvenir à un accord avec les Iraniens sur les inspections. Grossi a rencontré le président iranien et son chef de l’énergie atomique lors d’une visite à Téhéran les 3 et 4 mars, et les deux parties se sont mises d’accord sur une feuille de route pour rétablir les inspections de l’AIEA dans les installations nucléaires iraniennes.

Depuis l’arrêt des négociations nucléaires en août dernier, le choix des Etats-Unis s’est porté sur la dissuasion en vue d’empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire. Cela s’est traduit par un discours qui, tout en laissant la porte ouverte à la diplomatie, exprimait la détermination de Washington à empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire, y compris par la force. Pour la rendre crédible, cette rhétorique se double d’une démonstration de force pour inciter Téhéran à abandonner ses plans— s’il en avait— de production de l’arme nucléaire. C’est dans ce sens qu’il faut interpréter l’exercice militaire américano-israélien le plus important de l’histoire de la coopération entre les deux pays, tenu fin janvier en Israël et en Méditerranée orientale, impliquant quelque 6 400 soldats américains aux côtés de plus de 1 500 soldats israéliens, plus de 140 avions, 12 navires de guerre et des systèmes d’artillerie. L’exercice, baptisé Juniper Oak, simulait une guerre avec l’Iran et impliquait un entraînement sur le ravitaillement en vol de chasseurs israéliens par des avions américains— une capacité-clé dont Israël manque et sans laquelle ses avions ne peuvent pas atteindre les cibles iraniennes— et le largage par des bombardiers américains B-52 de bombes anti-bunker sur des cibles conçues pour ressembler à des sites nucléaires iraniens.

Cette démonstration de force est également destinée à rassurer les dirigeants israéliens que Washington reste engagé à empêcher l’Iran de développer une arme nucléaire, dans le but de freiner les velléités bellicistes de l’Etat hébreu. Une action militaire de ce dernier contre l’Iran, bien que difficilement concevable sans une participation américaine, signifierait que les Etats-Unis seraient confrontés à la perspective non souhaitable d’une crise majeure au Moyen-Orient affectant les approvisionnements mondiaux en pétrole au moment même où ils font face à une guerre majeure en Europe provoquant une crise énergétique. Les Etats-Unis consacrent actuellement toute leur énergie diplomatique pour maintenir une coalition visant à confronter et à isoler la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine et seraient loin de vouloir créer une nouvelle zone de conflit au Moyen-Orient qui ferait distraction. Leur volonté d’éviter une escalade militaire est soutenue par leur estimation de l’intention de l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire. « L’Iran ne possède pas aujourd’hui d’arme nucléaire et nous pensons actuellement qu’il n’en poursuit pas », a souligné le Nuclear Posture Review 2022, le rapport faisant autorité du Pentagone basé sur les meilleurs renseignements disponibles dans l’Administration américaine.

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