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Réflexion autour de la question de l’eau

Mercredi, 23 février 2022

Les grandes crises ne disparaissent pas par de simples tentatives de les dépasser en cherchant de nouvelles idées. C’est pourtant la proposition récemment présentée par Abiy Ahmed lorsqu’il a conseillé à l’Egypte et au Soudan de réfléchir autrement à la question des eaux du Nil. Pour nous, les origines du problème ne peuvent pas être négligées. Que l’Egypte soit le don du Nil ou le don des Egyptiens, des dangers menacent aujourd’hui le fleuve historique après de longues années où nous étions réconfortés par l’idée que ses eaux continueraient à couler à jamais. Puis nous nous sommes réveillés un beau matin, il y a dix ans, pour découvrir que ce qui était évident depuis une éternité ne l’est plus et que certains ont décidé de changer les règles. Des règles fixées en 1902, 1929 et 1959 pour réglementer la tradition établie il y a plusieurs milliers d’années.

Si la partie éthiopienne nous demande de trouver une nouvelle réflexion, nous avons effectivement réfléchi à nos droits historiques selon deux approches parallèles. La première est une approche juridique. Nous sommes revenus aux accords et aux conventions préalables et nous avons cherché dans les traités mondiaux relatifs aux droits des eaux des rivières. La seconde est une approche économique, vu que les intérêts économiques représentent un moyen rapide de sortir de l’impasse avec les pays du bassin du Nil et que le manque d’interaction économique avec les pays concernés peut être considéré comme l’une des raisons de la crise. C’est ainsi qu’un accord pour l’achat de viande a été rapidement conclu avec l’Ethiopie, ainsi que d’autres accords, partant du principe que si nous avions eu assez d’accords avec les pays du bassin du Nil et que si nous leur avions accordé plus d’aide et d’attention, rien de tel ne se serait passé et les relations seraient restées excellentes vu les intérêts communs. En effet, on dit, en matière de relations internationales, que plus les relations de dépendance mutuelle augmentent entre les pays, plus on évite les chocs et les crises et plus on tend à résoudre les différends par l’entente et les négociations. Et si historiquement et juridiquement parlant, on blâme les pays du bassin du Nil, économiquement parlant, l’Egypte n’a pas conclu assez d’accords avec ses voisins.

Aujourd’hui, Abiy Ahmed nous propose de réfléchir autrement à la gestion des relations, sans accord. Et si accord il y a, celui-ci change non seulement en fonction de l’évolution des relations entre les différentes parties, mais aussi en fonction des équilibres éthiopiens internes. Avant le conflit au Tigré, la politique de l’Ethiopie envers les eaux du Nil était basée sur le principe de gagner des partisans selon une vision des intérêts éthiopiens, tout en prenant des décisions unilatérales concernant le barrage. Maintenant, le conseil présenté par le premier ministre éthiopien à l’Egypte et au Soudan de réfléchir autrement n’est pas présenté par un Etat éthiopien doté de capacités de réflexion. La pensée de l’Etat change radicalement quand elle traverse des circonstances exceptionnelles. La vision permanente de l’Egypte sur la question du Nil est basée sur l’établissement de nouvelles bases pour les relations entre les pays du passage et de l’amont (l’Egypte et le Soudan) et les pays de l’aval, non seulement en ce qui concerne le partage des eaux, mais aussi le développement afin d’assurer la construction et la continuation de l’Etat. En d’autres termes, il ne s’agit ni de limiter les relations avec les pays du bassin à la question du partage des eaux, ni d’adopter le principe de la participation, mais plutôt d’engager un vrai partenariat avec ces pays afin de ne pas priver ces relations de leur richesse potentielle ; une richesse qui peut avoir de nombreuses répercussions positives sur les intérêts égyptiens. Et cet argument égyptien s’ajoutera aux cadres politiques et juridiques.

Selon les estimations, près de 1 650 milliards de mètres cubes d’eau tombent chaque année sur les pays en aval, dont 55,5 milliards seulement arrivent en Egypte. L’Egypte s’attache à sa part dans les eaux du Nil du fait qu’elle souffre déjà d’une pénurie d’eau, alors que sa population dépend entièrement des eaux du Nil. L’Ethiopie doit penser à construire son pays tout en pensant à la gestion des eaux du Nil. C’est ce qu’a fait l’Egypte il y a 7 000 ans, et l’Ethiopie peut le faire pendant les 7 000 prochaines années.

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