A cause des changements stratégiques adoptés par le président américain Donald Trump, les observateurs de l’ordre mondial décrivent la phase actuelle de « phase de liquidation », parce que les Etats cherchent à rompre avec les orientations qui ont dominé l’ordre mondial pendant longtemps.
Le mot « liquidation » réfère au fait que l’on brise méthodiquement et intentionnellement les orientations que le monde a suivies de longues années. Cependant, cette liquidation n’a pas empêché les superpuissances de former de nouveaux équilibres entre elles. Des équilibres qui leur permettent d’endiguer les conséquences négatives de la liquidation et de tisser de nouvelles règles pour gérer les relations internationales.
Depuis l’arrivée au pouvoir du président Trump, les priorités de l’Administration américaine se limitent principalement à 5 choses : réduire l’engagement américain dans différentes parties du monde, considérer la Chine comme le principal ennemi, faire le maximum de pression sur l’Iran, afin d’épuiser son régime et garantir la sécurité d’Israël.
Lorsque le Covid-19 est apparu, la faiblesse de la réponse américaine à la pandémie a renforcé le recul américain dans le monde. En même temps, il y a une insistance exagérée à imposer des sanctions contre les parties que le président Trump considère comme une source d’animosité ou de souci pour l’alliance américano-israélienne.
Dans ce contexte, les positions américaines vis-à-vis des questions régionales et internationales se caractérisent par la confusion et le manque de clarté. C’est ce qui se passe actuellement avec la crise en Syrie et en Libye, où la Turquie utilise des terroristes pour menacer ce pays et usurper ses richesses, déstabilisant ainsi la région.
La faiblesse du rôle américain au Proche-Orient a poussé certains pays à adopter des politiques non traditionnelles, comme le fait de compter sur eux-mêmes quelles que soient les difficultés, et chercher de nouvelles alliances en limitant graduellement l’influence des Etats-Unis.
L’alliance stratégique entre la Chine et l’Iran et leur partenariat annoncé récemment sont le reflet de cette évolution. Les clauses de ce partenariat ont été dévoilées par le New-York Times. Le partenariat vise à renforcer les relations entre les deux grandes civilisations asiatiques.
La durée de ce partenariat est de 25 ans, durant lesquels la Chine va soutenir l’économie de l’Iran et ses capacités militaires à travers des investissements d’une valeur de 400 milliards de dollars dans les domaines de l’énergie, des télécommunications, des industries militaires et des infrastructures. En contrepartie, l’Iran va procurer à la Chine du pétrole à un prix inférieur de 35 % au prix mondial.
Ce partenariat doit encore être approuvé par les institutions législatives dans les deux pays dans un délai d’un ou deux mois au plus. Il va sans doute changer l’équation dans la région. La Chine joue ainsi un rôle direct dans l’émergence de nouvelles alliances régionales. Il est évident que la confusion stratégique des Etats-Unis constitue un prélude à une phase nouvelle qui sera porteuse soit de dangers et de menaces, soit de gains même s’ils sont limités.
Le partenariat entre l’Iran et la Chine vise à faire échouer méthodiquement la politique américaine des sanctions appliquées contre les deux pays. Il est tout à fait normal que ces deux pays, affectés par les sanctions, aient recours à une alliance pour affronter les menaces américaines.
Le partenariat montre l’échec de la politique américaine de retrait graduel du Proche-Orient pour se concentrer sur l’affrontement de la Chine en Asie. En fait, la Chine s’est hâtée de prendre la place des Etats-Unis au Proche-Orient, confirmant ainsi une réalité bien connue historiquement, à savoir qu’une région aussi vitale et influente que le Proche-Orient ne peut pas être livrée au vide. Ce vide sera forcément rempli par une ou plusieurs puissances qui établiront un nouveau cadre et proposeront de nouvelles priorités.
La durée de l’accord irano-chinois reflète l’insistance de la Chine à mener à bien sa stratégie d’infiltration économique dans toutes les régions du monde, à renforcer son initiative de la Route et de la ceinture, et à contourner les sanctions américaines.
L’objectif de cette politique est de bâtir un ordre politique et économique qui ne serait pas influencé par les fluctuations de la politique américaine. Si l’accord irano-chinois est appliqué, il limitera largement les chances de l’Europe de renforcer ses relations commerciales avant l’Iran. Effectivement, à cause des sanctions américaines contre l’Iran, et malgré les manoeuvres européennes et les tentatives de contourner les sanctions, il n’existe pas d’espace suffisant pour fonder des relations commerciales à même d’être développées entre l’Europe et l’Iran. L’accord entre Téhéran et Pékin permettra à l’Iran de se concentrer sur l’industrie et les produits chinois. Par conséquent, la demande sur les produits européens, en particulier les articles de haute capacité technologique, connaîtra une baisse considérable. Quand l’Iran aura obtenu ces produits de la Chine, l’Europe perdra le marché iranien.
L’accord place les Etats-Unis face à un grand défi. L’Administration américaine va-t-elle revoir sa stratégie qui a abouti à ces résultats indésirables ? Tout porte à croire que les Etats-Unis ont du mal à assimiler ce qui se passe dans le monde.
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