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Khaled Fahmi : Le permis de l’importation du charbon sera tributaire du respect de l’environnement.

Dalia Abdel-Salam, Mardi, 13 janvier 2015

Khaled Fahmi, ministre de l’Environnement, revient sur les questions de l’usage du charbon comme combustible et de la gestion des déchets solides et agricoles. Interview.

Khaled Fahmi
Khaled Fahmi, ministre de l’Environnement. (Photo : Nader Ossama)

Al-Ahram Hebdo : Le char­bon a été approuvé comme combustible dans l’industrie. Quelles sont les mesures et les normes qui ont été établies pour en minimiser les dégâts en terme de pollution ?

Khaled Fahmi: En mars 2014, le Conseil des ministres a décidé d’utiliser le charbon comme com­bustible dans tous les secteurs industriels selon les règlements en vigueur. On a pris du temps pour mettre au point de nouveaux docu­ments parce que cela implique une coordination avec les ministères de l’Intérieur, de l’Industrie, de la Santé et du Travail, en plus des ONG. Finalement, un nouveau document a vu le jour, et qui précise le genre du charbon utilisé, sa quan­tité, les modalités de son transfert des navires vers les quais, puis vers les usines, son stockage, et jusqu’au traitement des cendres. On attend que le document soit approuvé. Ce que les gens ne savent pas c’est que le charbon est importé et utilisé en Egypte depuis les années 1960.

— Quels sont les critères impo­sés par ce document, et le rôle du ministère dans leur application, notamment pour les phases du stockage, du transport et de l’utili­sation ?

— Les ports louent les quais à des compagnies de chargement, c’est donc celles-ci qui doivent construire les entrepôts nécessaires pour stoc­ker le charbon dans les conditions requises. Le charbon doit être gardé dans un milieu humide, ce qui nécessite de l’arroser durant le transfert et le stockage pour éviter la pollution due aux particules. Bien sûr je n’accepte pas la situation actuelle dans les ports, et j’inter­viendrai pour faire respecter les règlements. Pour le transfert du charbon, le meilleur moyen ce sont les voies ferrées. Les cimenteries sont prêtes à les développer, car ce moyen demeure moins coûteux comparé aux réseaux de gaz naturel, au cas où elles devraient importer du gaz. Le charbon peut toujours être transféré par des voitures couvertes. Mon rôle est d’inspecter, je vais former mon personnel ainsi que des représentants de la société civile pour m’aider dans cette tâche. En plus, chaque cimenterie devra pré­senter un rapport de performance environnementale à un comité des ministères concernés et des repré­sentants de la société civile. C’est ce rapport qui décidera de l’obtention et du renouvellement des permis d’importation du charbon, qui doi­vent être renouvelés tous les 2 ans.

— Et où en est-on du combus­tible alternatif? Surtout que l’usine Lafarge Ciments utilise les combustibles alternatifs, avec une substitution qui devrait atteindre un taux de 80% d’ici à 2016?

_ Les estimations révèlent que le taux du combustible alternatif dans les industries égyptiennes ne pourra jamais dépasser les 30 ou 40%. En effet pour encourager les industries, le taux de substitution figurera dans le rapport de performance environ­nementale. Un point important est à éclaircir, le gouvernement actuel est un gouvernement provisoire, il s’in­téresse donc aux projets à court terme mais qui sont applicables à moyen et à long terme comme les projets de l’énergie renouvelable par exemple.

— Les ministres successifs de l’Environnement n’ont pas pu éli­miner le phénomène de l’incinéra­tion en plein air de la paille de riz. Pourquoi selon vous ?

— Les déchets agricoles ont tou­jours été un problème pour l’envi­ronnement, et leur incinération en plein air a créé le phénomène du smog depuis 1999. C’est la paille de riz qui a attiré l’intérêt des médias tandis qu’elle n’est pas le vrai cou­pable, du fait qu’elle ne représente que 5% du volume total des déchets agricoles estimés entre 30 et 60 mil­lions de tonnes par an. Nous avons entamé un programme de recyclage pour les déchets agricoles afin de les utiliser dans la production du compost, de la biomasse, du bioé­thanol ou comme combustible alter­natif dans les fours des cimenteries. En fait, le caractère saisonnier du problème décourage les investis­seurs des résidus agricoles. Mais la situation a changé; aujourd’hui avec la crise énergétique on est obligé de trouver des combustibles alternatifs, comme la biomasse par exemple surtout que la subvention de l’énergie sera levée dans quelques années. Maintenant qu’il y a un marché, il reste la chaîne d’approvi­sionnement et ceci relève de l’Etat. Il faut faire rentrer les déchets agri­coles dans le cycle des combustibles alternatifs. Nous avons réalisé un projet dans ce domaine avec une ONG et nous avons constaté qu’il y avait des fournisseurs de déchets agricoles qui travaillaient bien et qui réalisaient des bénéfices impor­tants, mais qui ont besoin de sou­tien, si l’Etat arrive à les soutenir, la chaîne d’approvisionnement sera créée et répondra à la demande. On travaille actuellement sur un projet pour la collecte et l’utilisation des déchets agricoles. L’étude du projet a été effectuée par l’Agence Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE) et couvre les aspects économiques, financiers, techniques et écologiques de ce dos­sier. Ce programme a pour but de rassurer les investisseurs quant au profit financier de leur engagement. Les résultats de cette expérience seront bientôt présentés au Conseil des ministres.

— L’Egypte accueillera, du 2 au 6 mars, la Conférence des Ministres Africains pour l’Environnement (CMAE). Quels sont les sujets importants à l’ordre du jour ?

— Nous allons discuter de la détérioration de la qualité du sol et du capital naturel, notamment les ressources en eau. On essayera éga­lement de créer des domaines de coopération et de contacter les bailleurs de fonds pour des projets régionaux, surtout dans le domaine de l’énergie et de l’électricité. Les ministres chinois et indien de l’En­vironnement seront nos invités d’honneur, car ces deux pays s’inté­ressent beaucoup au continent afri­cain.

— Les réserves naturelles souf­frent de violation et de négli­gence. Qu’est-ce que vous faites pour sauver les réserves ?

— J’avoue que les réserves ont toujours été mal gérées et qu’on manquait de vision et de compé­tences pour assurer leur protection. Mais on doit essayer de changer tout cela! Il faut dire que les péri­mètres des réserves sont très mal définis. On trouve des réserves qui renferment des zones urbaines ou agricoles, ce qui rend leur conserva­tion et la protection presque impos­sibles. Savez-vous que la réserve de Wadi Degla renferme des ateliers de marbre qui ont des permissions d’utiliser les terrains de la réserve, moyennant la somme d’une livre égyptienne par mètre pour une période de 25 ans? En fait, il n’y a pas de budget pour les réserves, le seul budget disponible vient du Fonds de la protection de l’environ­nement, c’est l’argent des amendes. C’est-à-dire que l’environnement doit se détériorer d’abord pour pou­voir collecter l’argent nécessaire pour le protéger! On ne doit pas rester les bras croisés sans rien faire et laisser les réserves se détériorer davantage. Profiter économique­ment des réserves d’une manière durable est la seule solution pos­sible pour sauver ce qui reste.

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