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Amortir le choc

Amani Gamal El Din , Jeudi, 31 mars 2022

Le gouvernement égyptien multiplie les mesures pour limiter l’impact sur le citoyen de l’instabilité économique mondiale.

Amortir le choc
Le gouvernement entend focaliser ses dépenses sur la sécurité sociale, l’éducation et la santé.

Les autorités égyptiennes ont demandé au Fonds Monétaire International (FMI) d’entamer des discussions pour l’obtention d’un prêt qui aiderait l’Egypte à achever son programme de réforme structurelle. Le FMI est en discussion actuellement avec l’Egypte pour se mettre d’accord sur les conditions d’attribution de ce prêt. Ces négociations interviennent au moment où l’économie mondiale a subi un choc avec la hausse des prix mondiaux des biens et services et l’augmentation des taux d’intérêt dans la plupart des Banques Centrales. Nader Saad, porte-parole du cabinet ministériel, a déclaré que la guerre entre l’Ukraine et la Russie avait jeté ses ombres sur les prix mondiaux des produits de base et du brut. L’incertitude qui sévit sur les marchés inquiète les investisseurs et fait planer le spectre d’une fuite des capitaux des marchés émergents. Le ministre des Finances, Mohamed Maeit, a déclaré que « le nouveau prêt n’impliquera aucune pression sur le citoyen. Le recours à ce prêt permettra de préserver les acquis macro-économiques déjà réalisés et renforcera la résilience de l’économie égyptienne face aux chocs ».

Outre le recours à l’institution mondiale, l’Etat égyptien a adopté une série de mesures pour contrer la volatilité des prix sur les marchés économiques mondiaux et les pressions sur la livre égyptienne. Ainsi, le gouverneur de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), Tareq Amer, a décidé le 21 mars de déprécier la livre égyptienne contre le dollar. La livre a perdu 18 % de sa valeur face au dollar et s’échangeait la semaine dernière à 18,5 L.E. contre le billet vert, avant de se ressaisir cette semaine et s’échanger à 18,3 L.E. Parallèlement, les taux d’intérêt directeurs ont augmenté de 1 % sur les dépôts et les prêts (9,25 % et 10,25 % respectivement).

D’autres mesures ont été prises au niveau des finances publiques. Le budget préliminaire de l’exercice financier 2022-2023 a été annoncé, mais pas dans sa totalité. Le premier ministre, Moustapha Madbouli, a donné ses instructions au ministre des Finances, Mohamed Maeit, de restructurer le budget de l’exercice financier 2022-2023 avant sa soumission au parlement, en prenant en compte la hausse des prix des produits alimentaires et du brut. Cette mesure n’est pas surprenante, surtout que l’Etat doit payer des milliards de livres égyptiennes pour combler l’écart résultant de la hausse mondiale des prix des marchandises. Selon le site électronique d’informations économiques Enterprise, le gouvernement devrait dépenser 15 milliards de L.E. supplémentaires pour combler le fossé dû à la hausse des prix du blé. A l’heure où les cours mondiaux du pétrole ont triplé et le budget de l’année fiscale 2021-2022 avait été calculé sur la base d’un baril à 65 dollars.

Un budget d’austérité

C’est donc un budget d’austérité qui sera mis en place, c’est-à-dire une combinaison de mesures d’austérité et de dépenses sociales plus accrues. « Le budget en cours de révision accordera la priorité aux programmes de protection sociale, afin d’aider les plus marginalisés à faire face à la flambée des prix. Le ministère des Finances est appelé à être plus strict dans ses dépenses et recourir à des mesures d’austérité si nécessaire. Chaque ministère devrait réviser ses dépenses à la lumière de la nouvelle conjoncture », déclare, dans un communiqué de presse, le premier ministre Moustapha Madbouli. « L’austérité se fera au niveau des dépenses gouvernementales. Certains projets basés sur le dollar seront reportés. Il y aura sans doute aussi un recul des investissements publics au profit du secteur privé et des partenariats public-privé. Le système de paiement des subventions en liquide sera accéléré et il y aura une levée graduelle des subventions sur les produits alimentaires », explique Mona Bédeir, macroanalyste auprès de la banque d’investissement Prime.

Le ministre des Finances a déclaré que les prévisions de croissance ont été revues à la baisse passant de 5,7 % avant la guerre en Ukraine à 5,5 %. Le budget vise à présent à réaliser un surplus primaire de 1,5 % au lieu de 2 %, alors que la réduction du déficit budgétaire a été maintenue à 6,1 % du PIB. Rien n’a encore été annoncé sur la dette en pourcentage du PIB. Celle-ci était censée passer en dessous de la barre des 90 % du PIB en 2022-2023. « Nous prévoyons une croissance comprise entre 5 et 5,1 %. Ce taux pourrait baisser en raison des pressions inflationnistes et la baisse du pouvoir d’achat », affirme Bédeir. Et d’expliquer que la croissance sera motivée par des secteurs comme les télécommunications et la fintech et aussi par des secteurs spécifiques qui profiteront de la crise comme les engrais, les industries pétrochimiques, l’agriculture et les services qui bénéficieront du rétablissement post-Covid 19.

Le gouvernement entend focaliser ses dépenses sur la sécurité sociale, l’éducation, la santé et le soutien aux manufacturiers et aux exportateurs. Juste après la décision de déprécier la livre égyptienne, le gouvernement a adopté un paquet de stimuli financiers ainsi que des mesures sociales d’urgence d’un coût de 130 milliards de L.E. Une importante partie de ces 130 milliards est destinée aux ménages. Selon le ministre des Finances, Mohamed Maeit, 2,7 milliards de L.E. seront consacrées à l’inclusion de 450 000 nouvelles familles au programme d’aide sociale Takafol wa Karama. « Le nouveau budget allouera 20 milliards de L.E. à Takafol wa Karama et il y aura au total 3,8 millions de familles bénéficiaires », a déclaré Maeit. En outre, tous les fonctionnaires soumis à la loi du service civil bénéficieront de leur prime annuelle dès le mois d’avril au lieu du mois de juillet. Celle-ci sera de 8 % du salaire de base au lieu des 7 % avec un minimum mensuel de 100 L.E. Alors que les personnes non soumises à la loi bénéficieront d’une prime de 15 % du salaire de base. Une prime supplémentaire sera ajoutée aux salaires de base d’un montant compris entre 175 et 400 L.E. selon le grade administratif. Ces primes coûteront à l’Etat 36 milliards de L.E. Ce qui fait que 400 milliards de L.E. seront consacrées aux salaires dans le budget de l’Etat dans l’exercice financier 2022-2023.

« Partout dans le monde, les ministres des Finances mettent de côté des sommes de réserve pour prévenir les crises. Cette année, nous avons des réserves de 140 milliards de L.E. Ce chiffre a été possible grâce à une croissance élevée qui a atteint 5,3 % du PIB au cours de l’exercice financier 2021-2022 et aussi à la bonne gestion des finances publiques. Les 130 milliards de L.E. consacrées aux stimuli seront retranchées de cette somme », explique Mohamed Shadi, macroanalyste auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques.

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