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D'où vient le discours djihadiste ?

Samedi, 15 avril 2017

Après chaque acte terroriste perpétré et ayant secoué toute la société, les voix s’élèvent remettant en avant la nécessité de réviser le discours religieux, accusé d’être à l’origine de l’obscurantisme de la mentalité du kamikaze. Bien que la relation entre terrorisme et discours religieux n’ait jamais été interrompue, il n’en demeure pas moins qu’elle gagne en force suite aux événements terroristes pour se taire une fois que la tempête se calme.

A l’issue des deux attentats terroristes ayant ciblé, le 8 avril, l’église Saint-Georges de Tanta et la Cathédrale Saint-Marc d’Alexandrie, de nombreuses critiques ont ciblé Al-Azhar. Ces accusations pointent du doigt les programmes scolaires des écoles et des instituts azharis qui propagent l’extrémisme, et appellent à la tuerie des autres religions. Les responsables azharits, eux, dénoncent ces accusations et avancent que les nouvelles publications des livres scolaires depuis 2015 sont complètement dénuées de telles idées. Selon ces responsables, la collection de ces livres qui sont mis à la disposition des élèves, que ce soit dans les écoles ou dans les instituts azharis, aborde les questions relatives à la culture islamique qui sont positives vis-à-vis des valeurs de citoyenneté, de coexistence, de solidarité et de rejet de la violence. Les arguments dans ces livres, selon les figures de proue azharies, s’érigent contre le meurtre des adeptes d’autres religions sous les allégations du djihad (guerre sainte) ou autres appellations.

Dr Ahmad Al-Tayeb, cheikh d’Al-Azhar, a révisé en personne le contenu de ces programmes pendant des heures pour s’assurer qu’ils sont vides de toutes incitations à la violence ou au terrorisme. A l’heure où les condamnations se multiplient contre Al-Azhar par certains intellectuels et chercheurs, le nombre de diplômés azharis appartenant aux organisations terroristes diminue constamment. Et ce, outre le fait même qu’un grand nombre de membres des groupes terroristes dans les années 1980 et 1990 n’étaient pas des Azharis.

Le discours d’Al-Azhar est, dans son ensemble, modéré. Il ne rejette aucunement l’autre, c’est-à-dire celui d’une religion différente. Qui plus est, le communiqué final de la récente conférence d’Al-Azhar axée sur la citoyenneté tenue au début du mois de mars dernier a mis l’accent sur les valeurs de citoyenneté, de solidarité et de rejet de la violence. La vraie problématique a émergé et s’est épanouie en dehors du cadre de l’institution religieuse pour se cantonner dans les cercles du salafisme et du djihadisme.

Le salafisme perçoit la relation entre musulman et non musulman fondée uniquement sur les principes religieux et non pas sur la citoyenneté. Par conséquent, ce courant est inspiré d’écrits jurisprudentiels anciens qu’il considère comme fondamentaux. Pour ses disciples, la société est divisée entre musulmans et non musulmans. Ils n’admettent ni la diversité des composantes sociales ni la répartition des classes ou des catégories. Partant, la coexistence et l’échange de voeux est inacceptable entre musulmans et non musulmans. Ils ne doivent donc pas être considérés comme des amis même au sein des classes sociales similaires parce qu’ils sont considérés comme des mécréants. Dans ce contexte, se répètent les fatwas interdisant la félicitation des chrétiens lors de leurs fêtes, ainsi que par exemple le recours à une nourrice ou femme de ménage non musulmane. Les musulmans n’ont pas le droit de prononcer une quelconque bénédiction envers les chrétiens ou leurs morts et ne sont pas autorisés à leur présenter les condoléances ou à socialiser avec eux dans leurs églises.

En réalité, la société égyptienne souffre d’une schizophrénie lorsqu’elle affiche son intention de combattre le terrorisme et elle tient en même temps à fermer les yeux sur l’extrémisme. L’exemple le plus flagrant est la permission au courant salafiste de diffamer la croyance chrétienne. Les salafistes retrouvent une légitimité dans cette diffamation, et par conséquent, ils considèrent les chrétiens comme des mécréants et des athées. Les médias, de leur côté, accourent pour publier leurs discours, peut-être pour les scandaliser et inciter à leur haine. Cependant, ils ne savent pas que de cette manière, ils répandent ces idées extrémistes.

Le salafisme djihadiste voit dans ces idées une base propice pour la pratique de la violence et du terrorisme envers les partisans d’autres religions et parfois vis-à-vis des personnes ayant des avis qui divergent avec eux. Ceci se fait sous des appellations telles que le djihad. Ils assouvissent une sorte d’instinct dans le besoin d’agresser les chrétiens, détruire leurs églises les considérant comme des mécréants avec lesquels toute coexistence est une forme d’insécurité. Que des avis déformés quitte à légitimer tout attentat perpétré contre les chrétiens comme un droit. Ils les considèrent comme des créatures non classifiées qui sont ciblées à tout moment à cause de leur appartenance religieuse. C’est précisément le comportement de Daech en Iraq. Nous avons également un registre taché du sang chrétien en Iraq comme en Syrie, depuis le meurtre, la violation, les incendies, la démolition des églises, jusqu’à l’exode forcé. Ajoutons-y les récents événements des attentats suicides à l’église Saint-Pierre en décembre dernier et dans les deux églises, celle de Saint-Gorges à Tanta, et la Cathédrale Saint-Marc à Alexandrie. Rappelons-nous à cet égard les scènes de coptes visés à Al-Arich et qui ont été soumis à un exode laissant derrière eux leurs demeures.

Le problème majeur est que cette pensée mécréante représente la même menace aux chrétiens et aux musulmans. Non seulement elle porte préjudice à l’image de l’islam, mais ces idées maladives propagées par Daech assimilent aussi les chrétiens à des mécréants qui doivent être sujets à diverses sortes de tueries. Telles que celles qui se sont déroulées à Mossoul et dans d’autres régions du monde sous la mainmise de Daech, l’incarnation même du salafisme djihadiste.

Pour contrer cette pensée radicale, il faut conjuguer les efforts sécuritaires, culturels et éducatifs. L’échange des informations sur cette organisation entre les différents Etats s’avère également crucial pour infliger à ce radicalisme, qui est l’un des défis de notre monde, une défaite d’un seul coup

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