L’élection du conseiller Bahaa Abou-Choqqa à la tête de l’un des plus anciens partis politiques en Egypte est sans nul doute un changement de taille. Espérons que ce seront les prémices d’une redynamisation de la vie politique en Egypte. Le néo-Wafd est passé par 8 années de reculs, de divisions et de départs des symboles.
Le choix d’un nouveau leadership qui fait le consensus des membres souligne que le Wafd se trouve certainement devant une opportunité historique pour se restructurer, réoccuper le devant de la scène et mener son rôle avec force et efficacité. Ceci intervient à l’heure où nous avons grand besoin de deux ou trois partis qui feraient l’équilibre, qui représenteraient la voix des Egyptiens et qui détiendraient une vision et un programme ambitieux. Ce parti dans son nouvel habit devrait avoir pour ambition de disputer les différentes élections : présidentielle, législatives, municipales, etc. Cette participation effective pourrait l’emmener à diriger le gouvernement et à transformer sa vision politique et économique en politiques réalisables sur le terrain. Si le néo-Wafd parvient à disputer la prochaine présidentielle, il présentera certes une contribution importante non seulement au parti, mais à toute la vie politique en Egypte. Rappelons dans ce contexte les déclarations du président Al-Sissi regrettant l’absence d’une compétition plus serrée à la présidentielle, vu l’incompétence et la mauvaise performance des partis. Ces derniers, bien qu’au nombre de 100, ont été incapables de présenter des candidats aux profils attirants.
L’ambition pour un Etat civil et démocratique moderne serait vide de sens avec des partis fragiles.
Dans ce contexte, de nombreux présidents de partis reconnaissent le manque de performance de leurs partis, mais n’admettent pas leur responsabilité pour réparer cette situation. Il existe deux moyens d’y remédier : à travers la fusion de plusieurs partis, pour former un seul parti fort tant que leurs programmes sont similaires, ou bien à travers la disparition totale de la vie politique.
Le néo-Wafd pourrait représenter une vraie opposition, celle-ci est inexistante depuis quelque temps. Bien que la popularité du président Sissi ne soit pas à contester, comme l’ont prouvé les résultats de l’élection, il n’en demeure pas moins que l’opinion publique a le droit de se forger une nouvelle vision concernant le présent et l’avenir du pays. La stratégie du Wafd pourrait attirer vraisemblablement de nouveaux petits partis. Ce serait l’occasion d’injecter du sang neuf au sein du parti tant au niveau des idées qu’au niveau des cadres. Le Wafd a également la possibilité de former une alliance plus cohérente à partir de plateformes déjà existantes sur le terrain comme Daam Masr. Ce dernier trouvera en le Wafd une assise solide pour former des alliances plus sérieuses. Si la scène interne est régie par deux grandes alliances ayant la possibilité de se transformer en deux grands partis, nous pouvons imaginer alors un régime politique bipartite comme aux Etats-Unis avec les partis démocrates et républicains, et au Royaume-Uni avec les partis conservateurs et travaillistes.
Un régime bipartite permettra la naissance de nouveaux partis possédant des visions et des orientations différentes des deux grands. Ce qui enrichirait certes la pratique démocratique et mettrait les Egyptiens devant de nouveaux choix.
Il est vrai que la situation actuelle a empêché la chute des institutions, mais je dirais que ses objectifs majeurs ont tous été réalisés. Bien qu’il existe encore un certain nombre de menaces, notamment ce qui reste des groupuscules terroristes, elles ne sont pas à comparer avec celles qui sévissaient il y a 3 ou 4 ans. La vision mise en avant par le président Sissi pour contrer le terrorisme nécessite l’action de toute la société : les médias, la société civile, le discours religieux et les institutions religieuses. Tout cela ne peut se réaliser et ne peut prospérer dans un environnement politique et partisan léthargique, comme c’est le cas actuellement.
A mon avis, la relance des partis est une condition sine qua non pour fonder un Etat égyptien démocratique et pluraliste. Il est vrai que, pour beaucoup, la popularité du président va au-delà des partis actuels, et que ce sont les partis qui ont besoin de lui et non pas le contraire. A tel point qu’ils considèrent l’établissement d’un parti soutenant le gouvernement comme un prélude à une reproduction du Parti National Démocrate (PND) révolu et de tous les souvenirs malheureux qu’il a engendrés. La réponse est tout simplement que la conscience populaire n’est plus celle qu’elle était il y a 6 ans, et que l’instrumentalisation de la popularité du président pour consolider la vie partisane doit être façonnée selon une vision future. Et non pas en maintenant le statu quo.
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