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La Chine renforce sa présence dans le Golfe

Mardi, 08 février 2022

2022 sera-elle l’année de la conclusion de l’accord de libre-échange entre la Chine et le Conseil de coopération du Golfe (CCG) ? C’est en tout cas l’objectif que se sont fixés Pékin et les 6 membres du CCG, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis (EAU), le Koweït, le Qatar, le Bahreïn et Oman. Les ministres des Affaires étrangères saoudien, koweitien, bahreïni et omanais ainsi que le secrétaire général du CCG étaient en Chine du 10 au 14 janvier pour accélérer la finalisation de l’accord. Neuf rounds de négociations ont déjà eu lieu entre les deux parties de 2004 à 2016. Mais elles ont été suspendues une première fois en 2009 lorsque la Chine a décidé de maintenir les droits de douane sur les exportations pétrochimiques du CCG afin de protéger son industrie chimique. Les pourparlers ont repris en 2016 lorsque Pékin a assuré souhaitait aller de l’avant. Mais ils ont été interrompus à nouveau en 2017 en raison de la crise du Golfe, qui s’est traduite par la rupture des relations entre le Qatar par l’Arabie saoudite, les EAU et le Bahreïn. La réconciliation avec Doha et sa réintégration dans le CCG en janvier 2021 a rouvert la voie à la reprise des pourparlers dans un contexte nouveau. Plusieurs changements affectant les intérêts géopolitiques des deux parties ont eu lieu ces dernières années, ce qui augmente la probabilité d’un accord.

Le retrait relatif des Etats-Unis de la région du Golfe et du Moyen-Orient vient en tête de ces changements. Pendant des décennies, les pays du Golfe se sont tournés vers Washington comme garant de leur sécurité en échange de la continuité des approvisionnements pétroliers. Mais au cours de la dernière décennie, les Etats- Unis ont réduit leur dépendance sur le brut du Golfe en développant leur propre capacité de production de pétrole de schiste. En outre, le retrait d’Afghanistan et la réorientation de la politique étrangère américaine vers la région Indo-Pacifique ont signalé que les priorités de Washington se situent de plus en plus en dehors du Moyen-Orient. Ces données géopolitiques ont poussé les membres du CCG à renforcer leurs liens avec la Chine en tant que nouveau partenaire commercial principal et facteur de rééquilibrage de leurs actions extérieures. C’est ainsi que la Chine est devenue à partir de 2020 le premier partenaire commercial du CCG.

Alors que les importations énergétiques des Etats-Unis en provenance de la région ont chuté, celles de la Chine ont régulièrement augmenté. La Chine est ainsi devenue le principal marché pour les pétromonarchies du Golfe, qui fournissent plus de 40 % des importations chinoises de pétrole. Cette tendance à la hausse – contrairement à la baisse de la demande sur le pétrole du Golfe en Occident — a fait que les importations chinoises jouent un rôle de plus en plus important dans la vie économique de la région. Elle a coïncidé avec la nouvelle stratégie économique des pays du Golfe visant à faire augmenter au maximum leurs revenus pétroliers en vue de les investir dans de grands projets, dont le but est de développer de nouvelles économies moins dépendantes du pétrole et plus diversifiées.

Cet objectif est également servi par les investissements injectés par Pékin dans les projets d’infrastructures construits dans le cadre de son initiative «la ceinture et la route». La Chine considère ainsi le CCG, non seulement comme une source d’approvisionnement stable en énergie, mais aussi comme un pilier de cette initiative, les EAU et l’Arabie saoudite étant classés respectivement deuxième et troisième destinataires des projets d’infrastructure de cette «nouvelle route de la soie». Dans ce cadre, Pékin investit massivement dans des infrastructures vitales, telles que les ports, la logistique et la communication, devenant ainsi une source majeure de technologie et de savoirfaire. Dans leur rapprochement, aussi bien les pétromonarchies que la Chine sont intéressées en premier lieu par l’économie. Mais la consolidation des rapports économiques n’est pas dénuée, en particulier pour l’Arabie saoudite et les EAU, de calculs stratégiques, car elle permet d’élargir leur marge de manoeuvre extérieure en vue de tirer des avantages des deux puissances concurrentes, les Etats-Unis et la Chine. Les principaux acteurs du CCG pourraient exploiter les inquiétudes américaines concernant l’ascension de la Chine et le renforcement de son influence dans la région pour améliorer leur position de négociation avec Washington dans le but d’obtenir des gains militaires et des assurances sur leur sécurité

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