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Panarabisme et Etat-nation

Lundi, 23 septembre 2019

Faut-il reprendre le débat sur la nécessité d’un renouveau du panarabisme, alors que les crises et les déséquilibres structuraux qui frappent l’Etat-nation dans le monde arabe s’accumulent et s’aggravent, et alors que les élites au pouvoir et les régimes tota­litaires et autoritaires sont incapables de se réformer ?

La question gagne une importance à la lumière de la résurgence des identités secon­daires, de l’échec des politiques de dévelop­pement et d’intégration nationale et des écarts sociaux grandissants entre une mino­rité de richissimes au sommet de la pyramide sociale et une majorité dans le besoin. L’échec des élites politiques post-indépen­dance à mettre au point des politiques effi­caces de cohésion nationale a produit des loyautés qui reposent sur des appartenances religieuses, confessionnelles, raciales, lin­guistiques et géographiques.

Ces politiques coercitives et contreproduc­tives ont amené les diverses composantes à renouer chacune avec ses croyances, ses mythes et son histoire aux dépends du tissu social commun qui s’est désintégré. Et avec l’émergence d’identités primitives et secon­daires, le panarabisme post-indépendance a perdu ses slogans, ses symboles et ses insignes qui ont fait sa force mobilisatrice et unificatrice sous l’occupation occidentale britannique, française et italienne.

Les élites post indépendance avec leurs origines religieuses, confessionnelles, tri­bales et géographiques ont participé à la dilapidation de l’héritage nationaliste et anti­colonialiste, et ce, en plaçant l’Etat naissant et ses structures au service de leurs intérêts étroits, ensuite en limitant l’Etat à un régime totalitaire ou autoritaire, et enfin en réduisant ce régime à quelques personnes.

Le panarabisme en tant que concept unifi­cateur était le slogan des mouvements natio­naux anticolonialistes, or avec les régimes autoritaires, le concept s’est réduit à un outil de guerre entre, d’un côté, les régimes baathistes radicaux, en Syrie et en Iraq, et les royautés de l’autre côté, puis dans un deuxième temps entre les régimes baathistes eux-mêmes engagés dans des surenchères autour de la cause palestinienne et du conflit israélo-arabe. Quant au panis­lamisme, ce fut l’arme que les régimes conservateurs dans les pays riches ont utilisée contre le panarabisme. Manipulé par les élites au pouvoir et leurs médias, le nationalisme arabe est devenu une idéologie mythique incapable de remplir les conditions de l’évolution des mouvements nationaux postcoloniaux ni celles du déve­loppement socio-économique.

Cet écart entre le nationalisme arabe en tant qu’idéal et la réalité historique objective a eu ses répercussions politiques. En effet, les régimes arabes se sont trou­vés partagés entre l’idéologie panarabiste et leurs politiques visant à renforcer la souveraine­té et l’identité étatique. Ainsi, le caractère anticolonial du panara­bisme, qui a marqué l’histoire de la lutte contre l’autorité turque et l’occupation occidentale, s’est estompé, ainsi que les efforts des intellectuels chré­tiens qui avaient insisté sur le panarabisme comme dénomina­teur commun qui les unit avec les musulmans.

Les raisons de la régression du panara­bisme peuvent être ainsi résumées en plu­sieurs points. D’abord, les écarts entre les niveaux de développe­ment économique et social à tra­vers le monde arabe, l’inexistence de mouvements nationaux formés selon le style occidental, et l’ab­sence du concept de « l’Etat-nation » postcolonial, à l’excep­tion de l’Egypte et de l’Etat du Makhzen au Maroc. Ensuite, l’ex­pansion des mouvements de l’is­lam politique et de l’islam radical et de leurs idéologies invoquant le califat et l’Etat islamique et leur lutte (ou alliance) avec les élites au pouvoir. Mais il y a aussi le conflit idéo­logique et politique entre les monarchies pétrolières et les régimes radicaux a favorisé l’utilisation de certains groupes islamistes contre ces derniers, et dans un deuxième temps le soutien de l’idéologie panislamiste comme alternative à l’Etat national et aux régimes post indépendance, ainsi que les politiques éducatives, média­tiques et culturelles favorisant l’identité nationale ont exclu et isolé les identités secondaires. Alors que, paradoxalement, la négligence de l’enseignement et de la modernisation de la langue arabe, bien qu’officiellement adoptée, a aidé à la résurgence de dialectes locaux et oraux et par conséquent, à l’activation d’identités étatiques et subéta­tiques aux dépends du concept unificateur du panarabisme. Autre raison: les écarts entre les monarchies pétrolières riches et les pays arabes pauvres ont été accompagnés par une discordance de la conscience collective vis-à-vis du panarabisme. Phénomène aidé par les conflits interarabes depuis l’occupation iraqienne du Koweït et jusqu’aux guerres civiles en Syrie, au Yémen et en Libye. Enfin, les conflits régionaux ont renforcé l’influence de pays voisins comme l’Iran et la Turquie. La présence iranienne au Yémen, au Liban et dans la bande de Gaza a exacerbé les tensions, notamment les conflits confes­sionnels qui servent de couverture aux luttes de pouvoir dans le monde arabe. Sans oublier l’échec des projets d’alliances subrégionales comme l’Union du Maghreb arabe, le Conseil de coopération du Golfe, etc. a négativement impacter les orientations des jeunes généra­tions dans le Monde arabe.

Dans un tel contexte y aurait-il besoin de relancer l’idée du panarabisme ? .

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