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La crise dans le Golfe

Mardi, 30 juillet 2019

Si nous convenons que l’attaque, le 13 juin, contre des pétroliers japonais et norvégien dans le golfe d’Oman, près de l’embouchure du détroit d’Ormuz, constitue une escalade de la crise entre les Etats-Unis et l’Iran, la ques­tion importante qui doit nous préoccuper, en Egypte en particulier, est celle de ses implica­tions. Plus précisément, la guerre est-elle imminente ? Si la réponse est oui, qui en seront les parties prenantes ? S’agirait-il uni­quement d’une guerre américano-iranienne ou s’étendrait-elle à d’autres pays, notamment du Golfe ?

Ce sont les questions auxquelles l’Institut des études de sécurité nationale de l’Univer­sité de Tel-Aviv a tenu à donner des réponses. D’après cet institut qui est en quelque sorte la voix de l’intelligentsia israélienne, les choix sont limités et ni les Etats-Unis ni l’Iran n’ont intérêt à faire la guerre. Plus important encore, l’institut a conclu que si négociation il y avait, les intérêts américains ne corres­pondraient pas avec ceux d’Israël.

Parmi les raisons qui permettent d’exclure l’option de la guerre, poursuit le rapport du même institut, figurent en premier lieu les élections américaines prévues fin 2019. De son côté, l’Iran, qui refuse de négocier un nouvel accord sur son programme nucléaire, accepterait tactiquement les négociations si Washington lui permettait de vendre son pétrole, avec l’intention de faire traîner les tractations dans l’espoir de voir le président américain, Donald Trump, perdre les élec­tions et de poursuivre les négociations avec son successeur, selon les termes de l’ancien accord.

De ce qui précède, nous pouvons com­prendre qu’Israël n’a aucun intérêt dans la reprise des négociations entre l’Iran et les Etats-Unis, et que l’option de la guerre, quelles que soient ses conséquences, est l’op­tion qu’il privilégie. Mais c’est une position qui risque de changer à mesure de l’évolution de la crise.

Après l’attaque de deux pétroliers dans le golfe d’Oman, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont commencé à oeuvrer pour l’internationalisation du détroit d’Ormuz afin d’empêcher l’Iran d’en avoir le contrôle. Il s’agit de dépêcher des bâtiments de guerre pour sécuriser la navigation dans ce détroit par lequel transite un tiers du pétrole trans­porté par voie maritime. Mais former une coalition internationale pour un tel projet ne sera pas sans difficulté, surtout que les Occidentaux ne sont pas unanimes à accuser l’Iran d’être à l’origine de l’attaque des deux pétroliers.

En fait, avec l’intransigeance affichée des Etats-Unis, c’est toute la crise qui risque de prendre une dimension internationale. Ceci est d’autant plus plausible que la polarisation se met déjà en place avec d’un côté les Etats-Unis et de l’autre la Russie et la Chine.

Si la Grande-Bretagne soutient la position américaine, qui accuse l’Iran d’être l’auteur des attaques, l’Allemagne et le Japon ne par­tagent pas la même position. Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, a affirmé que la vidéo publiée par l’armée américaine n’était pas suffisante pour prouver l’implica­tion de l’Iran dans ces attaques.

De son côté, le ministre japonais de la Défense, TakeshiIwaya, a affirmé que son pays n’avait pas l’intention d’envoyer des forces militaires dans le détroit d’Ormuz, estimant que la situation dans le golfe d’Oman ne représentait pas une menace imminente pour le Japon.

La position de la Russie et de la Chine est complètement différente de celle des Etats-Unis. Dans un premier temps, la Russie a refusé d’attribuer ces attaques à l’Iran. D’après un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères, il serait inacceptable d’accuser un pays d’être impliqué dans cet incident avant une enquête internationale globale et impartiale.

Cela dit, les réactions les plus importantes ont eu lieu lors du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai à Bichkek, capi­tale du Kirghizistan, le 14 juin, auquel a assisté l’Iran en tant que membre observa­teur, et ensuite lors du sommet des chefs d’Etat de la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie (Cica) qui s’est tenu le lendemain à Douchanbé, capi­tale du Tadjikistan.

Le président iranien, Hassan Rohani, a assisté aux deux sommets et a bénéficié d’un soutien de la part de la Russie, de la Chine, de l’Inde et du Pakistan, qui ont salué l’enga­gement de l’Iran à ne pas se doter de l’arme nucléaire conformément à l’accord déjà signé, tout en appelant les autres pays, en l’occurrence les Etats-Unis, à honorer leurs engagements. Les pays participants ont éga­lement insisté sur l’importance du dialogue loin de toutes injonctions.

Ces évolutions s’opèrent avec en arrière-fond la guerre économique que se livrent les Etats-Unis d’un côté, et la Russie et la Chine de l’autre, et la dislocation de la « coalition occidentale » qui réunit les Etats-Unis et l’Europe.

Bref, si les Etats-Unis et leurs partenaires internationaux et régionaux envisagent l’in­ternationalisation du détroit d’Ormuz pour contenir l’Iran, c’est que la politique du pré­sident américain, Donald Trump, favorise cette internationalisation avec tous les risques que cela implique.

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